Sarah Bernhardt, marchande de bœufs.
Dans ses tournées artistiques d'outre-Océan, Mme Sarah Bernhardt fut l'objet de nombreuses manifestations enthousiastes, dont plusieurs se traduisirent par des cadeaux de plus ou moins d'importance ou d'originalité.
Mais nous pensons que l'illustre comédienne n'éprouva surprise plus grande qu'à Buenos-Ayres, il y a de cela quelques années déjà. L'auteur de ces lignes se trouvait alors dans la capitale argentine, au moment où se passa le fait suivant qui intéressera, sans doute, les lecteurs de Mon Dimanche.
Une représentation dans la pampa.
Mme Sarah Bernhardt venait de donner, au Grand Théâtre, une série de représentations après chacune desquelles les Portenos (habitants de Buenos-Ayres) faisaient éclater leur admiration, lorsqu'elle reçut l'un des plus riches hacienderos (grand propriétaire) du pays une invitation à visiter une de ces grandes fermes d'élevage, où, par centaines de mille têtes, le bétail paît en liberté sous la garde des gauchos, ces cavaliers sans pareils, moitié bergers, moitié... sauvages.
Au jour convenu, le chemin de fer du Sud transporta Sarah Bernhardt et sa compagnie à la station le plus rapprochée de la résidence de l'haciendero qui, pour cette occasion, avait fait venir de Buenos-Ayres des voitures confortables.
La réception fut splendide; après le festin de gala, les gauchos montés sur leurs meilleurs chevaux, vêtus du costume pittoresque de la pampa, se livrèrent sous les yeux de l'illustre visiteuse à leurs exercices accoutumés; laçage d'animaux dans la prairie, domptage de chevaux en liberté, etc.
Pour les remercier, la tragédienne voulut bien déclamer des vers de son répertoire classique, et, quoique n'y comprenant rien du tout, ces enfants du désert se montrèrent ravis.
L'hommage des gauchos.
Peu de temps après, à la veille de son départ pour l'Europe, la grande Sarah était à sa toilette, lorsqu'une camériste, entra dans sa chambre en pouffant de rire.
- Eh bien! qu'y a-t-il donc? demanda sa maîtresse
- Madame ne devinera jamais!... c'est un cadeau pour elle, mais si drôle... si drôle...
Et la femme de chambre riait de plus belle.
- Où est-il ce cadeau étrange?
- Mais... dans la rue; si Madame veut bien s'approcher de la fenêtre, elle en aura une surprise, pour sûr.
En effet, Sarah, ayant regardé au dehors, aperçut une centaine de bœufs, taureaux et vaches, accompagnés de quelques gauchos qui, l'ayant reconnue, l'acclamèrent en agitant les mouchoirs bariolés arrachés à leur chevelure.
L'un d'eux, étant arrivé jusqu'à elle, expliqua au maître d'hôtel accouru, que ce troupeau était un hommage des bergers de la pampa à la grande artiste, pour la remercier de sa visite.
- Mais! reprit la grande tragédienne, que vais-je faire de ces animaux? Je ne puis cependant les embarquer avec moi.
- Qu'à cela ne tienne, répond le maître d'hôtel, Madame n'a qu'à me donner l'ordre de faire conduire le troupeau à la "Bourse au Bétail" et, aujourd'hui même, le prix de la vente lui en sera compté en belles et bonnes piastres nationales.
Ainsi fut fait. La grande Sarah recueilli de la sorte la joli somme de 10.000 francs sur laquelle, certes! elle n'avait jamais compté.
Disons qu'à son tour, elle ne laissa pas repartir ses amis gauchos sans les gratifier chacun d'un souvenir qui leur parut moins précieux que l'accueil charmant dont ils furent l'objet.
Henri Renou.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, 21 juin 1903.
Disons qu'à son tour, elle ne laissa pas repartir ses amis gauchos sans les gratifier chacun d'un souvenir qui leur parut moins précieux que l'accueil charmant dont ils furent l'objet.
Henri Renou.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, 21 juin 1903.
* Nota de Célestin Mira:
Médaille commémorative de la tournée de Sarah Bernhardt à Buenos Aires en 1905. Buste de Sarah Bernhardt portant un chapeau. Gravée par Jorge Maria Lubary, sculpteur, graveur et député. |
Sarah Bernhardt, photographiée par Nadar vers 1865. |
La "Divine Indomptable", Sarah Bernhardt, nue. |
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