Translate

lundi 18 septembre 2017

Le trésor des sultans.

Le trésor des sultans.

Les sultans de Turquie, de même que les autres souverains, sont censés ne toucher qu'une liste civile; en réalité, ils disposent de toutes les ressources de l'Empire. Sur les sommes qu'ils s'attribuent avec une générosité qui met aux abois tous les services publics, une partie notable est consacrée à l'entretien du harem, qui coûte un argent fou; une autre à celui de la maison impériale composée de quelques milliers de personnes; une dernière enfin, à époques indéterminées, va garnir le trésor particulier des sultans.

Deux milliard en or.

Ce trésor que se transmettent les Commandeurs des Croyants représente une valeur difficilement appréciable, car, seul, le Souverain en connait l'importance exacte; cependant, vers le milieu du règne d'Abdul-Hamid, un de ses favoris qui prétendait jouir de toute la confiance de son maître, l'évaluait à quatre-vingt millions de livres turques, soit à plus de 2 milliards en or. Si le renseignement est justifié, il y aurait là de quoi mettre fin immédiatement à tous les embarras financiers de la Turquie.
Quelles que soient les sommes qu'il renferme, le trésor existe, s'accroissant d'année en année, de tous les versements que lui fait le maître suprême, suivant le plus ou le moins de rendement des impôts. A deux reprises seulement Abdul-Hamid se décida à y puiser pour des nécessités urgentes: la première fois, lors de son avènement, lorsqu'il fallut récompenser les hauts personnages qui le portèrent si singulièrement au trône, en remplacement de son frère déposé et enfermé sous prétexte de folie; une seconde fois pendant la guerre russo-turque.

Un trésor bien gardé.

C'est dans les constructions intérieures de la résidence d'Yldiz-Kiosk, que se trouve le trésor, dans des conditions qui le mettent à l'abri de l'incendie et des voleurs.
Le bâtiment, de dimensions modestes,  est défendu par d'épaisses murailles, une porte de fer et une compagnie de soldats albanais, triés, comme on dit, sur le volet.
A l'intérieur, des eunuques noirs, prisonniers à vie, puisqu'ils ne peuvent jamais sortir, circulent jour et nuit dans la galerie qui entoure la salle dite "du Trésor".
Celle-ci, en forme de rotonde, contient en outre une infinité d'armes anciennes, ruisselantes de bijoux précieux, de selles, de harnachements et d'autres objets ayant appartenu aux divers prédécesseurs du Sultan actuel, ils donnent un avant-goût des richesses entassées à l'étage inférieur où l'on pénètre par un escalier secret.
Dans cette salle souterraine, sont rangés le long de la muraille, des coffres bardés de fer et scellés, qui renferment des pierreries d'un prix inestimable.
Là, se trouve sous forme de diamants, de perles, de rubis, d'émeraudes, le produit de plusieurs siècles de déprédations, alors que les armées des Osmanlis menaçaient à la fois l'Orient et l'Occident, l'Asie et l'Europe.
Au centre de cette pièce, un puits est creusé dont les parois sont blindées de plaques de fer. C'est dans ce trou, dans ce grand coffre centenaire, que s'entassent les sacs en peau de mouton, contenant l'or monnayé ou en lingots, les 2 milliards de pièces d'or, que la cupidité des sultans enfouit dans un but que l'on ne s'explique guère, puisqu'ils n'ont recours à cette réserve immense qu'à la dernière extrémité.
La manie de thésauriser est du reste propre à tous les souverains orientaux, qui se plaisent à ces accumulations de valeurs pour la simple jouissance de la possession. Les shahs de Perse obéissent à la même tradition, en immobilisant des sommes énormes en or et en diamants, pendant que, pour la moindre oeuvre d'utilité publique, ils sont obligés d'avoir recours aux emprunts à l'étranger, avec facilité de faire faillite comme de simples marchands de pots-de-vin malheureux. Prêteurs, attention!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 18 juillet 1908.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire