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jeudi 30 octobre 2025

 Jeux et exercices physiques dans les usines américaines.



Il y a longtemps que les anciens avaient émis cet aphorisme, physiologique et psychologique tout à la fois: mens sana in corpore sano;  faire marcher de pair le développement physique de l'organisme avec son développement psychique. C'est dans le même esprit que Spencer* posa ce principe, que l'homme doit avant tout être un "bon animal". Et aujourd'hui, dans le monde industriel, il n'est pas un patron qui ne comprenne qu'un de ses premiers intérêts, est d'avoir des ouvriers et des employés bien portants, bien nourris, jouissant d'un repos rationnel, respirant autant qu'il est possible du bon air, recevant à flot cette lumière qui est aussi nécessaire à notre existence qu'à la santé des plantes. Les sentiments d'humanité se rencontrent là encore avec l'intérêt bien entendu.
Mais, dans cette voie, les industriels, usiniers, chefs d'entreprise et société du Nouveau Monde vont bien autrement loin que les patrons de la vieille Europe en général.
Nous pourrions signaler comme exemple curieux, l'organisation d'une Compagnie, d'ailleurs célèbres aux Etats-Unis même, et qui se nomme la National Cash Register Co*; elle fabrique des caisses enregistreuses dont plusieurs types sont maintenant employées dans les magasins de détail, en France, et dont cette compagnie a été la véritable créatrice. Le fondateur est l'inventeur même de l'appareil, M. Paterson*, qui s'entend merveilleusement à la réclame, comme la plupart des industriels américains, et qui a fait connaître par de multiples publications les institutions dont il a doté le personnel de ses usines.
Celles-ci, qui sont situées à Dayton, dans l'Ohio, sont faites d'immenses charpentes métalliques avec murailles en briques, où se trouvent ménagées d'immenses baies vitrées qui répandent à flots la lumière. En hiver, des calorifères distribuent partout une bonne chaleur, tandis que des ventilateurs évacuent l'air respiré et apportent de l'air frais; les machines sont peintes de couleur claire, vernies, luisantes; les burettes à huile reposent sur un plateau, et tout est brillant et agréable à l'œil. Bien entendu, des aspirateurs enlèvent immédiatement les sciures, les copeaux, les déchets de toute espèce. Le personnel se sert d'ascenseurs spacieux et même élégants. L'entreprise emploie 3 800 personnes, femmes ou hommes; les femmes ont à leur disposition une infirmerie, où se tient en permanence une infirmière; leurs salles comporte des vestiaires individuels, elles ont des sièges commodes avec des dossiers; chacune reçoit un tablier blanc deux fois par semaine; elles ont également à leur usage des lavabos avec eau chaude et eau froide, des salles de bains et de douches; une heure par semaine en hiver et deux en été leur étant accordées, sur le temps de travail, pour passer à la salle de bains. Les hommes jouissent d'une organisation à peu près analogue. De plus, toutes les salles de travail sont parcourues à heure fixe par des bibliothèques roulantes, où l'on peut choisir et emprunter un livre. Enfin, point sur lequel nous voulions particulièrement attirer l'attention, chaque demi-journée de travail est coupée par dix minutes de repos, à dix heures et à trois heures; et ce temps est consacré à des exercices physiques, pour maintenir en bon état tout le système musculaire, qu'un travail toujours identique risque d'atrophier partiellement.
Si nous considérons une entreprise d'un tout autre ordre, celle qu'on nomme The Brooklyn Rapid Transit Co*, et qui correspond, pour la grande agglomération de Brooklyn, à ce qu'est la Compagnie du Chemin de fer Métropolitain à Paris, nous le voyons mettant à la disposition de son personnel plusieurs "clubs": on y rencontre non seulement des salles de lecture et de conversation, mais aussi une série de jeux divers, de salles où l'on peut pratiquer des exercices qui auront une excellente action sur la machine humaine, sur "l'animal", comme dirait Spencer. Il existe un club central qui a bien coûté 200 000 francs à la Compagnie; on y trouve simultanément un théâtre, des salles de bains, un vestiaire, et aussi un gymnase parfaitement organisé, un jeu de boules, une salle où plusieurs billards sont à la disposition gratuite des agents divers de la Société. 


La salle de billard d'une compagnie de chemin de fer métropolitain.



