Angoulême.
Une tradition populaire attribue la fondation d'Angoulême à Marrus, capitaine romain qui vivait dans le VIe siècle avant l'ère chrétienne; toutefois l'origine de la ville et l'étymologie de son nom, sont historiquement inconnues. Ausone, poëte du IVe siècle, est le premier qui parle d'Angoulême, sous le nom d'Iculisma; c'était alors la capitale des Agésinates, peuples qui occupaient l'Angoumois. De la domination des Romains, Angoulême passa sous celle des Visogoths, qui la conservèrent jusqu'en 507, époque où Clovis s'en rendit maître après la bataille de Voclade. Voici, du reste, la description, que donne de cette ville un vieil historien, d'une grande exactitude:
"Angoulême est la capitale du pays d'Angoumois, et lui a donné sa dénomination; elle est bâtie sur le sommet d'une haute montagne, élevée entre les rives d'Anguienne et de Charente, lesquelles s'allient et s'embrassent en ce lieu-là par l'assemblage de leurs eaux. Et ce qui rend la situation de cette ville, plus belle et plus considérable, c'est que la planure de la montagne qui lui sert de base et de fondement ne porte de largeur qu'autant qu'il en faut pour l'enceinte de ses murailles; elle est inaccessible de tous côtés, à la réserve d'un seul qui est bien fortifié et entouré de tours, fossés et bastions. Comme cette ville est fort ancienne, elle a été conséquemment sujette à diverses révolutions et à d'étranges accidents; elle est décorée d'une belle église cathédrale, dédiée à l'honneur de saint Pierre. C'était un des plus superbes temples de toute la Guienne, et surtout recommandable par une des plus superbes tours et aiguilles de France qui lui servait de clocher. On dit que saint Ausone, premier évêque d'Angoulême, fit bâtir cette église pour y exercer les fonctions du christianisme, que le grand Clovis l'agrandit beaucoup et l'embellit d'une magnifique architecture."
La ville d'Angoulême n'est pas seulement agréablement située, elle est en général bien construite; les maisons sont propres et régulières, les rues larges et droites; la promenade en terrasse, qui occupe l'emplacement des anciens remparts, offre un horizon des plus vastes par son étendue, et l'un des plus magiques, par le tableau qu'il déploie de campagnes riantes et fertiles, aussi belles que bien cultivées. Du haut de ses murs, élevés d'environ 200 pieds au-dessus du niveau de la plaine, l’œil se repose avec plaisir sur le bassin de la Charente et sur celui de la petite rivière d'Anguienne, dont les eaux coulent au milieu de vastes prairies, ombragées de touffes d'arbres, et dominées par des coteaux couverts de riches vignobles. On voit, d'un côté, des rochers agrestes et escarpés, des chemins creux, des forêts immenses; de l'autre la vue s'égare sur des plaines traversées par les grandes routes de Paris et de Bordeaux. On parvient à la ville par quatre rampes: deux à l'Houmeau et deux à Saint-Pierre. Les deux rampes de l'Houmeau ont été commencées en 1740; elles sont encore très-roides néanmoins, mais traitées avec plus d'intelligence que les anciennes rampes de Saint-Pierre, construites postérieurement, et presque impraticables pour les voitures, qui étaient obligées, il y a quelques années de faire un long circuit pour arriver dans la ville. Aujourd'hui, un superbe chemin planté d'arbres descend de la porte Saint-Pierre, et va, jusqu'au bas du faubourg de ce nom, se joindre à la grand'route; il se replie sur lui-même, après avoir embrassé près de la moitie de la circonférence de la montagne sur laquelle la ville est bâtie; la première partie de ce chemin se joint à la seconde en formant une belle rotonde plantée d'arbres, environnée de bancs de pierre, au milieu de laquelle s'élève une colonne de 47 pieds de hauteur, surmontée d'un globe.
