Le château de Tarascon.
L'origine de Tarascon n'est pas connue; Strabon et Ptolémée sont les seuls auteurs anciens qui parlent de cette ville; ils se sont bornés à la citer sans entrer dans aucun détail. Tarascon paraît avoir été un comptoir fondé par les Marseillais, postérieurement au passage d'Annibal. Sous la domination romaine, cette ville était à la fois une position militaire et un entrepôt pour la navigation du Rhône; il y avait une citadelle, appelée Arx Jovis, dans le même endroit où on a bâti depuis le château.
Toutefois Tarascon n'avait pas alors une grande puissance, car elle n'était sur aucune des voies romaines de la Gaule; c'est pourquoi il n'en est point fait mention dans les itinéraires. Sous les rois francs, cette ville acquit plus d'importance et devint le chef-lieu d'une des vigueries de la province d'Arles.
La guérison de Clovis, attribuée à un pèlerinage que ce prince fit à la chapelle de Ste Marthe, durant le siège d'Avignon, valut à Tarascon cette distinction honorable.
Vers la fin du XIIe siècle, de grandes contestations eurent lieu dans le conseil municipal de Tarascon entre la noblesse et les bourgeois; la première de ces classes prétendait avoir plus d'autorité que les statuts ne lui en attribuaient. Ces contestations se terminèrent par voie de conciliation, en 1199. Trois ans après, Alphonse II, comte de Provence, confirma aux habitants les privilèges, franchises et coutumes attachés au consulat; il reconnut que cette magistrature et la juridiction qui en dépendait, n'étaient point une concession, mais un droit fondé sur un ancien usage. Cette déclaration fut faite dans une assemblée publique, et il fut spécifié que le bailli n'entreprendrait rien sur les antiques libertés dont jouissaient les habitants. Depuis cette époque, Tarascon tint un rang distingué parmi les cités de la Provence. Après sa réunion à la France, elle continua de jouir des mêmes privilèges qu'elle avait eus sous les comtes; le siège de la viguerie y est resté jusqu'à le révolution.
La ville est bâtie sur la rive gauche du Rhône, vis-à-vis Beaucaire. Un magnifique pont suspendu, appuyé sur une longue chaussée qui occupe une île du Rhône, permet la libre circulation des voyageurs et des marchandises entre la Provence et le Languedoc. Le sol qu'occupe la ville est en partie rocailleux, et assez élevé pour la mettre à l'abri des inondations. Elle est entourée d'une muraille flanquée de tours et percée de trois portes, dont une, donnant sur le Cours, est d'une architecture noble et majestueuse. Cette muraille, aujourd'hui inutile, tombe en ruines et est même coupée sur plusieurs points. Les rues sont belles; plusieurs sont alignées, régulières et assez larges; celle qui conduit à la place de l'Hôtel-de-Ville est ornée de portiques où l'on peut circuler à l'abri du mauvais temps. C'est la seule ville du département où ce genre d'architecture, à la fois commode et élégant, ait été conservé. La place de l'Hôtel-de-Ville est bien décorée, mais un peu étroite. Le Cours qui borde la grand'route est une très-jolie promenade, entretenue avec beaucoup de soin. Les dehors de la ville sont riants et agréables, surtout le long du Rhône, où il y a des levées de terre, bordés de beaux arbres, d'où l'on jouit d'une vue magnifique.
Le château de Tarascon est le plus grand, le plus magnifique monument dont le XVe siècle ait enrichi le Midi.
Commencé en 1400, il fut achevé par le roi René, qui l'habita et y donna des fêtes et carrousels magnifiques. Ce séjour royal est devenu une prison; dans cette triste métamorphose, l'intérieur a perdu ses ornements, mais le dehors conserve sa majesté. C'est un carré d'une grande élévation, ayant du côté de la ville deux belles tours rondes, et du côté du Rhône deux tours carrées irrégulières. Une enceinte plus basse, flanquée d'autres tours carrées, s'étend vers le nord. Quand on est sur le pont du Rhône, on voit le château à découvert; il élève sa masse imposante sur le bord oriental, tandis que l'autre rive présente les formes fantastiques des tours de Beaucaire. Quand on arrive du côté de terre, on l'aperçoit aussi de très-loin; sa blancheur et son élévation le font remarquer au-dessus de la ville, dont il dépasse tous les édifices; il est d'une fraîcheur qui ne laisserait pas soupçonner son antiquité de quatre siècles. Les comtes de Provence ont tous habité ce château durant leur séjour à Tarascon, où ils venaient très-souvent; ils y tenaient leur cour, y dansaient les ballets, et c'est là qu'au mois de juin 1449, le roi René donna ce tournois célèbre, dont les historiens de Provence parlent avec tant d'enthousiasme.