Des salles de récréations tout à fait analogues, mais sur une échelle plus modeste, ont été établies sur dix autres points de la ville, à des dépôts ou à des terminus des lignes  de la Compagnie.
On sait que les services de téléphone sont uniformément confiés à des entreprises particulières, aux États-Unis, et l'on s'en trouve au mieux: nulle part les téléphones ne se sont autant multipliés, les communications aussi faciles et rapides, et cela moyennant des tarifs en réalité très minimes, si l'on tient compte du prix de la vie dans la Confédération américaine.
Or, nous pouvons mettre sous les yeux du lecteur un coin de la salle d'exercices physiques de la Cincinnati Bell Company*, autrement dit de la Compagnie Bell des Téléphones de Cincinnati. On s'est aperçu que, pour les téléphones plus peut-être que pour aucun autre corps de métier, il était essentiel d'avoir une santé robuste; d'autant que les dispositions maladives avaient une influence pernicieuse qui se traduisait sur le caractère de l'employée, et pouvait réagir malheureusement sur la façon dont elle établit les communications, répond aux abonnés, etc. Il va se soi que la Compagnie est intéressée, ne jouissant d'aucun monopole, à ce que ses employées satisfassent pleinement cette clientèle. Et, comme le disait notre confrère Electrical Review, le métier d'employée des téléphones ne demande pas seulement de la décision, de l'activité, du soin; mais encore de la courtoisie, du calme, une absence aussi complète que possible d'irritabilité, en dépit d'une occupation sédentaire qui n'est pas faite pour donner par elle-même ces qualités, on doit le reconnaître. Pour arriver au moins partiellement à satisfaire à ces desiderata, et sans espérer faire de ses employées des "anges", comme on l'a dit humoristiquement, toute Compagnie de téléphone bien organisée, aux Etats-Unis, ne se contente pas de choisir des employées bien constituées et robustes: elle leur fournit des aménagements dotés d'un confortable absolu: elle met à leur disposition des livres, des jeux, et, quand c'est possible, des jardins et des terrains de jeux, tennis, base-ball ou autres.
Et la Compagnie des Téléphones de Cincinnati en particulier, s'est préoccupée avant tout de créer pour elles des amusements et des exercices athlétiques, où le corps puisse trouver une ample compensation à l'immobilité forcée qu'il doit garder pendant des heures.
Que l'on examine une des gravures accompagnant ces lignes: on y verra deux "opératrices" de la Compagnie en question s'exerçant à un de leur jeu favori au Bureau central ouest de Cincinnati: c'est le "punching ball", un jeu qui n'a sans doute pas été imaginé spécialement pour les employées des téléphones, mais qui fait fortune en ce moment dans les divers bureaux de la Cincinnati Bell Telephone Co, et on se dispute les balles. 


Salle d'exercice des téléphonistes de Cincinnati.


Comme on peut le saisir d'un coup d'œil, ce jeu comporte essentiellement une grosse balle analogue à celles qu'on emploie au foot-ball; elle est suspendue à un système à ressort, et il faut la renvoyer ou la recevoir avec le poing, suivant des règles que nous n'avons pas le loisir d'expliquer ici. Toujours est-il que les employées sont satisfaites des jeux ainsi mis à leur disposition, y entretiennent une bonne santé physique, qui est le meilleur support d'une bonne santé morale, et que les abonnés ne se plaignent jamais de la façon dont le service est assuré.

                                                                                                       Pierre de Mériel.

La Nature, Revue des sciences, Masson et Cie, Paris, 1908.


* Nota de Célestin Mira:

* Spencer:


Herbert Spencer, sociologue, a adapté les théories de Darwin
 à la sociologie en créant le darwinisme social.


* National cash Register:



La National Cash Register Co en 1896, devenue de nos jours,
 la NCR Corporation, a commercialisé les premières caisses enregistreuses.



Caisse enregistreuse NCR modèle 442.


* M. Paterson: John Henry Patterson a fondé la NCR Co en 1884 mais la caisse enregistreuse a été inventée par Drew Kacer en 1879.

* Brooklyn Rapid Transit Co est une compagnie de transport de la ville de New-York fondée en 1896 et en dépôt de bilan en 1919. Elle desservait les arrondissements de Brooklyn et de Queens.



BRT Co: liaison entre Lexington Avenue et Myrtle Avenue.


*Cincinnati Bell Company:





Cincinnati Bell Service, des années plus tard.


dimanche 26 octobre 2025

 Le temps que perd une femme devant un miroir.




Durant toute se vie, quel temps passe une femme à se regarder au miroir? C'est à une question aussi singulière que vient de répondre un patient statisticien.
En commençant à l'âge de six ans, on peut calculer qu'une fillette, depuis cette époque de sa vie jusqu'à sa dixième année, passe environ sept minutes par jour devant son miroir. De dix à quinze ans, elle emploie un quart d'heure; de quinze à vingt ans, la jeune fille a, paraît-il, besoin de vingt-deux minutes. De vingt à trente ans, la majorité des femmes passent (ou perdent, comme il vous plaira), une bonne demi-heure par jour devant leur confident favori.
Après la trentaine, la femme commence à montrer un peu moins d'intérêt à contempler son image, et de cinquante à soixante ans, par exemple, rare est celle qui reste plus de six minutes devant le miroir.
En général, suivant l'ingénieux observateur auquel nous empruntons ces chiffres, une femme, arrivée à un certain âge, a perdu à se mirer durant toute sa vie, la bagatelle de cinq mille sept cents heures, soit huit mois pleins. Oui, mais, nous répondent nos lectrices, combien les hommes perdent-ils de temps au café?

Mon dimanche, Revue populaire illustrée, 3 septembre 1905.

Nota de Célestin Mira:



Femme au miroir de Nicolas Régnier.





Jeune femme au miroir de Jean Raoux.


 Voleurs et assassins.



L'été, pour le commun des mortels, est généralement l'époque du travail ralenti, du repos plus fréquent, de la vie moins fiévreuse. Pour les commerçants c'est la "morte-saison". Mais au contraire, pour MM. les cambrioleurs et voleur "modern-style", l'été est la saison du gros travail, du "coup de feu" en vue duquel on fait monter tout le monde sur le pont. Infatigables gredins, ils "travaillent" en été et ne se reposent pas l'hiver, hélas!







Sans doute, les apaches de la Villette ou de Montparnasse, les perceurs de murailles, les chevalier qui font "le coup du père François" ou qui jouent du couteau sur les boulevards extérieurs, tous les artistes de l'os de mouton, du surin, de la pince-monseigneur, etc., travaillent d'un bout à l'autre de l'année. Il faut bien vivre et, par conséquent, "descendre des pantes"*.
Mais, quand vient l'été, quand le soleil de juillet et d'août chasse des villes vers la mer, les bois et la montagne, des milliers de gens qui s'entassent dans les chemins de fer, sur les bateaux, dans les hôtels cosmopolites, c'est la belle saison aussi, celle des grandes opérations pour certaines catégories de voleurs et d'assassins.
Nous ne saurions les énumérer toutes, mais en voici quelques-unes.

Les écumeurs de plage.

Il ne s'agit pas des pickpockets qui, sur les plages comme ailleurs, glissent adroitement la main dans vos poches et vous subtilisent montre et portefeuille. Ce sont là des opérations vulgaires. Il s'agit des spécialistes qui "font" les baigneurs et qui travaillent dans le bain même. Vous ne sauriez croire combien ces messieurs sont intéressants, tant ils dépensent pour réussir, d'audace et de finesse!
Vous êtes, je suppose, un banquier opulent, un bourgeois cossu et sans méfiance ou bien une jolie femme qui aime partout à montrer ses bijoux. C'est l'heure du bain; vous entrez dans votre cabine. En même temps, deux gentilhommes s'enferment dans les cabines qui touchent la vôtre, à droite et à gauche. L'un est prêt tout de suite. Il a déjà fait maint plongeon et s'est pas mal ébroué, quand vous mettez le pied dans l'eau*. L'autre va moins vite, il attend que vous soyez en train de vous ébattre dans les vagues, et, discrètement, il visite votre cabine, rafle tout ce que vous avez laissé qui ait quelque valeur. Le butin disparaît dans les profondeurs d'une ceinture qui entoure les reins chevaleresques du gentilhomme. Si vous le suiviez des yeux, sans qu'il pût s'en apercevoir, vous le verriez s'approcher de son compagnon et lui passer la ceinture. Cela fait, il s'attache à vous, règle son bain sur le vôtre, sort de l'eau avec vous. Tout à l'heure, il sortira aussi de sa cabine, une fois rhabillé, en même temps que vous sortirez de la vôtre. Si vous criez au voleur et que vous osiez le soupçonner, on peut l'arrêter et le fouiller, ce sera peine perdue, et vous lui devrez des excuses. Comment vous en prendre, d'autre part, au complice qui était dans l'eau avant vous et qui nage toujours? ... Enfin, vous pourriez avoir cette insolente idée... On peut le fouiller aussi... Il a laissé couler la ceinture, qui est allée au fond... Un petit flotteur indique à quel endroit... Quand il n'y aura plus de danger, il ira la reprendre.


