Le Docteur Doyen
premier couteau de France.
premier couteau de France.
"Est-ce à votre cocher, monsieur, ou bien à votre cuisinier, que vous voulez parler? car je suis l'un et l'autre!" ironise maître Jacques à son maître.
Est-ce du chirurgien Doyen, du grand marchand de vin de champagne ou de l'entrepreneur de publicité tapageuse que vous désirez que je vous entretienne, lecteur? Car M. Eugène-Louis Doyen, né à Reims en 1859, contient cette trinité: fabricant de vin de Champagne, à Reims; chirurgien opérateur, praticien, à Paris, à Nice et à Reims; entrepreneur de publicités scientifico-médicales partout. Il pourrait encore se proclamer amateur de sport, lutteur, pédard, chasseur, canotier,..., cinématographiste, et aussi, microbiologiste, inventeur d'instruments de chirurgie ou fabricant de cycles et de carabines, etc., etc.; il est tout cela et ce cumul n'empêche pas qu'il soit un homme du monde et peut être un homme d'esprit*.
C'est vers 1887, que le docteur Doyen, par une prodigieuse activité, se glisse dans tous les congrès et fait imprimer son nom à propos de toutes les opérations célèbres. Sans doute il arriva trop tard, dans un siècle trop vieux, pour extraire la balle de Garibaldi. Nelaton n'était pas mort à l'âge où il faillit opérer Me Décori, et si le Dr Reclus n'avait pas monté la garde à la porte de Me Traumatier,... la balle célèbre serait aujourd'hui dans la vitrine du Dr Doyen, à côté du porte-monnaie qu'il a fait fabriquer avec la peau de Dodica et de Racida, aussitôt après l'opération*.
Il y a des médecins qui naissent arrivés; le plus extraordinaire, c'est d'arriver sans être le fils de personne. La formule consacrée "fils de ses œuvres" appartient à Doyen qui, dédaigneux des titres officiels et des moyens généralement employés pour les acquérir, est parvenu à être un des premiers couteaux de France et un des plus habiles opérateurs de l'Europe sans avoir baissé le front sous les fourches caudines d'aucun concours, ni s'être embrigadé dans aucune coterie.
A quarante ans, le Dr Doyen est l'opérateur le plus heureux que nous connaissions; il a inventé des opérations nouvelles et merveilleuses, et sans se spécialiser dans l'estomac des avaleurs de sabres, voire de fourchettes, il opère tout. Il vous fend un crâne en deux comme on coupe une orange, et vous enlève un sein en moins de temps qu'il n'en faut pour que son cinématographe ait déroulé sa pellicule; car, à l'instar de cet autre grand artiste qui s'appelle Guillaume II, il n'opère jamais que sous le feu croisé de plusieurs appareils photographiques et entouré d'au moins une demi-douzaine de journalistes*.
Au physique?... Imaginez un général Boulanger blond et plus jeune: même affabilité, même sympathie irradiant de sa personne, même simplicité dans les manières; car, en dépit de la grande réclame qu'il s'est faite, le Dr Doyen a su rester d'un bon garçonnisme très accueillant et d'une franchise très bienveillante.
Mais ne vous frappez point si, sur ce portrait exact, vous voulez une consultation de lui. Méfiez-vous, il fait payer au prix de l'or tous les titres que la Faculté lui a refusés, et un foudre de son champagne vaut moins cher qu'un de ses coups de bistouri!...
Dr Diafoirus.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 14 décembre 1902.
* Nota de Célestin Mira:
voir: http://www.universcience.tv/video-eugene-louis-doyen-bistouri-et-camera-477.html
C'est vers 1887, que le docteur Doyen, par une prodigieuse activité, se glisse dans tous les congrès et fait imprimer son nom à propos de toutes les opérations célèbres. Sans doute il arriva trop tard, dans un siècle trop vieux, pour extraire la balle de Garibaldi. Nelaton n'était pas mort à l'âge où il faillit opérer Me Décori, et si le Dr Reclus n'avait pas monté la garde à la porte de Me Traumatier,... la balle célèbre serait aujourd'hui dans la vitrine du Dr Doyen, à côté du porte-monnaie qu'il a fait fabriquer avec la peau de Dodica et de Racida, aussitôt après l'opération*.
Il y a des médecins qui naissent arrivés; le plus extraordinaire, c'est d'arriver sans être le fils de personne. La formule consacrée "fils de ses œuvres" appartient à Doyen qui, dédaigneux des titres officiels et des moyens généralement employés pour les acquérir, est parvenu à être un des premiers couteaux de France et un des plus habiles opérateurs de l'Europe sans avoir baissé le front sous les fourches caudines d'aucun concours, ni s'être embrigadé dans aucune coterie.
A quarante ans, le Dr Doyen est l'opérateur le plus heureux que nous connaissions; il a inventé des opérations nouvelles et merveilleuses, et sans se spécialiser dans l'estomac des avaleurs de sabres, voire de fourchettes, il opère tout. Il vous fend un crâne en deux comme on coupe une orange, et vous enlève un sein en moins de temps qu'il n'en faut pour que son cinématographe ait déroulé sa pellicule; car, à l'instar de cet autre grand artiste qui s'appelle Guillaume II, il n'opère jamais que sous le feu croisé de plusieurs appareils photographiques et entouré d'au moins une demi-douzaine de journalistes*.
Au physique?... Imaginez un général Boulanger blond et plus jeune: même affabilité, même sympathie irradiant de sa personne, même simplicité dans les manières; car, en dépit de la grande réclame qu'il s'est faite, le Dr Doyen a su rester d'un bon garçonnisme très accueillant et d'une franchise très bienveillante.
Mais ne vous frappez point si, sur ce portrait exact, vous voulez une consultation de lui. Méfiez-vous, il fait payer au prix de l'or tous les titres que la Faculté lui a refusés, et un foudre de son champagne vaut moins cher qu'un de ses coups de bistouri!...
Dr Diafoirus.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 14 décembre 1902.
* Nota de Célestin Mira:
Le scandaleux docteur Doyen. |
Opération des soeurs siamoises Doodica et Radica par le docteur Doyen. |
Les soeurs Doodica et Radica, après l'opération. |
Vidéo postée par le docteur Boris Alamowitch
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire