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jeudi 23 mars 2017

Envahissement de Paris et de la France par les mouches.

Envahissement de Paris et de la France par les mouches.

Une invasion de mouches.

Le public s'effraye facilement. Il n'y a pas un mois, en province et même à Paris, apparurent soudain des milliers de mouches noires que l'on n'avait pas remarqué jusqu'ici. Ces mouches, plus allongées que nos mouches ordinaires, avec de grandes ailes très mobiles et de longues pattes, abondaient de tous côtés. On ne pouvait faire un pas sans les écraser et les ignorants répétaient à qui voulaient les entendre, que ces mouches étaient les avant-coureurs du choléra. 
En Normandie, surtout sur le littoral du département de la Somme, les mouches s'abattirent du 10 au 16 mai, restant souvent inertes et sans force, comme épuisées par un long voyage. On a pu les voir par myriades aux environs de Paris, dans la banlieue, aux environ de Grignon.
On se trompait singulièrement en supposant qu'elles avaient envahi nos régions pour la première fois cette année. Ces mouches sont bien connues des naturalistes. Elles sont déjà venues, après la guerre, au printemps de 1872. Et naturellement, on ne manqua pas de soutenir à cette époque que leur apparition coïncidait avec l'ensevelissement de nombreux cadavres autour de Paris. Encore cette fois ces diptères causèrent une véritable frayeur et à tel point que M. Emile Blanchard, l'éminent et regretté professeur du Muséum, crut devoir rassurer les Parisiens en disant à l'Académie des Sciences la vérité sur ces mouches de malheur.

Légendes et réalités.

Ces insectes sont très connus et éclosent chaque année au printemps et presque tous à la fois. Ils ont toujours été remarqué par les naturalistes et on leur a donné des noms divers selon les époques de leur apparition. On les a appelés "mouches de Saint-Marc" quand les insectes venaient aux environs du 25 avril, date de la fête de saint Marc l’Évangéliste, ou bien "mouches de Saint-Jean" quand les insectes éclosent vers le jour de la fête de Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin.
Ces insectes avaient été classés dans le genre "tipule" par Linné. Geoffray les rapporta au genre "bibion" qui signifie "petite grue". Les insectes, quand ils volent, réunissent leurs quatre pattes postérieures très longues en un seul faisceau filiforme porté obliquement en arrière, ce qui leur donne l'apparence de grues qui planent dans le ciel, leurs longues pattes rassemblées.
Les bibions, avant l'accouplement, volent assez haut et très vite s'ils sont pourchassés. Mais après l'accouplement, les insectes se traînent péniblement sur leurs pattes, tombent et meurent. Les mâles meurent d'abord, puis ensuite les femelles après la ponte. Généralement les bibions éclosent en quantité normale: il faut des circonstances spéciales, encore ignorées, pour que certaines années, comme en 1872 et en 1908, les mouches éclosent en quantité extraordinaire.
Cette mouche est inoffensive, ne fait aucun mal à la végétation; celle qui nous a envahi au printemps est la mouche de St-Marc, longue de 9 à 11 millimètre; son corps est noir et velu; les ailes sont blanches et bordées de brun chez les mâles. C'est une mouche commune partout, même quand elle passe inaperçue.
On peut donc se rassurer sur son compte et ne plus s'étonner de l'apparition du bibion. Pourquoi ces nuées en 1908? On ne saurait le dire: mais il en a été pour cette espèce comme pour tant d'autres. Nous avons des invasions d'insectes de temps en temps dont la cause nous échappe. Il y a des années à puces, des années à moustiques, etc.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 16 août 1908.

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