Rien dans les mains, rien dans les poches: votre voleur est innocent.




A l'hôtel.

Ces mêmes opérateurs, ou d'autres, sont peut-être logés au même hôtel que vous. Peut-être l'un d'eux occupe-t-il une chambre contiguë à la vôtre. Peut-être, par un pur hasard, a-t-il la tête de votre lit de l'autre côté de la cloison.
Si oui, votre voisin fera dans cette cloison deux ou trois petits trous presque imperceptibles. Par ces petits trous,  avec le plus exquis des vaporisateurs, il vous enverra une dose convenable de chloroforme. Puis, vers trois heures du matin, il s'introduira chez vous et fouillera tranquillement tiroirs, malles et valises. Quand vous vous réveillerez, il sera loin.


Durant votre sommeil, le redoutable rat d'hôtel vous dévalise:
malheur à vous si vous vous réveillez.



Si vôtre voleur n'est pas logé à côté de vous et s'il ne peut vous préparez, à travers sa cloison, à recevoir sa visite, il ne renoncera pas au bénéfice espéré. Il procédera autrement, voila tout. Il forcera votre porte avec le moins de bruit possible. Il s'avancera vers votre lit. Si vous ne dormez pas, malheur à vous! Il est armé d'une peau d'anguille, pleine de sable et de menu plomb, dont un seul coup assomme les plus solides. Il a aussi un délicat poignard qui achève, sans qu'il y ait à redouter un cri, l'œuvre de la peau d'anguille. La besogne, en ce cas, est plus compliquée, mais le profit est le même.

Au casino.

Autour des tables de jeu des casinos et des cercles, le "grec"* opère toujours.
Mais quand on peut aller de Nice à Ostende, à Aix-les-Bains, à Vichy, à Luchon, à Biarritz, des Alpes aux Pyrénées, quand on peut courir cent casinos en quinze jours, c'est le moment des illustres exploits.
Un beau matin, on voir débarquer au premier hôtel de la ville un grand seigneur, avec une innombrable suite: une femme dont l'élégance est sans rivale; des domestiques merveilleusement stylés.
Le grand seigneur devient bientôt le plus habitué du casino, il ne quitte pas la table au tapis vert. 


Un grand seigneur fait un beau jour une apparition au casino.
Méfiez-vous: ce grand seigneur est un rastaquouère.



Il perd un peu; il paie. Il gagne, il gagne beaucoup; il empoche. Certains soirs, il perd une somme considérable. Il donne en paiement un chèque sur une banque de Londres ou de Bruxelles.
Le chèque est faux; le grand seigneur n'a jamais eu aucun compte courant, dans aucune banque. Mais quand on apprend la chose à Vichy, le grand seigneur a eu le temps de faire de nouvelles dupes à Spa ou à Carlsbad.

En chemin de fer.

Les "bonneteurs" également sont mieux à même de faire des "affaires" à cette époque de villégiatures. Nous parlons de l'aristocratie des "bonneteurs", de ceux qui ne s'adonnent qu'aux entreprises importantes.
Les voilà cinq, c'est le chiffre d'une équipe. Ils avisent une "poire" sur le quai de la gare Saint-Lazare, par exemple. Il s'arrangent pour qu'elle monte dans un compartiment inoccupé, où ils prennent place avec elle. Personne n'y montera ensuite, ils ne le permettront pas. Ils n'ont pas l'air de se connaître. La conversation s'engage, très courtoise, et bientôt, la partie. On vide la "poire" gentiment.
Celui qui a joué avec elle et qui l'a vidée, descend avant elle, peu importe à quelle station. Si la "poire" prend mal son aventure et veut protester, les autres sont là. Elle ne peut approcher de la portière; elle ne peut toucher au signal d'alarme. Il faut qu'elle se tienne bien sage, jusqu'au prochain tunnel, où elle passera par la portière, mais ne sera plus à craindre.
Mais nous serions fort inexcusables si nous ne révélions à nos lecteurs et à la police, pour qu'il en tirent respectivement profit, la dernière trouvaille, la "nouveauté du jour" de MM. les cambrioleurs.

Gare aux coups de revolver.

Pendant que des cambrioleurs dévalisent une boutique, un complice fait le guet sur le trottoir. Soudain les agents, en tenue ou en bourgeois, apparaissent au tournant d'une rue, ils se dirigent droit vers la boutique pillée. Le guetteur va-t-il pousser quelque cri d'alarme?
Point, c'est "vieux jeu". Il laisse passer la police. Soudains, dans le dos des agents, retentissent des coups de revolver. Les inspecteurs se retournent. Ils aperçoivent un individu qui se sauve à toutes jambes. Ils se jettent à ses trousses. La poursuite est longue, difficile: le fuyard s'égare par le dédale des ruelles. Souvent, il s'échappe. Et si on parvient à le rattraper, de quoi le peut-on accuser? De tapage nocturne, de port d'arme prohibée? Ce n'est rien. Mais durant la poursuite, ses complices ont pu à loisir achever leur cambriolage et en emporter le produit sans être inquiétés.

Mon Dimanche, Revue populaire illustrée, 3 septembre 1905.


* Nota de Célestin Mira:

* Les apaches à Paris:









Les armes des apaches.



L'os de mouton.
Préfecture de police, 1881.


Pante: Ce mot vient de Pantin et désigne un individu faible que l'on peut détrousser.



* Les bains de mer vers 1900:





Les bains de jambes.





* Grec: le "grec" est en argot un tricheur, joueur professionnel escroc, un filou des cafés.

vendredi 24 octobre 2025

 L'automobile inodore.



On reproche bien des choses à l'automobile, sa vitesse d'abord, dangereuse quand elle est excessive, le nuage de poussière que soulève ses roues, le bruit saccadé de son moteur, la fumée malodorante, enfin, qu'elle projette trop souvent dans son sillage. De ces quatre inconvénients principaux, les trois premiers peuvent être diminués dans une certaine mesure, mais rien n'empêche de supprimer radicalement le quatrième. 
Tout d'abord, comme la fumée doit son odeur désagréable à ce seul fait qu'elle est composée de produits de l'oxydation complexe des corps gras employés à la lubrification des différents organes moteurs, il est certain qu'en surveillant et en réglant le graissage, on empêche la production de cette fumée. Les ordonnances de police en vigueur sont d'ailleurs conçues en partant de ce principe, puisqu'elle rendent le conducteur responsable des fumées de sa voiture. 
Mais le plus habile chauffeur peut, à un moment donné, envoyer malencontreusement trop d'huile aux graisseurs; aussi l'attention des spécialistes s'est-elle portée sur la découverte des moyens propres à préparer une huile ne dégageant pendant sa combustion aucune odeur désagréable. Une curieuse solution à ce problème est donnée par MM. Kornfeld et Haenflein qui ajoutent simplement à  l'huile de graisse employée certaines substances ayant un point d'ébullition moins élevé et brûlant avec une odeur supportable. Il en résulte que cette odeur, se manifestant avant celle de l'huile, peut arriver à la masquer, si elle est assez intense. Il faut que le produit choisi ait un point d'ébullition assez élevé pour que son odeur persiste encore quand celle de l'huile commence à se dégager.
Partant de cette donnée théorique, voici le mélange que les auteurs proposent: à 250 parties en poids d'huile de graissage ayant un point d'ébullition égal à + 250 environ, on ajoute 20 parties en poids d'essence de mirbane (nitrobenzol, C6H5AzO2) ayant un point d'ébullition égal à 205-213, puis 10 parties en poids du produit commercial connu sous le nom d'huile de terpine (C10H18O) dont le point d'ébullition est 216-218 et enfin 5 parties en poids d'aldéhyde salicylique (C6H4, OH, CHO) ayant un point d'ébullition égal à +196.
Toutes ces substances forment, par leur mélange dans les proportions indiquées, un composé dont le point d'ébullition est inférieur à celui de l'huile de graissage, mais n'en est cependant pas assez éloigné pour que son action se manifeste trop tôt.
Bien entendu, il est possible d'employer beaucoup d'autres substances odorantes et il est même théoriquement possible de prévoir la fabrication d'huiles donnant en brûlant des odeurs suaves. Reste à savoir cependant quel sera le prix de revient de ces mélanges; reste à les choisir aussi de façon à ce que leur combustion ne produise aucune dégradation sur les pièces métalliques avec lesquelles elles seront mises en contact. Ce sont là d'ailleurs de pures questions de pratique aisément solubles, maintenant que la solution générale du problème est donnée.

                                                                                                Francis Marre

La Nature, revue des Sciences, Masson et Cie, Paris, 1908.



* Nota de Célestin Mira:

* Quelques publicité vers 1900:









 Un cas de pénétration des corps solides.


La catastrophe survenue le 26 octobre dernier à la gare de West-Hampstead devait causer dans la région londonienne une émotion d'autant plus durable que la ligne où elle se produisit dépend du Metropolitan Railway qui transporte chaque jour une multitude de voyageurs.
Comme aucun accident mortel ne s'était produit depuis la substitution de la traction électrique à la traction à vapeur, le public avait fini par croire à la parfaite sécurité du réseau. La désillusion fut cruelle. La mort instantanée de trois voyageurs et les blessures graves infligées à douze autres passagers transformèrent l'accident en une véritable catastrophe.
A 7 h 35 du matin, un train-ouvrier partait de la gare de Baker-Street (le centre de Londres) dans la direction de Willesden. Un quart d'heure plus tard, un épais brouillard l'obligeait de s'arrêter en gare de West-Hampstead. L'obscurité était si profonde qu'on ne distinguait à peine à deux mètres de distance.
Les employés du train causaient avec le personnel de la gare, quand un fracas épouvantable retentit, d'autant plus sinistre qu'il se produisait sans qu'un bruit précurseur (roulement des roues,  grincement des roues, ou sifflet) eût troublé la quiétude des assistants.
Que s'était-il passé? Un autre train-ouvrier, parti de Baker-Street à 7 h 45, avait surgi silencieusement de la muraille de brouillard, et, avec une vitesse de 30 kilomètres à l'heure, s'était jeté sur le wagon de queue du premier train. La violence du choc avait été telle que les deux wagons s'étaient "télescopés". Selon le mot d'un témoin oculaire que corroborent sinistrement nos photographies, les deux voitures avaient agi comme les deux compartiments d'une boîte d'allumettes suédoises.


Les deux voitures vues de face.



Les trois passagers tués, et la plupart des blessés, se trouvaient assis à l'arrière du wagon de queue. On ne peut songer sans frémir à l'effroyable hécatombe qui eût ensanglanté West-Hampstead, si le choc se fût produit entre deux trains-ouvriers lancés du centre de Londres vers la banlieue. A cette heure matinale, les trains déversent dans la Cité des foules immenses, entassés dans leurs voitures, tandis que les deux trains sinistrés étaient aux trois-quarts vides.


Les voitures vues de trois-quarts.



Nous avons suffisamment indiqué que le brouillard portait la responsabilité de la catastrophe. Il convient d'ajouter que le conducteur du second train s'aperçut de la présence du premier alors qu'il lui restait une distance de 9 mètres environ à franchir. Il fit jouer son frein, mais le brouillard avait tendu les rails si gluants que le train continua sa marche.
L'enquête a révélé d'autres faits. Il paraît prouvé que les fogmen (employés chargés spécialement de la surveillance des voies par les temps de brouillard) ne furent pas exempts de négligence, et que les pétards n'avaient pas été placés à des intervalles assez rapprochés.
On croit aussi que les signaux ne fonctionnèrent pas d'une façon normale. Un signalman affirma qu'il avait fait jouer le disque "danger" pour couvrir le premier train. Or, quand il reporta son regard vers les signaux, il constata qu'ils indiquaient line clear (ouvert).
Il put prouver que les signaux (dont il était chargé depuis huit ans) s'étaient déjà dérangés une fois en juillet. Mais il n'avait pas cru devoir signaler le fait à ses supérieurs, l'irrégularité ne s'étant pas reproduite. Il se contenta d'en parler à des camarades.
En outre, il reconnut que le grand nombre des trains dont il avait à surveiller le passage (290 en huit heures) lui causait des énervements passagers. Mais il affirma que le signal "ouvert' n'avait duré que 30 secondes, et qu'il l'avait remplacé aussitôt par le signal "danger". Cette demi-minute devait suffire à causer la mort de trois hommes.
Cette catastrophe perd beaucoup de son importance si l'on songe que le Metropolitan Railway transporte 100 000 000 de passagers par année, et qu'il en a transporté trois milliards depuis sa fondation sans avoir jamais causé, jusqu'au 26 octobre, la mort d'un voyageur.