La promenade la plus belle, et aussi la plus fréquentée d'Angoulême, est la place d'Artois, commencée en 1776 et finie en 1787. Plantée d'arbres d'espèces diverses divisées en trois allées, elle est séparée des maisons qui la bordent de chaque côté par une large rue; l'Hôtel de Ville et la salle de spectacle la terminent à une de ses extrémités, et elle se joint à l'autre bout au rempart Desaix qui longe la ville jusqu'à la porte du Secours. Les principales portes d'Angoulême, sont celles de Saint-Pierre, du Secours, de Chandos et du Palet, autrefois flanquées de tourelles qui faisaient partie des fortifications; ces tourelles ont été démolies; il ne reste que quelques débris des anciennes murailles, et les portes n'offrent plus rien de curieux. Quelques vieilles tours existent dans l'enceinte de la ville; ce sont de grosses et lourdes masses, moins imposantes par leur aspect que par les souvenirs historiques qu'elles réveillent.
Un inconvénient attaché à la situation d'Angoulême, et auquel il est très difficile de remédier, c'est le défaut d'eau: les fontaines sont abondantes au bas du coteau, mais leur éloignement fait qu'on est obligé de transporter l'eau dans des barils, à dos de bêtes de somme, pour la vendre aux habitants; car, quoiqu'on ait beaucoup de puits à l'intérieur de la ville, la plupart ne fournissent qu'une eau de mauvaise qualité, et tous sont si profonds qu'ils n'offriraient que peu de ressources en cas d'incendie.
Sigebert raconte qu'après la sanglante défaite des Visigoths, où le roi Alaric perdit la vie de la propre main de Clovis, la ville d'Angoulême fut assiégée par l'armée victorieuse, et qu'une partie des murailles tomba, comme par miracle, aux pieds des assiégeants; de manière que les Visigoths qui restèrent en la ville d'Angoulême furent passés au fil de l'épée par Clovis, qui nomma pour évêque Apronius, son chapelain; il fit aussi abattre les murailles de cette pauvre cité, et voulut qu'elle fut démantelée pour servir à la postérité d'un illustre trophée et d'un monument insigne de sa victoire.
Cependant les murailles d'Angoulême furent rebâties sous les successeurs de Clovis; Charles le Chauve, qui craignais le retour des pirates danois et normands, envoya un brave et vaillant capitaine, nommé Vulgrin, pour prendre le commandement des pays d'Angoumois et de Périgord; ce fut Vulgrin qui fit reconstruire les murs d'Angoulême en 866.
Durant le moyen âge, Angoulême fut gouvernée par des comtes souverains; elle en compte jusqu'à dix-neuf, dont quatorze étaient issues de la race chevaleresque des Taillefer, et cinq de celle des Lusignan. Après avoir été réunie à la couronne, cette ville fut cédée aux Anglais après la bataille de Poitiers; mais les habitants, pressurés par les exactions infinies des soldats bretons, les chassèrent de leurs murs. Charles V, en reconnaissance d'une telle conduite, en fit l'apanage des fils de France.
Dans le XVIe siècle, Angoulême eut à souffrir des guerres religieuses qui agitaient la monarchie; tour à tour aux mains des Calvinistes et des Catholiques, elle finit par se vendre, en 1562, à l'amiral Coligny, qui dut se reprocher d'avoir laissé ses soldats abuser de la victoire; les églises furent pillées et saccagées, la cathédrale détruite, car aux jours d'effervescence cette rage de démolition se produit toujours, elle s'empare des multitudes aussi bien que des gouvernements mêmes.
Le vieux château d'Angoulême, dont il ne reste plus que quelques tours, est situé au milieu de la ville et la domine par sa position élevée; il était anciennement nommé le Château de la Reine, à cause d'Isabelle Taillefer, comtesse d'Angoulême, femme, en premières noces, de Jean-sans-Peur, roi d'Angleterre, si célèbre dans l'histoire sous le nom de Comtesse-Reine.
La maison Taillefer était ainsi désignée depuis Guillaume 1er, comte d'Angoulême, lequel, dans une bataille contre les Normands, fendit d'un bon coup de rapière leur chef Storis, malgré la cuirasse dont il était couvert; sa postérité a conservé le surnom de Taillefer (Sector Ferri).
La grosse tour ronde est la partie la plus ancienne du château; on pourrait la reculer, avec d'autres bâtiments de peu d'importance, jusque vers le milieu du XIIe siècle. Au rez de chaussée de cette tour, se trouvait la salle commencée par la veuve de Hugues III, mort en 1282; on y aperçoit quelques traces des armoiries de cette famille. Au second étage est une autre salle, construite par le comte Jean, aïeul de François 1er, et décorée du blason d'Orléans-Angoulême et de ses nobles alliances. Les créneaux en accolade de cette vieille tour paraissent être postérieurs à l'époque du comte Jean, quoique à demi-écroulés. La grande tour polygone, où est aujourd'hui juché le télégraphe, a été bâtie par Hugues IV, qui mourut en 1303, les créneaux sont en ogives. Le reste du château ne remonte pas au delà du XVe siècle, et la partie de l'ouest est même beaucoup plus moderne.
Corlieu, écrivain du XVIIe siècle, qui s'est occupé des antiquités d'Angoulême, finit ainsi sa description; "Certainement je ne puis passer sous silence une singularité remarquable qui a donné du renom à la ville d'Angoulême, et qui a été décrites par tous les cosmographes et annalistes. C'est la mémorable rivière de Touvre, laquelle, prenant naissance au pied d'un château ruiné, à une lieue d'Angoulême et descendant par la plaine d'une fort grande largeur, prend fin à demi-lieue de son commencement, et entre dans la Charente. Cette admirable rivière de Touvre a servi d'un argument célèbre à nos poëtes français à cause de sa beauté, et d'un nombre infini de cygnes, que les anciens comtes d'Angoulême avaient affranchis et qu'ils faisaient nourrir pour leur divertissement; et on disait jadis: que la Touvre était tapissée de cygnes, pavée de truites, lardée d'anguilles et bordée d'écrevisses.
Mais c'est une chose merveilleuse, au rapport des historiens, qu'elle ne peut porter un bateau de diverses pièces, qu'il ne soit en peu de temps rongé et perdu par les vers qui s'y engendrent, et il faut de nécessité qu'il soit fait d'une seule pièce de bois. C'est une créance et opinion commune au pays d'Angoumois que la rivière de Touvre se fait d'une autre moindre qu'on nomme le Bandiac, qui, passant à une lieue de là, le long de la forêt de Braconne, se perd en plusieurs endroits et se va rendre à la Touvre. La cause de la perte du Bandiac est que la terre de la forêt de Braconne est légère et spongieuse où l'eau se dérobe; ce qui est aussi cause qu'en tout ce quartier-là, il n'y a ni puits, ni fontaines, et qu'il s'y rencontre plusieurs grandes et profondes fosses où la terre s'est enfoncée par son peu de solidité. Les poëtes angoumois ont feint que le Bandiac fut amoureux de la Touvre, et que pour en jouir il se déroba par des conduits souterrains. Toutefois, le seul Bandiac ne fait pas la Touvre qui a six fois autant d'eau que lui, mais il se joint avec d'autres sources qui composent par leur union cette belle et agréable rivière.
Je ne dirai plus qu'un mot de ce qui se voit autour d'Angoulême: c'est d'un ancien tombeau de pierre élevé sur terre, à la hauteur de six pieds, entre des vignes, sur un haut terrier, à la vue de la ville. Les habitans l'ont nommé le tombeau du Bourguignon, et disent que ce fut un Bourguignon (cette gent a été anciennement taxée d'ivrognerie), "lequel ayant goûté du vin provenu en ce lieu, et venant à mourir, y voulut être enterré; et a été ce tombeau si vénérable à la postérité qu'il n'a jamais été violé, et demeure dans son entier."
Angoulême est le lieu de naissance de Marguerite de Valois, sœur de François 1er, princesse la plus accomplie de son sexe, et l'ornement de la cour de France par sa beauté, sa douceur, son esprit éclairé et l'élégance de ses manières. François 1er la chérissait tendrement et l'appelait sa Mignonne, la Marguerite des marguerites. C'est à tort qu'on a douté de la pureté de ses mœurs, parce que l'on trouve dans ses Contes, le plus connu de ses écrits, certaines joyeusetés et gaillardises, comme le dit Brantôme; mais il faut se rappeler que le langage qui aujourd'hui nous paraît libre, ne s'éloignait pas de son temps du bon ton de la cour, et son style est même plus convenable que certains sermons de l'époque.