Tarascon a possédé plusieurs couvents de religieux. Les Dominicains ou prêcheurs s'y établirent en 1256, par les libéralités de Charles II. On voit encore sur le frontispice de leur église un bas-relief allégorique d'une belle exécution.
Ce fut dans cette même église que fut découvert la fameuse conspiration de Dampui, chef des ligueurs. Un nommé Henri, habitant de Tarascon, étant entré dans l'église pour faire sa prière du soir, s'y endormit; A son réveil, trouvant les portes fermées, il se blottit dans un confessionnal. A minuit plusieurs personnes arrivèrent. Henri prête une oreille attentive, et il apprend que le clergé et les religieux réunis sont d'accord d'ouvrir les portes de la ville à Dampui, chef des ligueurs. Il retient le mot de ralliement des conspirateurs, qui est la Mort. Les autorités royales sont aussitôt instruites de toute cette trame; les conjurés sont convaincus et punis, et Henri reçoit quelque temps après une récompense du roi. Depuis cette époque, on ne le désigna plus que par le surnom de la Mort, qui est resté à ses descendants, dont plusieurs existent encore aujourd'hui.
Les capucins avaient à Tarascon un beau monastère dont l'église était très-riche. Ce couvent était dirigé en dernier lieu par le père Chérubin, général de l'ordre, qui, par son mérite et ses vastes connaissances, s'était attiré la considération de tous les souverains de l'Europe. Ayant été envoyé auprès du pape Clément XIV, il fit dessiner à Rome, par le célèbre Vien, six tableaux de grande dimension, représentant l'histoire de sainte Marthe. Ces tableaux ont échappés aux fureurs révolutionnaires, et sont aujourd'hui un des principaux ornements de l'église Saint-Marthe, ainsi que deux autres de Vanloo qui étaient également aux capucins. Une des salles de l'Hôtel-de-Ville est décorée aussi de plusieurs tableaux tirés du même couvent.
La paroisse de Tarascon est dédiée à sainte Marthe. Ce monument date du XIe siècle; le portail gothique, ouvert à son flanc droit, était richement sculpté; on a laissé subsister ce qui n'était que fleurons et moulures, mais toutes les figures ont été rasées. C'est une tradition généralement admise à Tarascon, que Marthe, sœur de Marie-Madeleine, vint avec sa suivante Marcelle dans cette ville, où elle apporta la foi chrétienne.. Le pays était alors ravagé par un monstre qu'on appelait la Tarasque, du nom de la ville; Marthe, dit-on, l'enchaîna avec sa ceinture, et en délivra le pays. Les habitants de Tarascon tiennent pour positif que sainte Marthe mourut dans leur ville, et que ses restes furent déposés dans une grotte qu'on a convertie en chapelle. Cette chapelle souterraine existe encore dans l'église de Sainte-Marthe; la dédicace en fut faite par Imbert, archevêque d'Arles, et Rostang, archevêque d'Avignon, comme le prouvent deux inscriptions placées de chaque côté de la porte d'entrée. Clovis et Louis XI ont visité les reliques de sainte Marthe, et ont fait des dons magnifiques à cette église; mais les trésors ont disparu dans la révolution. Les reliques ont pourtant été laissées dans la chapelle souterraine; celle-ci est incrustée de marbre noir; au fond est le tombeau de la sainte, en marbre blanc. Il y a trois chapelles latérales; dans l'une se trouve un bas-relief représentant sainte Madeleine à la Sainte-Baume; dans une autre le tombeau de la fille de Louis II, comte de Provence. Toutes ces sculptures sont faites par des mains habiles. A droite de l'escalier, qui conduit à la chapelle, est le riche tombeau de Jean de Coxa, grand sénéchal de Provence, mort en 1476.
C'était le jour de la Pentecôte que l'on célébrait à Tarascon les jeux de la Tarasque. Des hommes de peine, costumés uniformément, allaient, vers midi, chercher la Tarasque pour la conduire hors de la porte Jarnègues. La Tarasque, représentation d'un dragon monstrueux, était formée d'un assemblage de cerceaux recouverts d'une toile peinte; ses pattes étaient armées de griffes, sa queue écailleuse et plusieurs fois recourbée, sa tête tenait du taureau et du lion. Cette effrayante figure était portée par une douzaine d'homme, et l'un deux s'introduisait dans le corps de la Tarasque pour en faciliter les mouvements; des fusées étaient attachées aux deux narines de l'animal, et l'on y mettait le feu au moment où la course commençait. Cette course était de nature à inspirer de la terreur; la Tarasque s'agitait en tous sens, comme si elle était animée de fureur et de rage. Plus d'une fois la rencontre de cette hideuse figure a été funeste aux habitants; heurtés, renversés, meurtris, toute plainte leur était interdite; ils étaient obligés de sauter devant le terrible animal, et leur accident ne servait qu'à exciter la gaieté des spectateurs. Le nombre des courses était réglé, ainsi que les lieux et les distances; lorsqu'elles étaient finies, on portait la Tarasque à l'église de Sainte-Marthe, et on lui faisait faire trois sauts, en guise de salutation devant la statue de la sainte.
A ces jeux, le roi René ajouta, selon sa coutume, divers accessoires pour donner à la fête plus d'éclat et de solennité. Le jour de Pentecôte n'était pas la seule époque où la Tarasque se montrait au public; on la voyait reparaître le jour de Sainte-Marthe, mais dans une attitude bien différente; ce n'est plus un monstre en fureur, répandant au loin la crainte et l'effroi, la Tarasque se laissait conduire avec docilité par une jeune fille représentant sainte Marthe. D'une main, elle dirigeait l'animal avec un simple ruban; de l'autre elle tenait un bénitier et un aspersoir. Tel était le dénouement d'une action dramatique dont l'allégorie est facile à reconnaître. La Tarasque représentait le paganisme persécutant avec fureur; la religion chrétienne, personnifiée dans sainte Marthe, domptait ce monstre par la prière. Les jeux de la Tarasque furent représentés pour la première fois à Tarascon, le 14 avril 1474, en présence du roi René et de sa deuxième femme, Jeanne de Laval, qui, atteinte alors d'une maladie de langueur, fut ramené à la gaieté, disent les chroniques, par les contorsions plaisantes et merveilleuses de la Tarasque. Ces jeux furent toujours célébrés jusqu'à la révolution; ils attiraient un grand concours d'étrangers. Aujourd'hui, on ne les exécute que dans les grandes occasions, avec beaucoup moins d'éclat et de magnificence.
A. Mazuy.
Le Magasin universel, avril 1837.
Toutefois Tarascon n'avait pas alors une grande puissance, car elle n'était sur aucune des voies romaines de la Gaule; c'est pourquoi il n'en est point fait mention dans les itinéraires. Sous les rois francs, cette ville acquit plus d'importance et devint le chef-lieu d'une des vigueries de la province d'Arles.
La guérison de Clovis, attribuée à un pèlerinage que ce prince fit à la chapelle de Ste Marthe, durant le siège d'Avignon, valut à Tarascon cette distinction honorable.
Vers la fin du XIIe siècle, de grandes contestations eurent lieu dans le conseil municipal de Tarascon entre la noblesse et les bourgeois; la première de ces classes prétendait avoir plus d'autorité que les statuts ne lui en attribuaient. Ces contestations se terminèrent par voie de conciliation, en 1199. Trois ans après, Alphonse II, comte de Provence, confirma aux habitants les privilèges, franchises et coutumes attachés au consulat; il reconnut que cette magistrature et la juridiction qui en dépendait, n'étaient point une concession, mais un droit fondé sur un ancien usage. Cette déclaration fut faite dans une assemblée publique, et il fut spécifié que le bailli n'entreprendrait rien sur les antiques libertés dont jouissaient les habitants. Depuis cette époque, Tarascon tint un rang distingué parmi les cités de la Provence. Après sa réunion à la France, elle continua de jouir des mêmes privilèges qu'elle avait eus sous les comtes; le siège de la viguerie y est resté jusqu'à le révolution.