                                                                                                   J. Durand


La Nature, Revue des Sciences, Masson et Cie, Paris, 1908.

jeudi 23 octobre 2025

 Extracteur de comédons.



On désigne sous le nom de comédons les points noirs ou blancs qui apparaissent souvent sur le visage et le déparent. Ils sont dus à l'obstruction des pores de la peau. La sécrétion des glandes est entravée, les comédons poussent et nuisent à la santé et à la beauté du visage. On pouvait s'en débarrasser jusqu'ici en pinçant, entre les ongles, les divers points et en les faisant sortir successivement. Un jeune docteur a trouvé l'extracteur que représente la figure ci-jointe. 




L'appareil est en maillechort: il est formé par une tige verticale portant sur le côté un anneau et au dessus un support pour le pouce. Il suffit de l'appliquer sur le comédon et d'exercer une légère pression: le point noir sort très facilement.
L'extracteur de comédons se trouve au prix de 2 fr.50 chez M. P. Renant, 43, boulevard de Strasbourg, Paris (Xe).

La Nature, Revue des Sciences, Masson et Cie, Paris 1908.

 Quelques particularités sur le savon.



On sait combien est répandu, dans les pays civilisés, l'usage de cet agent de nettoyage et de propreté dont le principe de la fabrication consiste dans la saponification d'un corps gras par une lessive alcaline avec formation du sel alcalin correspondant des acides gras contenu dans la graisse employée. Le Journal de la Société pour l'industrie chimique, de Londres, a consacré assez récemment, sur divers sujets concernant le savon, une série d'articles qu'il nous paraît utile de résumer.
C'est Pline qui, le premier, mentionne dans ses écrits l'usage du savon préparé à l'aide d'huile et de cendres de bois. Ce produit était employé en médecine contre les tumeurs, et aussi par les Gaulois pour rendre leurs cheveux blonds. Pline décrit les savons mous à base de potasse et les savons durs à base de soude et l'on a découvert à Pompéi des ruines de savonneries et des morceaux de savons bien conservés, datant de plus de 1700 ans. Dès 1784, le Codex français mentionne un certain nombre de savons qui servaient à faire des pilules. A côté de ces savons solubles, on connaissait le savon de plomb dont on trouve la description dans un traité de médecine de 1653.
La savonnerie fournit actuellement des savons de diverses qualités et, depuis 1885, on a créé des savons médicaux, grâce aux efforts de deux chimistes allemands, Unna et Eickhoff. Ces savons contiennent de la résorcine, de l'acide salicylique, de la quinine, de l'hydroxylamine, de l'iodoforme, de la menthe, du salol, des composants mercuriques, etc., selon les usages pharmaceutiques auxquels ils sont destinés. On emploie aussi les sels d'autres métaux, formés en combinant les acides gras isolés avec les oxydes de zinc, de mercure, etc. Un grand nombre de graisses ou d'huiles peuvent être employées dans la fabrication du savon. Depuis quelque temps, le savon à l'huile de coton se répand de plus en plus. Les Etats-Unis produisent annuellement 3 millions de barils d'huile de coton de 375 livres anglaises chacun: la couleur de cette huile varie du rouge cerise au noir. Son raffinage se fait en la traitant par la soude caustique qui neutralise les acides libres, coagule l'albumine et dissout la matière colorante; on agite l'huile avec la quantité nécessaire de soude et il se précipite une masse visqueuse appelée communément cotton seed soap stock. Ce produit est ensuite transformé en savon par saponification et précipitation du savon par le sel marin; sa composition, en moyenne, correspond à celle-ci:

Eau.............................................. 36,00
Acides gras anhydres.................. 48,60
Glycérine.....................................   3, 98
Soude..........................................    3,20
Matière colorante.......................    2,42
Matière organique......................    5,80
                                                            _____
                                                           100,00

