Origines singulières de certains types.
M. Victor Fournel, dans une érudite et piquante causerie littéraire, étudie les types dont le nom est si bien entré dans la langue courante que, après n'avoir désigné qu'un individu, il finit par désigner une espèce. De M. Haussmann on a fait un verbe. d'une foule d'autres personnages, réels ou imaginaires, on a fait des noms communs, dont nous ne soupçonnons plus l'origine:
"Qui se doute, par exemple, d'où vient ce terme de riflard, qui est le nom en langue verte, d'un parapluie? Riflard est un personnage de la Petite Ville de Picard, comédie en quatre actes, en prose, jouée à l'Odéon le 18 mai 1801. Rien, dans son rôle écrit, ne fait allusion au meuble domestique dont il est devenu le parrain familier. Mais, pour ajouter au ridicule de ce prétentieux personnage, l'acteur de l'Odéon qui en était chargé imagina de le munir d'un parapluie aux dimensions énormes, qui devint inséparable du rôle et qui en prit le nom.
"S'il est un mot qui soit devenu d'un usage habituel pour désigner un patriotisme naïvement exalté, étroit et aveugle, c'est celui de chauvin et de chauvinisme. On prétend que ce mot vient ordinairement d'un Nicolas Chauvin, vieux grognard du premier empire, criblé de blessures et qui s'était rendu célèbre, même parmi ses camarades, par l'intensité de son idolâtrie napoléonienne. Il est beaucoup plus sûr de s'en tenir au Chauvin de la Cocarde tricolore.
"La Cocarde tricolore est un vaudeville en trois actes des frères Cogniard, joué en 1831 aux Folies-Dramatiques. Il est depuis longtemps complètement oublié et à très juste titre, mais il eut en ce temps-là une vogue extraordinaire, et il a encore enrichi la galerie des types populaires de la figure de Dumanet. La scène se passe en Algérie et les allusions politiques amenées par la date de la pièce s'y mêlent aux allusions patriotiques, ce qui explique doublement sa popularité. Le conscrit Chauvin y chantait une chanson: J'ai mangé du chameau, que les contemporains fredonnèrent comme ceux de Paulus ont fredonné en r'venant d'la revue*. Il faisait la conquête d'une odalisque, et s'écriait: "Plus de jésuites!" En fallait-il davantage pour assurer le succès du rôle?
"Charlet** contribua puissamment par son crayon à fixer le type, comme Daumier pour Robert Macaire. Après lui, les caricatures militaires s'emparèrent de la physionomie de Chauvin, et, grâce à eux, elle devint très vite proverbiale et légendaire.
"Le mot de gandin*** a longtemps désigné, sous l'empire, ce successeur des dandys, des muscadins, des fashionables, qu'on depuis appelé le cocodès, le petit crevé, le gommeux, c'est à dire cet être anémique et précocement blasé, posant pour le scepticisme, indifférent à tout ce qui dépasse son étroit horizon, borné à l'ouest par le bois de Boulogne et à l'est par le théâtre des Variétés, répétant à satiété la plaisanterie du jour, incapable de lire autre chose que le Figaro, ne connaissant rien, en ce temps là, au-dessus d'Offenbach et de Mlle Schneider, aujourd'hui, rien en dehors de Judic et de Théo, toujours habillé à la dernière mode, se faisant coiffer chez l'artiste en renom, ganter chez la bonne faiseuse, chausser suivant les principes du jour, et fleurir la boutonnière par la bouquetière du Jockey-club.
"Il avait pour parrain le Gandin des Parisiens, comédie un cinq actes de Th. Barrière, jouée le 28 décembre 1854. Le Gandin de Barrière est une sorte de parasite, élégant, nul et jaloux. Mais, comme il arrive toujours, le type acheva d'être constitué par les chroniqueurs et les journalistes."
Personne n'ignore que Pipelet, qui a donné son nom, dans l'argot populaire, à tous les concierge, est un personnage des Mystères de Paris, à qui le rapin Cabrion joue des tours pendables, et que Gavroche, aujourd'hui synonyme de gamin de Paris, joue son rôle dans les Misérables.
"Calino, n'est pas précisément devenu un nom commun, mais il est devenu un nom courant, une espèce de passe-partout, très commodes aux chroniqueurs, aux rédacteurs d'Echos de Paris, de Nouvelles à la main, pour placer les mots qu'il invente, comme le sont en d'autres genres Champoireau, Taupin (emprunté à Diane de Lys, de Dumas fils) et Boirot ou Boireau, ce type de barrière, mis en circulation par Lambert Thiboust dans l'Homme n'est pas parfait, perfectionné et complété par les charges d'atelier. De Calino ou de Calinot, qui est la forme primitive, on a tiré le substantif calinotade.
"Quelle en est l'origine? Elle demeure un peu confuse et il faudrait exécuter des fouilles méthodiques pour l'éclaircir bien nettement. On dit que Calino a réellement existé, qu'il était employé chez un marchand de curiosités et de tableaux du boulevard des Italiens. On peut dire qu'il existe encore et qu'il existera toujours, tant qu'il se trouvera des braves gens poussant la naïveté jusqu'à la niaiserie. Quoi qu'il en soit, Calino n'était encore qu'une vague légende d'atelier quand les frères de Goncourt s'en emparèrent pour en fixer les traits, dans leur Voiture de masques, publiée en 1856. Le chapitre sur Calinot avait été écrit quelques années auparavant: il fit peu de bruit dans le livre, tiré à petit nombre, et reparut à diverses reprises, avec quelques variantes et plus ou moins abrégé, dans les journaux tels que le Nain Jaune.
