Comment se mariaient nos aïeux.
Nos pères entouraient le mariage d'une foule de pratiques d'une poésie charmante. Il s'en est conservé quelque chose, mais si peu; entre autres, les garçons d'honneur du marié et les demoiselles d'honneur de la mariée.
Naguère encore, en mon pays natal, je l'ai vu, les garçons d'honneur venaient la veille du mariage faire le siège de la fiancée, les donzelles (demoiselles d'honneur) barricadaient portes et fenêtres.
Mais contre la force, pas de résistance. Le logis était emporté d'assaut, et la fiancée captive subissait les lois de la guerre. L'un des vainqueurs, le premier garçon d'honneur généralement, l'embrassait, et l'autre lui nouait une paire de jarretières de soie rouge, sur ses bas blancs. Aussitôt après, on se mettait à table et l'on mangeait le souper préparé par les donzelles, preuve qu'elles avaient prévues l'issue du combat et qu'elles n'avaient résisté que pour la forme.
On dansait un peu, on faisait des politesses aux anciens de la maison et l'on se disait au revoir pour le lendemain.
Dans les vieilles maisons, à la campagne, on voit des bahuts antiques en chêne servant aujourd'hui à tous usages. Ce sont de longs coffres aux puissantes armatures en fer ou de cuivre.
C'étaient les bahuts des nouvelles mariées. Elles y enfermaient leurs trousseaux.
Dans les vieilles maisons, à la campagne, on voit des bahuts antiques en chêne servant aujourd'hui à tous usages. Ce sont de longs coffres aux puissantes armatures en fer ou de cuivre.
C'étaient les bahuts des nouvelles mariées. Elles y enfermaient leurs trousseaux.
Trousseaux du temps jadis.
Comme on se mariait pour longtemps, la mariée arrivait chez l'époux prodigieusement pourvue de vêtements et de linge pour deux générations: serviettes, mouchoirs, chemises et bas, par douze douzaines; draps de lit, par six douzaines, robes, une douzaine, et je ne sais combien d'autres articles. Tout cela enfermé dans les vastes flancs du coffre, le gros meuble de la chambre nuptiale.
La mariée apportait aussi son lit à baldaquin tout monté.
Le tout était chargé le matin sur le char à bœufs, une quenouille plantée, coiffée d'un canon de lis, au sommet de la pyramide.
Le marié à cheval, flanqués de ses garçons d'honneur, à cheval comme lui, marchait en tête du cortège avec ses tenants.
Immédiatement après son groupe, suivait le char de la mariée, puis la mariée elle-même toute blanche sur un cheval blanc et entourée des donzelles, sa garde du corps.
La parenté et le clan des invités formaient l'arrière-garde. Tout le monde était fleuri d'un bouquet d'immortelles jaunes avec profusion de rubans.
Ce n'était pas encore la mode de la couronne d'oranger, ou bien elle n'avait pas pénétré dans cette province reculée. La mariée, je crois, avait une couronne discrète sur son voile, d'immortelles blanches.
Le cortège était d'un pittoresque effet, avec toute cette cavalerie enguirlandée. je dois dire que l'élevage du cheval était et est toujours la seule industrie locale, et que filles et garçons montent à même par jeu comme de petits centaures. C'est par eux qu'est commencé le dressage des jeunes poulains.
Je m'imagine avoir vu le dernier mariage d'ancien style, avec bahut historié, quenouille symbolique et tout ce qui s'ensuit, et mélopées égrillardes entre donzelles et dourelous.
Il m'est arrivé depuis ce temps lointain d'assister à d'autres mariages cossus dans le pays. Plus de char à bœufs portant le trousseau de la mariée; plus de bahut, plus de quenouille, plus de cavaliers. Tout le monde en voiture, et la mariée en couronne de fleurs d'oranger, à l'instar de Paris.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, 26 juillet 1908.
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