Histoire de la barbe en France.
Au commencement du Ve siècle le menton rasé et de faibles moustaches distinguaient les Français de toutes les nations voisines, dont le visage était orné d'une barbe plus ou moins épaisse. Au commencement du VIe siècle, et à l'exemple du roi Clovis, les français cessèrent de se raser complètement; ils conservèrent un petit bouquet de barbe à l'extrémité du menton, et ce bouquet s'étendant successivement le long des joues, devint, au VIIe siècle, une barbe formidable, dont le clergé seul s'abstenait.
La mode des barbes très courtes s'introduisit sous les rois fainéans, c'est-à-dire pendant la durée du VIIIe siècle, et le bouquet de barbe reparut de nouveau à l'extrémité du menton.
Le règne de Charlemagne fut le signal d'une nouvelle révolution. Le visage se débarrassa entièrement de la barbe, la lèvre supérieure se couvrit d'une épaisse moustache qui se prolongea de chaque côté du menton, et sous Charles-le-Chauve descendit jusqu'à la poitrine.
Mais la gêne causée par ces moustaches se fit bientôt sentir; peu à peu, elle perdirent de leur ampleur, et la première moitié du IXe siècle n'était pas écoulée, qu'elles étaient entièrement supprimées.
Ce fut au moment où les laïques renonçaient à cette mode que le clergé l'adopta. Dans les disputes qui s'élevèrent entre les Grecs et les Latins, cette innovation fut considérée comme assez importante pour devenir un prétexte d'anathème. Les prêtres rasés de l'Eglise grecque furent scandalisés des barbes de leurs frères d'occident, qu'ils trouvaient contraires à la sainteté du sacerdoce, et l'excommunication lancée en 858 contre le pape Nicolas, par le patriarche de Constantinople, Photius, est en partie fondée sur ce que les prêtres latins omettaient de se raser.
Nonobstant les foudres de Photius, la barbe reprit faveur en France et devint encore d'un usage général au commencement du Xe siècle. On lui donna alors diverses figures qui se modifiaient chaque année. Sous Henri Ier, les cheveux ronds et plats ne passaient point les oreilles, les moustaches étaient tombantes, dégagées et sans pointes, et une barbe longue et pointue était placée à l'extrémité du menton. Plus ou moins varié, cet usage dura jusqu'à la fin du XIIe siècle, où les mentons des religieux et des laïques furent de nouveau entièrement rasés.
Après un siècle et demi d'absence, la barbe ne fit qu'une légère apparition sous Philippe de Valois, pour disparaître presque aussitôt après lui. Les moustaches mêmes furent abattues ou très réduites; Charles VII, Louis XI, Charles VIII, Louis XII, se faisaient raser. Jusqu'à la fin du XVe siècle, l'on ne vit plus de visages barbus; seulement dans les cérémonies qui exigeait qu'on parût avec une barbe, on s'en procurait une artificielle; telle fut celle dont le duc de Lorraine s'orna le visage pour rendre les derniers honneurs au duc de Bourgogne tué en 1476; elle était dorée, suivant la coutume des anciens chevaliers.
François Ier, le jour de la fête des Rois, en 1521, ayant été blessé à la tête par un tison qu'on avait jeté d'une fenêtre par mégarde, fut obligé de se faire couper les cheveux. Craignant d'avoir l'air d'un moine avec le chaperon de ce temps-là, la tête rase et sans barbe, il imagina de porter un chapeau, et de laisser croître sa barbe. La longue barbe redevint donc à la mode; toutefois les magistrats et le clergé lui furent contraires, plusieurs chapitres refusèrent leur évêque par la raison que le prélat possédait un menton barbu; un décret de la Sorbonne, de 1561, décida que la barbe était contraire à la modestie, qui doit être la principale vertu d'un docteur. Néanmoins, estimée de tous les laïques, elle finit par faire des conquêtes parmi ceux-là mêmes qui l'avaient repoussée, et, teintée, cirée, parfumée, quelquefois saupoudrée de paillettes d'or et d'argent, enfermée soigneusement chaque soir dans un sac, qu'on appelait bigotelle, elle devint une partie importante des petits-maîtres français.
