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lundi 12 juin 2017

La toilette féminine: les parfums.

La toilette féminine: les parfums.


"Les parfums cachés, a dit Joubert, et les amours secrets se trahissent." Les parfums sont en effet de grands traîtres, non-seulement ils se dénoncent eux-mêmes, si bien cachés qu'ils soient, mais en même temps ils nous révèlent les habitudes, le caractère et presque la façon de penser de la personne qui les porte. Il y a certaines odeurs fades et endormantes qui vous font tout de suite rêver à ces vieilles filles de province, occupées tout le jour à broder derrière leurs rideaux à moitié tirés; il y en a de violentes et vulgaires à la fois, comme le musc, qui donnent au passant la plus défavorable opinion de celui ou de celle qui en imprègne ses vêtements. Quoi de plus charmant, au contraire, qu'une suave odeur fugitive s'échappant des plis de la robe d'une femme qui vous effleure au passage? On est tout de suite tenté de la supposer jolie... Les femmes ne sauraient donc être trop sévères dans le choix des odeurs qu'elles emploient pour leur personne, leurs cheveux et leur linge.
Le parfum doit être comme une incarnation de nous-même. Une femme doit réfléchir mûrement avant d'en choisir un; mais dès que le choix est fait, elle doit adopter définitivement le parfum préféré et ne plus le quitter. De cette façon, il aura l'air tellement naturel que, partout où il s'exhalera, il rappellera la femme qui le porte, à la pensée à la pensée de ceux qui la connaissent et qui l'aiment.
Les parfums ont avec les sons une grande analogie, et de même qu'un air chanté jadis, et entendu de nouveau, nous fait revoir tout à coup, avec une lucidité étonnante, des faits oubliés, de même un parfum respiré nous remet en mémoire mille souvenirs anciens et rendus aussi vivaces que s'ils étaient de la veille.
La parfumerie joue un si grand rôle dans la toilette, elle est devenu un tel besoin, que le commerce l'a mise à la portée de toutes les bourses; mais elle ne souffre pas la médiocrité, et toutes ces essences plus ou moins artificielles, baptisées de noms exotiques, baroques et absurdes, sont d'un usage désagréable; elles s'évaporent très-vite et sont malsaines, car par leur violence elle ébranlent le système nerveux.
Toute femme peut à peu de frais se composer une petite parfumerie ne renfermant que des parfums naturels, c'est à dire récoltés dans les bois, les près, les jardins, et ayant cette douceur, cette finesse, que les chimistes les plus expérimentés ne peuvent arriver à donner à leurs produits compliqués.
En tête de toutes les odeurs les plus suaves, il faut mettre celle de la violette que l'on ne peut malheureusement pas distiller, mais que l'on imite assez bien avec de la racine d'iris. Cette poudre d'iris possède une senteur à la fois fine et pénétrante; mise en sachets et bien enfermée dans une boîte ou un tiroir, elle communique aux objets avec lesquels elle se trouve en contact un poétique parfum délicieux et persistant. Un peu de poudre d'iris sur une brosse à coiffer donne aux cheveux une véritable odeur de violette; elle réussit également très-bien avec les dentelles et communique au papier à lettre un parfum d'une grande distinction. Ce mot de distinction n'est pas exagéré, car les parfums ont leur élégance particulière. Une femme de mise simple et comme il faut n'emploiera jamais ces parfums violents que certaines femmes aux toilettes voyantes adoptent spécialement; jamais une femme de bon ton ne choisira des essences telles que le patchouli et surtout le musc, ce parfum animal si apprécié des Orientaux! Elle se contentera des essences de fleurs qui peuvent se vendre dans la parfumerie. Parmi ces dernières, figurent le jasmin, qui s'obtient très-exactement; la rose, tombée un peu dans le domaine vulgaire; l’œillet; l'orange connue sous le nom de Portugal; la verveine ou citronnelle, l'amande amère, le magnolia et l'eucalyptus, ce nouveau parfum à la mode qui s'évapore très-vite pour ne laisser ensuite qu'une odeur très-douce et très-saine.
Mais de préférence à toutes ces odeurs distillées, il existe certains parfums peu connus, dont le charme est des plus pénétrants, qui n'ont besoin d'aucune préparation et qui ne sont jamais nuisibles, parce qu'ils sont toujours naturels. Je veux parler de ceux qui proviennent de certaines fleurs ou herbes desséchées et qui sont à la portée de toutes les bourses. Il y a d'abord la Reine des prés (spirée ulmaire); cette élégante fleur aux blanches aigrettes, qui croît au bord des ruisseaux, exhale une odeur exquise et communique au linge un parfum tout printanier. Je citerai encore la lavande, la citronnelle, et surtout l'aspérule odorante, nommée aussi Reine des bois, dont la mignonne étoile blanche possède une senteur enivrante qui pénètre et fait rêver aux grands bois touffus, aux jolis petits chemins perdus, et à la moelleuse mousse verte, près de laquelle elle pousse en mai. Le parfum de la Reine des bois peut être aussi remplacé par le Mélilot que l'on trouve partout, qui possède la même odeur et les mêmes vertus embaumantes pour le linge de corps. Une infusion de Reine des bois est préférable comme lotion pour le visages à tous les vinaigres de toilette, à toutes les eaux compliquées, qui durcissent la peau, la rident, et la rendent rugueuse. Un cosmétique excellent aussi pour les mains et le visage, c'est une forte infusion de violettes fraîches dans du lait. Rien de plus suave et de plus adoucissant. Ces lotions remplacent avantageusement et à peu de frais toutes les eaux de Ninon, laits antéphéliques, crèmes de beauté, etc., qui gâtent le teint et lui laisse un luisant qui n'est ni agréable, ni naturel. La seule eau de toilette dont l'usage soit inoffensif c'est l'eau d'Houbigant; un flacon de cette eau, jeté dans un bain est agréable et tonique; mais je lui préfère encore un bain de fleurs fraîches de tilleul. Outre que le parfum de ces fleurs est délicieux, elles ont la propriété d'être un calmant pour les nerfs, qui jouent un si grand rôle dans la vie féminine.
La liste des parfums naturels est infinie.
La nature, qui est bonne mère, a mis dans ses bois et ses prés un magasin de parfumerie inépuisable et à la portée de tous. Je dirai donc aux femmes qui aiment les odeurs: allez les chercher vous-mêmes à la campagne. Vous apprendrez, chemin faisant un peu de botanique, ce qui n'est pas à dédaigner; la course vous fera du bien, vous reviendrez de votre promenade avec des plantes embaumées qui ne vous auront coûté que la peine de vous baisser et vous en rapporterez un teint frais et des couleurs roses que ne vous donneront jamais les parfumeurs les plus savants, ni les cosmétiques les plus raffinés.

                                                                                                             Rose-Lise.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

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