Parmi les personnages remarquables nés à Angoulême, on distingue encore un de ses évêques, saint Gelais; ce fut lui qui restaura et enrichit la vieille basilique, et augmenta le palais épiscopal; on lui doit l'aile gauche de ce dernier monument, dont le pignon élevé, surmonté d'une sorte de statue grotesque, paraît être parfaitement dans le goût de la dernière période de l'architecture gothique. Saint Gelais mourut en 1502, âgé seulement de trente-six ans, des suites d'une épidémie qui ravageait Angoulême, un de ses frères fit construire, pour renfermer son tombeau, l'opulente chapelle de Notre-Dame-du-Salut, connue aujourd'hui sous le seul nom de saint-Gelais."Elle est, dit Corlieu, autant belle et riche qu'il en fût au royaume de France". Néanmoins, les fines dentelures, les capricieuses arabesques, les figures délicates, les armoiries répétées, tout cela rehaussé de peintures d'or et d'azur, devait laisser dans l'âme quelque chose de l'impression d'un boudoir; car ce n'est plus de l'architecture gothique, vraiment hardie, religieuse et chevaleresque, c'est un monument où il y a déjà trop de renaissance, c'est de l'art enjolivé, choyé par le goût abâtardi d'une époque de transition. Cette chapelle, qui paraît n'avoir été terminée qu'en 1533, fut écrasée sous les débris du grand clocher, incendié et ruiné en 1568; ses restes qui étaient naguère dans un état honteux de profanation, sont momentanément abrités: on parle de les restaurer d'une manière plus complète.
A. Mazet.
Le Magasin universel, avril 1837.
La promenade la plus belle, et aussi la plus fréquentée d'Angoulême, est la place d'Artois, commencée en 1776 et finie en 1787. Plantée d'arbres d'espèces diverses divisées en trois allées, elle est séparée des maisons qui la bordent de chaque côté par une large rue; l'Hôtel de Ville et la salle de spectacle la terminent à une de ses extrémités, et elle se joint à l'autre bout au rempart Desaix qui longe la ville jusqu'à la porte du Secours. Les principales portes d'Angoulême, sont celles de Saint-Pierre, du Secours, de Chandos et du Palet, autrefois flanquées de tourelles qui faisaient partie des fortifications; ces tourelles ont été démolies; il ne reste que quelques débris des anciennes murailles, et les portes n'offrent plus rien de curieux. Quelques vieilles tours existent dans l'enceinte de la ville; ce sont de grosses et lourdes masses, moins imposantes par leur aspect que par les souvenirs historiques qu'elles réveillent.
Un inconvénient attaché à la situation d'Angoulême, et auquel il est très difficile de remédier, c'est le défaut d'eau: les fontaines sont abondantes au bas du coteau, mais leur éloignement fait qu'on est obligé de transporter l'eau dans des barils, à dos de bêtes de somme, pour la vendre aux habitants; car, quoiqu'on ait beaucoup de puits à l'intérieur de la ville, la plupart ne fournissent qu'une eau de mauvaise qualité, et tous sont si profonds qu'ils n'offriraient que peu de ressources en cas d'incendie.
Sigebert raconte qu'après la sanglante défaite des Visigoths, où le roi Alaric perdit la vie de la propre main de Clovis, la ville d'Angoulême fut assiégée par l'armée victorieuse, et qu'une partie des murailles tomba, comme par miracle, aux pieds des assiégeants; de manière que les Visigoths qui restèrent en la ville d'Angoulême furent passés au fil de l'épée par Clovis, qui nomma pour évêque Apronius, son chapelain; il fit aussi abattre les murailles de cette pauvre cité, et voulut qu'elle fut démantelée pour servir à la postérité d'un illustre trophée et d'un monument insigne de sa victoire.