Le commencement de la décadence des barbes en France date du règne de Louis XIII; le bouquet au menton, la royale, chassèrent les barbes épaisses; réduites à la simple moustache sous Louis XIV, ce dernier ornement même devint incommode par l'usage de plus en plus répandu du tabac, et fut supprimé; et les seuls mentons barbus qui parurent dans le XVIIIe siècle appartenaient à quelques ordres religieux jusqu'à 1789, et à la secte peu nombreuse des penseurs, dix ans plus tard.
Il est sans doute peu de lecteurs qui ne se rappellent encore les moustaches qui apparurent tout-à-coup vers l'année 1817 sur la lèvre supérieure d'une classe de jeunes Parisiens dont les habitudes toutes pacifiques rendaient cet ornement singulier. On se souvient également du tumulte qui éclata dans un petit théâtre à l'occasion des représentations d'un vaudeville où l'on tournait en ridicule cette mode. A la suite de cet événement, la moustache tomba en discrédit; mais, bientôt après, l'enthousiasme qu'inspira pour le nom et le costumes grecs la guerre des Hellènes contre les Turcs, la remis en honneur; enfin les études sur le moyen âge s'étant de plus en plus répandues, les modes en reçurent un reflet gothique, et l'on vit quelques jeunes gens porter de nouveau la royale, puis la barbe épaisse du XVIe siècle.
Le Magasin pittoresque, 1833, livraison 20.
Après un siècle et demi d'absence, la barbe ne fit qu'une légère apparition sous Philippe de Valois, pour disparaître presque aussitôt après lui. Les moustaches mêmes furent abattues ou très réduites; Charles VII, Louis XI, Charles VIII, Louis XII, se faisaient raser. Jusqu'à la fin du XVe siècle, l'on ne vit plus de visages barbus; seulement dans les cérémonies qui exigeait qu'on parût avec une barbe, on s'en procurait une artificielle; telle fut celle dont le duc de Lorraine s'orna le visage pour rendre les derniers honneurs au duc de Bourgogne tué en 1476; elle était dorée, suivant la coutume des anciens chevaliers.
François Ier, le jour de la fête des Rois, en 1521, ayant été blessé à la tête par un tison qu'on avait jeté d'une fenêtre par mégarde, fut obligé de se faire couper les cheveux. Craignant d'avoir l'air d'un moine avec le chaperon de ce temps-là, la tête rase et sans barbe, il imagina de porter un chapeau, et de laisser croître sa barbe. La longue barbe redevint donc à la mode; toutefois les magistrats et le clergé lui furent contraires, plusieurs chapitres refusèrent leur évêque par la raison que le prélat possédait un menton barbu; un décret de la Sorbonne, de 1561, décida que la barbe était contraire à la modestie, qui doit être la principale vertu d'un docteur. Néanmoins, estimée de tous les laïques, elle finit par faire des conquêtes parmi ceux-là mêmes qui l'avaient repoussée, et, teintée, cirée, parfumée, quelquefois saupoudrée de paillettes d'or et d'argent, enfermée soigneusement chaque soir dans un sac, qu'on appelait bigotelle, elle devint une partie importante des petits-maîtres français.
Le commencement de la décadence des barbes en France date du règne de Louis XIII; le bouquet au menton, la royale, chassèrent les barbes épaisses; réduites à la simple moustache sous Louis XIV, ce dernier ornement même devint incommode par l'usage de plus en plus répandu du tabac, et fut supprimé; et les seuls mentons barbus qui parurent dans le XVIIIe siècle appartenaient à quelques ordres religieux jusqu'à 1789, et à la secte peu nombreuse des penseurs, dix ans plus tard.
Il est sans doute peu de lecteurs qui ne se rappellent encore les moustaches qui apparurent tout-à-coup vers l'année 1817 sur la lèvre supérieure d'une classe de jeunes Parisiens dont les habitudes toutes pacifiques rendaient cet ornement singulier. On se souvient également du tumulte qui éclata dans un petit théâtre à l'occasion des représentations d'un vaudeville où l'on tournait en ridicule cette mode. A la suite de cet événement, la moustache tomba en discrédit; mais, bientôt après, l'enthousiasme qu'inspira pour le nom et le costumes grecs la guerre des Hellènes contre les Turcs, la remis en honneur; enfin les études sur le moyen âge s'étant de plus en plus répandues, les modes en reçurent un reflet gothique, et l'on vit quelques jeunes gens porter de nouveau la royale, puis la barbe épaisse du XVIe siècle.
Le Magasin pittoresque, 1833, livraison 20.
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