Chronique du 16 mai 1858.
Ce printemps, la loi protectrice des animaux a rendu un sévère arrêt contre un homme convaincu de cruels sévices envers son âne; mais la justice n'a pu malheureusement que venger la victime.
Le sieur Bertand P. conduisait au marché de Paris un âne qu'il avait chargé outre mesure de diverses denrées; la bonne volonté de l'animal ne pouvait rien contre un fardeau au-dessus de ses forces; il pliait les jambes sans avancer; son maître le frappait en vain; les coups ne lui donnaient pas le surcroît de vigueur qui lui eût été nécessaire, et il n'avançait pas davantage. Cet homme, tirant alors son couteau, lui en porta un coup à la gorge qui l'étendit mort.
Traduit pour ce fait devant le tribunal, le meurtrier a été puni, en vertu de la loi qui réprime la cruauté et l'injustice de quelque manière qu'elle s'exercent.
Cette affaire a attiré l'attention sur la triste condition dans laquelle sont placés les ânes parmi nous.
Honnis, méprisés, on ne parle d'eux que pour en faire un terme de comparaison insultante; on les ravale aux plus infimes emplois, et cela, dans le fond des campagnes, sans leur donner jamais le droit de cité. Et il serait peut-être curieux de rechercher comment l'âne a pu en venir à ce point de dégradation, lorsque autrefois, dans certaines nations, il était servi dans des temples et adoré comme le symbole de la Divinité.
En Arabie, il est encore très-vénéré. En liberté l'âne tourne sa croupe au vent, et pour cela, non-seulement il sert à ce pays de girouette, mais encore il devient le symbole du souffle de la vie et il est tenu en grande considération. Les ânes d'Arcadie sont toujours les premiers personnages de ce pays. Dans l'île de Maduré, où la transmigration des âmes est un dogme admis, on croit que les âmes des grands hommes passent après la mort dans le corps des ânes.
Pauvres grands hommes! on voit, si cela est vrai, de quelle manière ils sont traités parmi nous.
On a bien de la peine à comprendre cette espèce d'aversion pour un bon serviteur comme le baudet, quand on voit près de lui des animaux malfaisants comme le serpent, dont on a fait l'image de la sagesse, le symbole de la science.
Une lettre des Antilles apprend qu'une jeune et belle actrice de Lyon, mademoiselle Marie Lavarelle, fort estimée dans ce pays, où elle avait trouvé un engagement avantageux et allait sans doute faire une belle fortune, a été trouvée dans son lit étouffée par un serpent. Le monstre s'est glissé dans sa chambre et avait été partager sa couche pour lui donner la mort.
M. Legendre, ingénieur civil, qui vient de visiter les rives du fleuve Amazone, raconte aussi qu'en entrant dans une habitation, il vit un serpent d'une si longue et si énorme dimension, qu'il venait d'engloutir un porc. Le maître de la victime lui tira deux coups de fusil dans la tête et l'étendit mort. Il lui fallut la force de huit nègres pour enlever son cadavre de la cour.
Pour en finir avec les animaux malfaisants comme le serpent, racontons un événement horrible.
Un pauvre homme, gardien de pourceaux, avait l'habitude de se faire accompagner par son fils, jeune garçon de dix ans, qui l'aidait à maintenir l'ordre dans la compagnie des cochons. Un jour, ayant à se plaindre de cet enfant, il lui lança une pierre qui l'atteignit à la tête et l'étendit mort.
Le malheureux père, à ce spectacle, perdit la tête; il prit une corde et se pendit à un arbre. A deux pas de là, les pourceaux, alléchés par l'odeur du sang, se rassemblaient autour du cadavre de l'enfant et le dévoraient.
La femme du gardien, ne voyant revenir ni son fils ni son mari à l'heure du dîner, se dirigea vers le champ en tenant dans ses bras son dernier enfant qu'elle allaitait. Au tableau qui s'offrit à ses yeux, elle tomba sans connaissance en laissant échapper son pauvre enfant; et l'immonde troupe dévora cette seconde victime toute vivante.
Revenue à elle, la pauvre femme ne sut plus ce qui était arrivé; elle était folle.
Et on dit dans la commune qu'il n'y a jamais eu au monde de convoi aussi déchirant que celui qui emmenait tous ces débris humains, suivis de cette malheureuse insensée.
Il vient de se passer un autre fait indiquant que les bizarreries du destin se montrent par les excès les plus opposés.
Un malheureux logeur en garni du 12e arrondissement ne possédait pour toute fortune qu'une douzaine de méchants lits, qu'il louait à tant la nuit.
Cependant, quelque misérable que fût le gite, un ancien négociant vint s'y loger. Presque aveugle, d'une humeur très-taciturne, il était devenu insuportable à sa famille, qu'il avait prise en aversion à son tour.
Parfaitement accueilli par le pauvre logeur, il prit pour lui une amitié qui resta toujours cachée sous les apparences dures et brusques de son mauvais caractère.
Mais étant mort subitement dans un petit voyage qu'il venait de faire, on a trouvé dans sa chambre un testament en bonne forme, par lequel il lègue 1.200 francs de rente et une maison au pauvre logeur.
Paul de Couder.
Journal du dimanche, 16 mai 1858.
En Arabie, il est encore très-vénéré. En liberté l'âne tourne sa croupe au vent, et pour cela, non-seulement il sert à ce pays de girouette, mais encore il devient le symbole du souffle de la vie et il est tenu en grande considération. Les ânes d'Arcadie sont toujours les premiers personnages de ce pays. Dans l'île de Maduré, où la transmigration des âmes est un dogme admis, on croit que les âmes des grands hommes passent après la mort dans le corps des ânes.
Pauvres grands hommes! on voit, si cela est vrai, de quelle manière ils sont traités parmi nous.
On a bien de la peine à comprendre cette espèce d'aversion pour un bon serviteur comme le baudet, quand on voit près de lui des animaux malfaisants comme le serpent, dont on a fait l'image de la sagesse, le symbole de la science.
Une lettre des Antilles apprend qu'une jeune et belle actrice de Lyon, mademoiselle Marie Lavarelle, fort estimée dans ce pays, où elle avait trouvé un engagement avantageux et allait sans doute faire une belle fortune, a été trouvée dans son lit étouffée par un serpent. Le monstre s'est glissé dans sa chambre et avait été partager sa couche pour lui donner la mort.
M. Legendre, ingénieur civil, qui vient de visiter les rives du fleuve Amazone, raconte aussi qu'en entrant dans une habitation, il vit un serpent d'une si longue et si énorme dimension, qu'il venait d'engloutir un porc. Le maître de la victime lui tira deux coups de fusil dans la tête et l'étendit mort. Il lui fallut la force de huit nègres pour enlever son cadavre de la cour.
Pour en finir avec les animaux malfaisants comme le serpent, racontons un événement horrible.
Un pauvre homme, gardien de pourceaux, avait l'habitude de se faire accompagner par son fils, jeune garçon de dix ans, qui l'aidait à maintenir l'ordre dans la compagnie des cochons. Un jour, ayant à se plaindre de cet enfant, il lui lança une pierre qui l'atteignit à la tête et l'étendit mort.
Le malheureux père, à ce spectacle, perdit la tête; il prit une corde et se pendit à un arbre. A deux pas de là, les pourceaux, alléchés par l'odeur du sang, se rassemblaient autour du cadavre de l'enfant et le dévoraient.
La femme du gardien, ne voyant revenir ni son fils ni son mari à l'heure du dîner, se dirigea vers le champ en tenant dans ses bras son dernier enfant qu'elle allaitait. Au tableau qui s'offrit à ses yeux, elle tomba sans connaissance en laissant échapper son pauvre enfant; et l'immonde troupe dévora cette seconde victime toute vivante.
Revenue à elle, la pauvre femme ne sut plus ce qui était arrivé; elle était folle.
Et on dit dans la commune qu'il n'y a jamais eu au monde de convoi aussi déchirant que celui qui emmenait tous ces débris humains, suivis de cette malheureuse insensée.
Il vient de se passer un autre fait indiquant que les bizarreries du destin se montrent par les excès les plus opposés.
Un malheureux logeur en garni du 12e arrondissement ne possédait pour toute fortune qu'une douzaine de méchants lits, qu'il louait à tant la nuit.
Cependant, quelque misérable que fût le gite, un ancien négociant vint s'y loger. Presque aveugle, d'une humeur très-taciturne, il était devenu insuportable à sa famille, qu'il avait prise en aversion à son tour.
Parfaitement accueilli par le pauvre logeur, il prit pour lui une amitié qui resta toujours cachée sous les apparences dures et brusques de son mauvais caractère.
Mais étant mort subitement dans un petit voyage qu'il venait de faire, on a trouvé dans sa chambre un testament en bonne forme, par lequel il lègue 1.200 francs de rente et une maison au pauvre logeur.
Paul de Couder.
Journal du dimanche, 16 mai 1858.
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