La ville est bâtie sur la rive gauche du Rhône, vis-à-vis Beaucaire. Un magnifique pont suspendu, appuyé sur une longue chaussée qui occupe une île du Rhône, permet la libre circulation des voyageurs et des marchandises entre la Provence et le Languedoc. Le sol qu'occupe la ville est en partie rocailleux, et assez élevé pour la mettre à l'abri des inondations. Elle est entourée d'une muraille flanquée de tours et percée de trois portes, dont une, donnant sur le Cours, est d'une architecture noble et majestueuse. Cette muraille, aujourd'hui inutile, tombe en ruines et est même coupée sur plusieurs points. Les rues sont belles; plusieurs sont alignées, régulières et assez larges; celle qui conduit à la place de l'Hôtel-de-Ville est ornée de portiques où l'on peut circuler à l'abri du mauvais temps. C'est la seule ville du département où ce genre d'architecture, à la fois commode et élégant, ait été conservé. La place de l'Hôtel-de-Ville est bien décorée, mais un peu étroite. Le Cours qui borde la grand'route est une très-jolie promenade, entretenue avec beaucoup de soin. Les dehors de la ville sont riants et agréables, surtout le long du Rhône, où il y a des levées de terre, bordés de beaux arbres, d'où l'on jouit d'une vue magnifique.
Le château de Tarascon est le plus grand, le plus magnifique monument dont le XVe siècle ait enrichi le Midi.
Commencé en 1400, il fut achevé par le roi René, qui l'habita et y donna des fêtes et carrousels magnifiques. Ce séjour royal est devenu une prison; dans cette triste métamorphose, l'intérieur a perdu ses ornements, mais le dehors conserve sa majesté. C'est un carré d'une grande élévation, ayant du côté de la ville deux belles tours rondes, et du côté du Rhône deux tours carrées irrégulières. Une enceinte plus basse, flanquée d'autres tours carrées, s'étend vers le nord. Quand on est sur le pont du Rhône, on voit le château à découvert; il élève sa masse imposante sur le bord oriental, tandis que l'autre rive présente les formes fantastiques des tours de Beaucaire. Quand on arrive du côté de terre, on l'aperçoit aussi de très-loin; sa blancheur et son élévation le font remarquer au-dessus de la ville, dont il dépasse tous les édifices; il est d'une fraîcheur qui ne laisserait pas soupçonner son antiquité de quatre siècles. Les comtes de Provence ont tous habité ce château durant leur séjour à Tarascon, où ils venaient très-souvent; ils y tenaient leur cour, y dansaient les ballets, et c'est là qu'au mois de juin 1449, le roi René donna ce tournois célèbre, dont les historiens de Provence parlent avec tant d'enthousiasme.
Tarascon a possédé plusieurs couvents de religieux. Les Dominicains ou prêcheurs s'y établirent en 1256, par les libéralités de Charles II. On voit encore sur le frontispice de leur église un bas-relief allégorique d'une belle exécution.
Ce fut dans cette même église que fut découvert la fameuse conspiration de Dampui, chef des ligueurs. Un nommé Henri, habitant de Tarascon, étant entré dans l'église pour faire sa prière du soir, s'y endormit; A son réveil, trouvant les portes fermées, il se blottit dans un confessionnal. A minuit plusieurs personnes arrivèrent. Henri prête une oreille attentive, et il apprend que le clergé et les religieux réunis sont d'accord d'ouvrir les portes de la ville à Dampui, chef des ligueurs. Il retient le mot de ralliement des conspirateurs, qui est la Mort. Les autorités royales sont aussitôt instruites de toute cette trame; les conjurés sont convaincus et punis, et Henri reçoit quelque temps après une récompense du roi. Depuis cette époque, on ne le désigna plus que par le surnom de la Mort, qui est resté à ses descendants, dont plusieurs existent encore aujourd'hui.
Les capucins avaient à Tarascon un beau monastère dont l'église était très-riche. Ce couvent était dirigé en dernier lieu par le père Chérubin, général de l'ordre, qui, par son mérite et ses vastes connaissances, s'était attiré la considération de tous les souverains de l'Europe. Ayant été envoyé auprès du pape Clément XIV, il fit dessiner à Rome, par le célèbre Vien, six tableaux de grande dimension, représentant l'histoire de sainte Marthe. Ces tableaux ont échappés aux fureurs révolutionnaires, et sont aujourd'hui un des principaux ornements de l'église Saint-Marthe, ainsi que deux autres de Vanloo qui étaient également aux capucins. Une des salles de l'Hôtel-de-Ville est décorée aussi de plusieurs tableaux tirés du même couvent.