Cependant les murailles d'Angoulême furent rebâties sous les successeurs de Clovis; Charles le Chauve, qui craignais le retour des pirates danois et normands, envoya un brave et vaillant capitaine, nommé Vulgrin, pour prendre le commandement des pays d'Angoumois et de Périgord; ce fut Vulgrin qui fit reconstruire les murs d'Angoulême en 866.
Durant le moyen âge, Angoulême fut gouvernée par des comtes souverains; elle en compte jusqu'à dix-neuf, dont quatorze étaient issues de la race chevaleresque des Taillefer, et cinq de celle des Lusignan. Après avoir été réunie à la couronne, cette ville fut cédée aux Anglais après la bataille de Poitiers; mais les habitants, pressurés par les exactions infinies des soldats bretons, les chassèrent de leurs murs. Charles V, en reconnaissance d'une telle conduite, en fit l'apanage des fils de France.
Dans le XVIe siècle, Angoulême eut à souffrir des guerres religieuses qui agitaient la monarchie; tour à tour aux mains des Calvinistes et des Catholiques, elle finit par se vendre, en 1562, à l'amiral Coligny, qui dut se reprocher d'avoir laissé ses soldats abuser de la victoire; les églises furent pillées et saccagées, la cathédrale détruite, car aux jours d'effervescence cette rage de démolition se produit toujours, elle s'empare des multitudes aussi bien que des gouvernements mêmes.
Le vieux château d'Angoulême, dont il ne reste plus que quelques tours, est situé au milieu de la ville et la domine par sa position élevée; il était anciennement nommé le Château de la Reine, à cause d'Isabelle Taillefer, comtesse d'Angoulême, femme, en premières noces, de Jean-sans-Peur, roi d'Angleterre, si célèbre dans l'histoire sous le nom de Comtesse-Reine.
La maison Taillefer était ainsi désignée depuis Guillaume 1er, comte d'Angoulême, lequel, dans une bataille contre les Normands, fendit d'un bon coup de rapière leur chef Storis, malgré la cuirasse dont il était couvert; sa postérité a conservé le surnom de Taillefer (Sector Ferri).
La grosse tour ronde est la partie la plus ancienne du château; on pourrait la reculer, avec d'autres bâtiments de peu d'importance, jusque vers le milieu du XIIe siècle. Au rez de chaussée de cette tour, se trouvait la salle commencée par la veuve de Hugues III, mort en 1282; on y aperçoit quelques traces des armoiries de cette famille. Au second étage est une autre salle, construite par le comte Jean, aïeul de François 1er, et décorée du blason d'Orléans-Angoulême et de ses nobles alliances. Les créneaux en accolade de cette vieille tour paraissent être postérieurs à l'époque du comte Jean, quoique à demi-écroulés. La grande tour polygone, où est aujourd'hui juché le télégraphe, a été bâtie par Hugues IV, qui mourut en 1303, les créneaux sont en ogives. Le reste du château ne remonte pas au delà du XVe siècle, et la partie de l'ouest est même beaucoup plus moderne.
Corlieu, écrivain du XVIIe siècle, qui s'est occupé des antiquités d'Angoulême, finit ainsi sa description; "Certainement je ne puis passer sous silence une singularité remarquable qui a donné du renom à la ville d'Angoulême, et qui a été décrites par tous les cosmographes et annalistes. C'est la mémorable rivière de Touvre, laquelle, prenant naissance au pied d'un château ruiné, à une lieue d'Angoulême et descendant par la plaine d'une fort grande largeur, prend fin à demi-lieue de son commencement, et entre dans la Charente. Cette admirable rivière de Touvre a servi d'un argument célèbre à nos poëtes français à cause de sa beauté, et d'un nombre infini de cygnes, que les anciens comtes d'Angoulême avaient affranchis et qu'ils faisaient nourrir pour leur divertissement; et on disait jadis: que la Touvre était tapissée de cygnes, pavée de truites, lardée d'anguilles et bordée d'écrevisses.
