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vendredi 10 mars 2017

Les Penmarc'h.

Les Penmarc'h.

Les noirs rochers de Penmarc'h, situés sur la côte de Bretagne, près de Pont-L'Abbé, ont été rarement visités par le voyageur. Cependant l'aspect de ces rochers sauvages, entourés des bruits de l'Océan, est de nature à produire de profondes impressions. La Torche, séparée de terre par un gouffre, nommé le Saut du Moine, domine ces écueils, qui se prolongent à plus d'une lieue du rivage.
M. Cambry, dans son voyage du Finistère, décrit ainsi ce qu'il a vu: 
"Quand je me suis trouvé sur les rochers de la Bretagne, dans un climat toujours battu par la tempête, sous un ciel noir et rigoureux, entouré de déserts de sable et de goëmons, n'ayant pour compagnon que des oiseaux de mer qui sifflent en pêchant, ou dessinent des cercles dans les airs en tombant du ciel sur leur proie; quand le silence auguste et redoutable qui régnait sur ces vastes plages n'était interrompu que par la vague énorme qui se déployait en tourbillonnant au milieu des rochers dont la chaîne se prolonge dans la mer et se perd à l'horizon; quand je cherchais dans une chaumière enfumée quelques notices sur les mœurs, sur les antiques usages de la Bretagne; que la misère la plus profonde, les instrumens les plus grossiers, les vêtemens des premiers âges, des habitations telles qu'on en trouve chez les Lapons, dans la Californie, étaient les seuls objets qui frappassent ma vue.... je ne pouvais m'empêcher d'être surpris de l'incroyable différence que vingt lieues établissent quelquefois entre les hommes qui vivent sous le même ciel, sous les mêmes lois, sous la même religion...
"J'avais attendu le moment d'une tempête pour me rendre à Penmarc'h, et je fus bien servi par les élémens: la mer était dans un tel état de fureur que les habitans du pays, accoutumés à ce spectacle, quittaient leurs travaux pour la contempler. Tout ce que j'ai vu dans de longs voyages, la mer se brisant sur les côtes de fer à Saint-Domingue, les longues lames du détroit de Gibraltar, une tempête qui combla sous mes yeux le port de Douvres en 1787, la Méditerranée près d'Amalfi; rien ne m'a donné l'idée de l'Océan frappant les rochers de Penmarc'h. Ces rochers noirs et séparés se prolongent jusqu'aux bornes de l'horizon; d'épais nuages de vapeurs roulent en tourbillons; le ciel et la terre se confondent, vous n'apercevez dans un sombre brouillard que d'énormes globes d'écume, qui s'élèvent, bondissent dans les airs avec un bruit épouvantable: on croit sentir trembler la terre. Vous fuyez machinalement, un étourdissement mêlé de frayeur s'empare de vos facultés: les flots amoncelés menacent de tout engloutir; vous n'êtes rassurés qu'en les voyant glisser sur le rivage, et mourir à vos pieds."
Un homme cependant fit son séjour sur ces rochers pendant le siècle dernier: une longue barbe, des cheveux flottans, une face bronzée par l'intempérie des saisons, tel était l'aspect de ce sauvage, connu dans le pays sous le nom de Philopen. Inoffensif, il fuyait les hommes, et passait presque tout son temps à épier les poissons dont il se nourrissait. On a toujours ignoré la patrie de cet infortuné.

Le Magasin pittoresque, 1833, livraison 16.

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