La paroisse de Tarascon est dédiée à sainte Marthe. Ce monument date du XIe siècle; le portail gothique, ouvert à son flanc droit, était richement sculpté; on a laissé subsister ce qui n'était que fleurons et moulures, mais toutes les figures ont été rasées. C'est une tradition généralement admise à Tarascon, que Marthe, sœur de Marie-Madeleine, vint avec sa suivante Marcelle dans cette ville, où elle apporta la foi chrétienne.. Le pays était alors ravagé par un monstre qu'on appelait la Tarasque, du nom de la ville; Marthe, dit-on, l'enchaîna avec sa ceinture, et en délivra le pays. Les habitants de Tarascon tiennent pour positif que sainte Marthe mourut dans leur ville, et que ses restes furent déposés dans une grotte qu'on a convertie en chapelle. Cette chapelle souterraine existe encore dans l'église de Sainte-Marthe; la dédicace en fut faite par Imbert, archevêque d'Arles, et Rostang, archevêque d'Avignon, comme le prouvent deux inscriptions placées de chaque côté de la porte d'entrée. Clovis et Louis XI ont visité les reliques de sainte Marthe, et ont fait des dons magnifiques à cette église; mais les trésors ont disparu dans la révolution. Les reliques ont pourtant été laissées dans la chapelle souterraine; celle-ci est incrustée de marbre noir; au fond est le tombeau de la sainte, en marbre blanc. Il y a trois chapelles latérales; dans l'une se trouve un bas-relief représentant sainte Madeleine à la Sainte-Baume; dans une autre le tombeau de la fille de Louis II, comte de Provence. Toutes ces sculptures sont faites par des mains habiles. A droite de l'escalier, qui conduit à la chapelle, est le riche tombeau de Jean de Coxa, grand sénéchal de Provence, mort en 1476.
C'était le jour de la Pentecôte que l'on célébrait à Tarascon les jeux de la Tarasque. Des hommes de peine, costumés uniformément, allaient, vers midi, chercher la Tarasque pour la conduire hors de la porte Jarnègues. La Tarasque, représentation d'un dragon monstrueux, était formée d'un assemblage de cerceaux recouverts d'une toile peinte; ses pattes étaient armées de griffes, sa queue écailleuse et plusieurs fois recourbée, sa tête tenait du taureau et du lion. Cette effrayante figure était portée par une douzaine d'homme, et l'un deux s'introduisait dans le corps de la Tarasque pour en faciliter les mouvements; des fusées étaient attachées aux deux narines de l'animal, et l'on y mettait le feu au moment où la course commençait. Cette course était de nature à inspirer de la terreur; la Tarasque s'agitait en tous sens, comme si elle était animée de fureur et de rage. Plus d'une fois la rencontre de cette hideuse figure a été funeste aux habitants; heurtés, renversés, meurtris, toute plainte leur était interdite; ils étaient obligés de sauter devant le terrible animal, et leur accident ne servait qu'à exciter la gaieté des spectateurs. Le nombre des courses était réglé, ainsi que les lieux et les distances; lorsqu'elles étaient finies, on portait la Tarasque à l'église de Sainte-Marthe, et on lui faisait faire trois sauts, en guise de salutation devant la statue de la sainte.
A ces jeux, le roi René ajouta, selon sa coutume, divers accessoires pour donner à la fête plus d'éclat et de solennité. Le jour de Pentecôte n'était pas la seule époque où la Tarasque se montrait au public; on la voyait reparaître le jour de Sainte-Marthe, mais dans une attitude bien différente; ce n'est plus un monstre en fureur, répandant au loin la crainte et l'effroi, la Tarasque se laissait conduire avec docilité par une jeune fille représentant sainte Marthe. D'une main, elle dirigeait l'animal avec un simple ruban; de l'autre elle tenait un bénitier et un aspersoir. Tel était le dénouement d'une action dramatique dont l'allégorie est facile à reconnaître. La Tarasque représentait le paganisme persécutant avec fureur; la religion chrétienne, personnifiée dans sainte Marthe, domptait ce monstre par la prière. Les jeux de la Tarasque furent représentés pour la première fois à Tarascon, le 14 avril 1474, en présence du roi René et de sa deuxième femme, Jeanne de Laval, qui, atteinte alors d'une maladie de langueur, fut ramené à la gaieté, disent les chroniques, par les contorsions plaisantes et merveilleuses de la Tarasque. Ces jeux furent toujours célébrés jusqu'à la révolution; ils attiraient un grand concours d'étrangers. Aujourd'hui, on ne les exécute que dans les grandes occasions, avec beaucoup moins d'éclat et de magnificence.
A. Mazuy.
Le Magasin universel, avril 1837.
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