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dimanche 25 février 2018

Ceux de qui on parle.

M. James Gordon Bennett.


Fils du fondateur du New-York Hérald, lui-même directeur de ce journal, M. Gordon Bennett est un Américain émigré en France. Il ne se montre guère dans la capitale des Etats-Unis que tous les deux ans, mais il correspond régulièrement par câble avec son sous-directeur et ne se désintéresse pas un instant du Hérald.
En même temps, il s'occupe à Paris de la publication de l'édition européenne de ce même journal*. L'édition européenne n'est pas la traduction de l'autre; elle est faite des informations reçues directement à Paris de tous les points du globe, avec une rapidité déconcertante.
D'autre part les bureaux de Paris servent d'agence pour transmettre aux services de New-York les nouvelles d'Europe.
Le retard de l'heure de l'Amérique sur la nôtre facilite beaucoup cette correspondance: un télégramme adressé à Paris à cinq heures du matin arrive encore à temps à New-York pour le journal du même jour.




C'est un administrateur fort habile que M. Gordon Bennett. Il a été à bonne école. Son père, après avoir été comptable, puis "typo" avait fondé le Herald qui dut sa réussite à la rapidité avec laquelle il fut toujours informé.
Cet exemple entraîna les autres et c'est grâce à Gordon Bennett le père que les journaux rivalisent aujourd'hui pour nous donner tous les jours des nouvelles sensationnelles. Certains même, pour être plus sûrs d'arriver les premiers, répandent leurs informations au hasard, quittes à publier ensuite les démentis qu'ils reçoivent.
Gordon Bennett fit faire à son fils des études sérieuses et lui apprit de bonne heure les secrets de son métier.
Son père étant mort en 1872, M. James Bennett prit la direction du New-York Herald. Il avait alors trente-deux ans. L'importance du journal ne fit que s'accroître. Les bureaux en furent transportés dans un palais décoré, entre autre beautés, de statuettes de hiboux, dont les yeux, la nuit, s'éclairaient électriquement. C'est de l'art américain*.
De temps en temps un grand coup de bluff attirait l'attention des deux continents sur le Herald et son directeur. C'était les Irlandais, en proie à la famine, que M. James Gordon Bennett se chargeait de nourrir à ses frais. C'était la ville de New-York à qui il faisait don du "Bois de Bennett" qui domine l'Hudson et dans lequel sera érigée la statue de son père. C'était Stanley qu'il envoyait en Afrique, ou la Jeannette qu'il expédiait au Pôle Nord*.
L'exemple de ces expéditions lui avait été donné par son père qui, dès 1869, avait déjà envoyé Stanley, alors un de ses reporters, à la recherche de Livingstone. Mais toutes ces missions ne furent pas également heureuses: on connait la triste fin de la Jeannette. Ce genre de réclame coûte parfois fort cher à ceux qui s'y prêtent, mais il est d'un excellent rapport pour ceux qui les lancent.
A l'occasion, M. Gordon Bennett fait lui-même de longues croisières dans la Méditerranée ou dans la mer du Nord. A Trouville, comme à Nice, tous les sportsmen et tous les snobs connaissent son yacht la Namouna*. Ils en connaissent aussi le patron, gentleman rompu à tous les sports, répandu dans tous les salons, amateur d'art et de littérature, en un mot le type accompli du journaliste arrivé- arrivé... de naissance.

                                                                                                                        Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 21 juillet 1907.

* Nota de Célestin Mira:



The New-York Herald Building in New-York en 1908.
Le bâtiment fut démoli en 1921.



The New-York Herald à Paris 


* La Jeannette périt, en 1881, au Pôle Nord en cherchant un passage entre l'Océan Pacifique et l'Océan Atlantique. Le bateau, et ses trente-trois membres d'équipages, fut piégé par les glaces et dériva pendant près de deux ans avant d'être broyé et de couler au large de la Sibérie. L'équipage a été en partie sauvé en traversant la banquise, le commandant De Long responsable de l'expédition et vingt de ses hommes y laissèrent leurs vies. 






* La Namouna:  On the yacht "Namouna", Venice, 1890, par Julius L. Stewart.



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