Les pompiers de Constantinople.
Les pompiers de Constantinople forment une corporation indépendante, qui ne se rattache ni à l'administration de la guerre ni à l'administration civile. Figurez-vous l'administration des portefaix de Marseille. Vienne un navire, et les portefaix sont là, tout prêts! criez au feu, et les pompiers de Stamboul se précipitent vers le point signalé.
La corporation, composée surtout de Grecs d'Arméniens et d'Albanais, a ses coutumes, ses règlements, ses cérémonies et ses fêtes. Il faut les voir et les entendre, dans leurs jours de réjouissance! De vrai bachi-bouzouks! Le raki de l'île de Chio, dont ils abusent, ne montre que trop que la tempérance n'est pas leur première vertu. Mais il est avec la loi de Mahomet des accommodements.
On sait que la ville de Constantinople, si souvent éprouvée par le feu, a deux tours: la tour du Séraskiérat et celle de Galata, d'où les veilleurs, bedji, annoncent au peuple l'incendie qui éclate.
Dès que le sinistre est signalé, les pompiers partent comme la foudre, en bandes de vingt, trente ou quarante. Deux ou trois portent sur leurs épaules les pompes, qui sont petites, mais d'un jet puissant. Ces bandes passent dans les rues comme de véritables trombes, et malheur au piéton qui se trouve sur leur passage!
Une escouade de pompiers se rendant sur le théâtre du sinistre. |
Les voilà devant le feu, et c'est ici que se révèle un des vices de cette organisation vraiment trop primitive. Les pompiers sont prêts à travailler, mais ils commencent par demander au propriétaire le prix de leurs services, et ce contrat préalable laisse parfois la partie belle au sinistre.
Une fois la convention faite, vous pouvez compter sur la force, le courage et l'intrépidité de ces travailleurs. Ils sont d'une hardiesse qui ne recule devant rien. Le dernier incendie l'a surabondamment démontré.
Toutefois, cette énergie n'est pas suffisante, et puisqu'on annonce tant de réformes à Constantinople, on devrait bien commencer par améliorer ce service, l'un des plus importants de la capitale de la Turquie.
Henri Vigne.
L'Illustration, journal universel, samedi 2 juillet 1870.
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