"L'année même où parut la Voiture de masques, Théodore Barrière et Fauchery s'en emparèrent pour la scène, et leur vaudeville de Calino, contribua à populariser cette figure du balourd à la bêtise épanouie et d'une inébranlable sérénité dans ses âneries colossales, qui n'est qu'une des innombrables variantes du Jocrisse classique. Les journaux du boulevard ont ouvert un compte courant à Calino."
Le Petit moniteur illustré, 3 février
"Charlet** contribua puissamment par son crayon à fixer le type, comme Daumier pour Robert Macaire. Après lui, les caricatures militaires s'emparèrent de la physionomie de Chauvin, et, grâce à eux, elle devint très vite proverbiale et légendaire.
"Le mot de gandin*** a longtemps désigné, sous l'empire, ce successeur des dandys, des muscadins, des fashionables, qu'on depuis appelé le cocodès, le petit crevé, le gommeux, c'est à dire cet être anémique et précocement blasé, posant pour le scepticisme, indifférent à tout ce qui dépasse son étroit horizon, borné à l'ouest par le bois de Boulogne et à l'est par le théâtre des Variétés, répétant à satiété la plaisanterie du jour, incapable de lire autre chose que le Figaro, ne connaissant rien, en ce temps là, au-dessus d'Offenbach et de Mlle Schneider, aujourd'hui, rien en dehors de Judic et de Théo, toujours habillé à la dernière mode, se faisant coiffer chez l'artiste en renom, ganter chez la bonne faiseuse, chausser suivant les principes du jour, et fleurir la boutonnière par la bouquetière du Jockey-club.
"Il avait pour parrain le Gandin des Parisiens, comédie un cinq actes de Th. Barrière, jouée le 28 décembre 1854. Le Gandin de Barrière est une sorte de parasite, élégant, nul et jaloux. Mais, comme il arrive toujours, le type acheva d'être constitué par les chroniqueurs et les journalistes."
Personne n'ignore que Pipelet, qui a donné son nom, dans l'argot populaire, à tous les concierge, est un personnage des Mystères de Paris, à qui le rapin Cabrion joue des tours pendables, et que Gavroche, aujourd'hui synonyme de gamin de Paris, joue son rôle dans les Misérables.
"Calino, n'est pas précisément devenu un nom commun, mais il est devenu un nom courant, une espèce de passe-partout, très commodes aux chroniqueurs, aux rédacteurs d'Echos de Paris, de Nouvelles à la main, pour placer les mots qu'il invente, comme le sont en d'autres genres Champoireau, Taupin (emprunté à Diane de Lys, de Dumas fils) et Boirot ou Boireau, ce type de barrière, mis en circulation par Lambert Thiboust dans l'Homme n'est pas parfait, perfectionné et complété par les charges d'atelier. De Calino ou de Calinot, qui est la forme primitive, on a tiré le substantif calinotade.
"Quelle en est l'origine? Elle demeure un peu confuse et il faudrait exécuter des fouilles méthodiques pour l'éclaircir bien nettement. On dit que Calino a réellement existé, qu'il était employé chez un marchand de curiosités et de tableaux du boulevard des Italiens. On peut dire qu'il existe encore et qu'il existera toujours, tant qu'il se trouvera des braves gens poussant la naïveté jusqu'à la niaiserie. Quoi qu'il en soit, Calino n'était encore qu'une vague légende d'atelier quand les frères de Goncourt s'en emparèrent pour en fixer les traits, dans leur Voiture de masques, publiée en 1856. Le chapitre sur Calinot avait été écrit quelques années auparavant: il fit peu de bruit dans le livre, tiré à petit nombre, et reparut à diverses reprises, avec quelques variantes et plus ou moins abrégé, dans les journaux tels que le Nain Jaune.
"L'année même où parut la Voiture de masques, Théodore Barrière et Fauchery s'en emparèrent pour la scène, et leur vaudeville de Calino, contribua à populariser cette figure du balourd à la bêtise épanouie et d'une inébranlable sérénité dans ses âneries colossales, qui n'est qu'une des innombrables variantes du Jocrisse classique. Les journaux du boulevard ont ouvert un compte courant à Calino."
Le Petit moniteur illustré, 3 février
* Nota de célestin Mira
**Nicolas- Toussaint Charlet 1792-1845.
Soldat, vieillard et enfants. |
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Photographie d'une assiette de Sarreguemines du dernier tiers du XIXe siècle représentant six élégants, extraite du blog de la Mesure de l'Excellence.(www.la mesure.org/article-le-gandin-11048116.html) Photographie L.M. Les six élégants sont identifiés chacun par une pancarte intitulée: Benoitonne, Cocodès, Gandin, Biche, Daim et Cocotte. Voir à ce sujet: http://www.lamesure.fr/livre/LesPetitsMaitresDeLaModeLeLivre. html. (avec l'autorisation de l'auteur)
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