Mais c'est une chose merveilleuse, au rapport des historiens, qu'elle ne peut porter un bateau de diverses pièces, qu'il ne soit en peu de temps rongé et perdu par les vers qui s'y engendrent, et il faut de nécessité qu'il soit fait d'une seule pièce de bois. C'est une créance et opinion commune au pays d'Angoumois que la rivière de Touvre se fait d'une autre moindre qu'on nomme le Bandiac, qui, passant à une lieue de là, le long de la forêt de Braconne, se perd en plusieurs endroits et se va rendre à la Touvre. La cause de la perte du Bandiac est que la terre de la forêt de Braconne est légère et spongieuse où l'eau se dérobe; ce qui est aussi cause qu'en tout ce quartier-là, il n'y a ni puits, ni fontaines, et qu'il s'y rencontre plusieurs grandes et profondes fosses où la terre s'est enfoncée par son peu de solidité. Les poëtes angoumois ont feint que le Bandiac fut amoureux de la Touvre, et que pour en jouir il se déroba par des conduits souterrains. Toutefois, le seul Bandiac ne fait pas la Touvre qui a six fois autant d'eau que lui, mais il se joint avec d'autres sources qui composent par leur union cette belle et agréable rivière.
Je ne dirai plus qu'un mot de ce qui se voit autour d'Angoulême: c'est d'un ancien tombeau de pierre élevé sur terre, à la hauteur de six pieds, entre des vignes, sur un haut terrier, à la vue de la ville. Les habitans l'ont nommé le tombeau du Bourguignon, et disent que ce fut un Bourguignon (cette gent a été anciennement taxée d'ivrognerie), "lequel ayant goûté du vin provenu en ce lieu, et venant à mourir, y voulut être enterré; et a été ce tombeau si vénérable à la postérité qu'il n'a jamais été violé, et demeure dans son entier."
Angoulême est le lieu de naissance de Marguerite de Valois, sœur de François 1er, princesse la plus accomplie de son sexe, et l'ornement de la cour de France par sa beauté, sa douceur, son esprit éclairé et l'élégance de ses manières. François 1er la chérissait tendrement et l'appelait sa Mignonne, la Marguerite des marguerites. C'est à tort qu'on a douté de la pureté de ses mœurs, parce que l'on trouve dans ses Contes, le plus connu de ses écrits, certaines joyeusetés et gaillardises, comme le dit Brantôme; mais il faut se rappeler que le langage qui aujourd'hui nous paraît libre, ne s'éloignait pas de son temps du bon ton de la cour, et son style est même plus convenable que certains sermons de l'époque.
Parmi les personnages remarquables nés à Angoulême, on distingue encore un de ses évêques, saint Gelais; ce fut lui qui restaura et enrichit la vieille basilique, et augmenta le palais épiscopal; on lui doit l'aile gauche de ce dernier monument, dont le pignon élevé, surmonté d'une sorte de statue grotesque, paraît être parfaitement dans le goût de la dernière période de l'architecture gothique. Saint Gelais mourut en 1502, âgé seulement de trente-six ans, des suites d'une épidémie qui ravageait Angoulême, un de ses frères fit construire, pour renfermer son tombeau, l'opulente chapelle de Notre-Dame-du-Salut, connue aujourd'hui sous le seul nom de saint-Gelais."Elle est, dit Corlieu, autant belle et riche qu'il en fût au royaume de France". Néanmoins, les fines dentelures, les capricieuses arabesques, les figures délicates, les armoiries répétées, tout cela rehaussé de peintures d'or et d'azur, devait laisser dans l'âme quelque chose de l'impression d'un boudoir; car ce n'est plus de l'architecture gothique, vraiment hardie, religieuse et chevaleresque, c'est un monument où il y a déjà trop de renaissance, c'est de l'art enjolivé, choyé par le goût abâtardi d'une époque de transition. Cette chapelle, qui paraît n'avoir été terminée qu'en 1533, fut écrasée sous les débris du grand clocher, incendié et ruiné en 1568; ses restes qui étaient naguère dans un état honteux de profanation, sont momentanément abrités: on parle de les restaurer d'une manière plus complète.
A. Mazet.
Le Magasin universel, avril 1837.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire