Me Barboux.
Fils d'un avoué de Châteauroux, Me Barboux a fait ses études au collège de cette ville et à Orléans. Il vint s'inscrire à la Faculté de Droit de Paris et fut clerc d'avoué. C'est en 1859 qu'il prêta le serment d'avocat: il avait vingt cinq ans. Il ne tarda pas à être secrétaire de la Conférence des stagiaires et prononça à ce titre un éloge de Bethmont, mort en 1860, qui lui valut le prix fondé par cet avocat.
Déjà, à cette époque, Me Barboux était républicain. Il a conservé sans changement ses opinions premières, si bien qu'aujourd'hui, libéral endurci, il montre autant d'antipathie pour la majorité radicale que pour la réaction.
A la chute de l'Empire, il offrit ses services au Gouvernement de la Défense Nationale. On lui donna à choisir entre une préfecture et le poste de secrétaire du Conseil des prises maritimes. Il préféra ce dernier emploi.
En 1874, l'illustre Me Bétolaud, désirant se reposer, lui céda une partie de sa clientèle. Cette circonstance procura à Me Barboux des causes retentissantes, qui mirent en valeur son éloquence sobre, ferme et précise.
C'est lui qui a défendu Sarah Bernhardt, attaquée par la Comédie Française, il a plaidé pour les victimes de l'incendie de l'Opéra-Comique, pour le baron de Soubeyran contre le Crédit Foncier, pour Bontoux lors du krach de l'Union Générale, pour les de Lesseps dans le procès du Panama.
Ce dernier procès, on sait qu'il le perdit. La patience n'étant pas sa vertu dominante, on l'entendit déclarer, en désignant la Cour: "Je ne parlerai plus devant ces gens-là!" Il faut croire pourtant qu'il leur a pardonné, puisqu'il n'a pas cessé de plaider.
Il a même plaidé pour lui-même... auprès des académiciens dont il a plusieurs fois sollicité les suffrages. Il a fini par gagner sa cause, mais ce ne fut qu'au septième tour du scrutin qu'il obtint, chichement, les seize voix nécessaires à son élection. Cette parcimonie est faite pour surprendre, car Me Barboux, républicain libéral, avocat des congrégations, de la Compagnie des Agents de Change, de la Société générale représente exactement l'opinion des classes fortunées et bien pensantes qui font les élections de l'Institut. Mais peut-être a-t-on gardé rancune à Me Barboux de son attitude au cours de l'Affaire, de la grande Affaire!
Pourtant Me Barboux n'a jamais fait de politique active. Il dédaigne les luttes mesquines que se livrent, sous couleur de faire les affaires du pays, des gens qui bien souvent n'ont pas su faire les leurs. Il n'a même pas d'indulgence pour ceux de ses confrères qui ont détenu une parcelle du pouvoir.
- Autrefois, aime-t-il à dire, quand un jeune homme avait l'ambition de devenir un grand avocat, je lui disais: faites-vous clerc d'avoué. Aujourd'hui je lui dis: mon ami, faites-vous donc ministre!
Ce n'est pas par jalousie que Me Barboux lance des pointes à ses confrères. Mais il a l'esprit caustique et ses mots sont souvent cités dans les galeries du Palais où, comme l'on sait, la fraternité n'a pas élu domicile. A un jeune avocat qui venait lui demander des renseignements sur un ancien bâtonnier dont il avait à prononcer l'éloge, Me Barboux, en lui montrant un tableau accroché au mur de son cabinet: Vous voulez savoir ce que je pense de Me Durier? Eh bien, c'est un excellent aquarelliste.
De Me Barboux, on pourra dire que c'était un bon dessinateur et un faiseur d'épigrammes qui n'épargna personne et ne fut pas non plus épargné; Mme du Gast un jour, d'une main leste, gifla l'honorable avocat. Ce sont là les menus risques professionnels.
Jean-Louis.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, 14 juin 1908.
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