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jeudi 29 juin 2017

Le scionneur.

Le scionneur.

Nous extrayons le passage suivant des intéressantes études publiées sur Paris par M. Maxime Du Camp.
"L'homme qui la nuit se précipite sur un passant, lui demande la bourse ou la vie, l'étourdit d'un coup de pierre ou de bâton, est le scionneur; il est particulièrement dangereux, car il risque sa liberté, son existence même, pour voler. La vie humaine lui paraît chose fort méprisable, il n'en tient compte; lorsqu'elle le gêne, il la supprime. J'ai buté un pante (j'ai tué un imbécile), dit-il avec autant de tranquillité qu'un autre dirait: j'ai bu un verre d'eau. Ce sont les scionneurs qui parcouraient les bords du canal avant que le boulevard Richard-Lenoir en eût si profondément modifié les alentours.
Ils procédaient alors par le charriage de la mécanique, effroyable invention qu'ils n'ont que trop souvent mise en oeuvre. Deux scionneurs réunis avisaient un passant. L'un d'eux lui jetait autour du cou un mouchoir roulé de façon que les deux bouts pendissent sur les épaules, puis saisissant les deux bouts avec les mains, il enlevait le patient, dos à dos. Le malheureux, à demi étranglé, ne touchant plus terre, se débattait en vain sans pouvoir crier; l'autre scionneur pendant ce temps, visitait les poches, enlevait l'argent, la montre, le portefeuille, en un mot tout ce qu'il pouvait saisir, et d'un coup d'épaule, on envoyait la victime dans le canal.
Lorsque le scionneur est seul, qu'il sent le cœur faible et qu'il n'a pas le courage d'attaquer un homme de face, il l'étourdit en le sablant. Il tient à la main une peau d'anguille qu'il a remplie de sable fin, et qui, bien maniée, devient une arme terrible, car elle est à la fois très-flexible et très-lourde. Un seul coup habilement appliqué jetterait une colonne par terre. Quand l'homme ainsi assommé est dépouillé, le scionneur vide sa peau d'anguille et s'éloigne, les mains dans ses poches n'ayant sur lui aucune arme qui puisse faire soupçonner qu'il est l'auteur du meurtre commis.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

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