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samedi 30 septembre 2017

Les crèmes mortelles.

Les crèmes mortelles.

La mystérieuse épidémie de Cholet, qui a causé la mort de presque toute une noce, n'est pas une chose nouvelle. Les crèmes mortelles ont déjà fait, à diverses reprises, de nombreuses victimes. Pour ne citer que les hécatombes dont elles sont responsables, en France seulement, depuis une douzaine d'années, il suffit de rappeler les empoisonnements de Valence, en 1901, de Bordeaux et d'Auteuil, en 1902, de la Porte Saint-Denis, en 1904, de Saint-Mandé, en 1905, etc. Et toujours, comme cette fois-ci encore à Cholet, les autorités judiciaires, les experts légistes et les savants, n'ont pu faire que des conjectures sur les causes réelles de la nocivité des préparations suspectes.
A Cholet, cependant, une constatation importante a été faite: il semble nettement établi par les enquêtes scientifiques, et notamment par les recherches du professeur Chantemesse, que le mal auquel les victimes ont succombé était d'origine microbienne. Ce fait paraît prouvé par la mort d'une personne qui n'avait pas mangé de la crème fatale et qui avait contracté la maladie en soignant un autre malade.
Mais d'où provenait le microbe et quelle était sa nature? Voilà, malheureusement, ce qu'il n'a pas été possible de reconnaître avec certitude.
L'hypothèse la plus plausible consiste à incriminer les œufs. En effet, puisqu'il s'agit d'une infection microbienne et non d'accidents toxiques, on ne saurait suspecter les récipients qui ont servi à la préparation des crèmes.
Pour la même raison, il faut écarter les divers ingrédients qui entrent dans leur composition, comme le sucre, la farine, le chocolat, le café ou la vanille. Quant au lait, qui est parfois, comme l'on sait, un redoutable porteur de germes nocifs, n'est-il pas stérilisé à la cuisson prolongée à laquelle il est soumis?
Restent les œufs, sujets, plus qu'on ne le croît généralement, à l'infection microbienne. Sans parler des contacts impurs qui peuvent les souiller après la ponte, on conçoit facilement que les microbes de l'intestin des poules puissent les polluer au cours de leur évolution. C'est surtout l'albumine du blanc d’œuf qui constitue un dangereux milieu de culture, avant la formation de la coquille.
Il ne faudrait pas inférer, néanmoins, de cette contamination possible des œufs, que cet excellent aliment soit condamné à perdre sa légitime réputation.
Quoi de plus sain et de moins suspect qu'un œuf à la coque? C'est certain, car d'un côté, les microbes intestinaux des oiseaux producteurs ne sont que très exceptionnellement pathogènes et, d'autre part, la contamination intérieure ou extérieure exige toujours un certain temps pour le développement des germes nuisibles.
On peut être assuré qu'un œuf réellement frais est toujours bon. Mais aujourd'hui que nous consommons des œufs qui viennent de très loin et qui sont conservés par la réfrigération ou par d'autres procédés, il est indispensable de s'assurer de leur degré de fraîcheur par le mirage. La moindre tache suspecte, le plus faible ballottement qui indique une introduction d'air ou la présence de gaz à l'intérieur de la coquille doit les faire absolument rejeter.
Nous pouvons donc conclure, avec l'un de nos savants confrères, que les crèmes ne tueraient sans doute personne s'il n'entrait que de bons œufs dans leur préparation.

Les Annales politiques et littéraires, revue universelle paraissant le dimanche, 14 décembre 1913.

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