Amour conjugal.
Sigismundus Liber, à propos des complexions étranges, écrit une chose qui semble plus qu'incroyable. Quand bien même tous les hommes du monde la croiraient, je ne sais pas si une seule femme la pourrait croire; et toutefois, il n'en parle qu'en bonnes enseignes.
C'est une femme native d'un pays voisin de la Moscovie, qui recevant de son mari tout bon traitement qu'il était possible de souhaiter, se persuada toutefois qu'il ne l'aimait point. Et le mari lui ayant demandé pourquoi elle se mettait cela en sa fantaisie, elle lui répondit que c'était parce qu'il ne lui montrait point le vrai signe d'amour.
Quand il fallut venir à l'interprétation de ces mots:
"Comment, dit-elle, voulez-vous dire que vous m'aimez, vu que depuis le temps que nous sommes ensemble, vous ne m'avez point battue?"
Le mari, étonné d'un si extraordinaire appétit qui prenait sa femme, lui promit de la rassasier de telle viande. Et l'essai étant fait, les deux parties commencèrent à avoir plus grand contentement qu'auparavant, car elle se trouvait bien d'être battue, lui se trouvait bien de la battre pourvu qu'au lieu qu'on dit qu'au battu faut (manque) l'amour, au contraire au battu croissait l'amour.
Ainsi dura ce caressement assez longtemps; mais un jour vint qu'il la caressa de coups si extraordinairement qu'au battu il fit faillir l'amour avec la vie (1)
Henri Estienne, Apologie pour Hérodote,
Discours préliminaire.
(1) Béranger dit:
Commissaire,
Laissez faire,
Colin bat sa ménagère;
Pour l'amour, c'est un beau jour.
Voyez, en outre, dans les œuvres du comte de Caylus, la dissertation sur l'usage de battre les femmes; voyez, mais ne vous en inspirez pas:
"Les femmes sont comme les côtelettes, disait le grand Frédéric (c'est du moins la légende qui l'affirme), plus on les bat, plus elles sont tendres."
Dictionnaire encyclopédique d'anecdotes, Edmond Guérard, librairie Firmin-Didot, 1876.
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