Le savon fait avec cette huile renferme 66 pour cent d'acides gras et il est employé comme savon de lessive pour l'usage domestique.
Un point était resté assez obscur dans la préparation générale du savon; c'est le fait qu'il est nécessaire dans cette fabrication d'employer une quantité d'alcali plus grande que celle exigée par la théorie. Un chimiste, M. Lewkowitsch, vient de constater qu'avec la quantité théorique, il se produit un équilibre qui limite la réaction; ainsi des expériences faite avec du suif ont montré que la proportion théorique de soude ne saponifie que 94 pour 100 de la graisse. La saponification complète exige donc l'emploi d'un excès d'alcali.
L'un des inconvénients de l'emploi du savon tel qu'il existe actuellement consiste dans son passage de mains en mains, d'individu à individu, sans aucune désinfection, ce qui rend possible la transmission de certaines affections. On a proposé divers systèmes distribuant des savons pulvérisés pour éviter la contagion de maladies infectieuses: la plupart de ces procédés sont compliqués et fournissent des granules qui, quand ils sont humectés, s'agglomèrent ensemble. On peut supprimer ce désagrément en employant des savons liquides fabriqués avec des huiles végétales et suffisamment fluides pour ne pas se congeler par le froid; ces savons son renfermés dans un récipient sphérique pouvant basculer autour de son axe en distribuant ainsi la quantité de savon nécessaire; tout danger de contamination est ainsi évité.

                                                                                                              A. H.

La Nature, Revue des Sciences, Masson et Cie, Paris 1908.


* Nota de Célestin Mira:


Fabrication de savon au XIXe siècle.












mercredi 22 octobre 2025

 Coupe-Volailles.



Bien découper les volailles est un art fort utile, en tout cas fort apprécié des gourmets amateurs d'élégance. Mais c'est un art difficile souvent même impossible à acquérir.
On peut alors utiliser le coupe-volailles que nous décrivons (fig. 1).



Il se compose d'un couteau à découper en acier et d'une lame dentée formant cisaille. Cet appareil est très facile à manier et permet très aisément de détacher successivement tous les morceaux d'une volaille (fig.2)


Le coupe-volailles se trouve au prix de 6 fr 75, chez M. Renaut, 43, boulevard de Strasbourg, à Paris (Xe arrondissement)


La Nature, Revue des Sciences, Masson et Cie, Paris, 1908.

 Machine à couper les pommes de terre.



Cette machine assure ce résultat, très commode, de débiter instantanément une pomme de terre en une série  de parallélépipèdes bien réguliers. On sait que c'est une condition indispensable pour confectionner de bonne pomme de terres frites.




Quand la pomme de terre a été épluchée convenablement, on la place sous le plateau de l'espèce de presse qui constitue un des deux organes actifs de cette machine. Sous ce plateau mobile, se trouve un châssis métallique, horizontal, lui aussi, qui a 90 mm sur 85, et qui est ajouré de carrés de 12 mm dont les côtés forment couteaux. 
Si donc on appuie sur le levier de l'instrument, le plateau supérieur, avec ses prismes correspondant à l'évidement du châssis, vient presser la pomme de terre contre les couteaux; elle se partage donc suivant ces couteaux en parallélépipèdes. Il n'est pas exagéré de dire que pratiquement l'opération se fait instantanément; le débit de l'instrument est énorme, et il est bien évident qu'il n'est intéressant que dans les hôtels, les établissements où l'on a une population nombreuse à nourrir. Il coûte du reste une quinzaine de francs, mais rend des services considérables dans un milieu convenable. Il se place et se fixe facilement par ses pieds sur une table. 
Il se vend chez MM. Markt, 107, avenue Parmentier.

La Nature, Revue des Sciences, Masson et Cie, Paris, 1908.

 Les incendies de forêts en Algérie.



La fréquence des incendies de forêts est une des plus fortes pertes sèches, qui porte préjudice à notre colonie. Les chiffres ci-dessous, donnant par année l'étendue brûlée et l'estimation des dégâts, montrent les heureux résultats que l'application de mesures énergiques a déjà obtenus et font bien augurer de l'avenir.


1902................140 000 hectares            3 660 000  francs
1903................ 94 000     _                      5 300 000     _
1905................   7 600      _                         399 000      _
1906................   9 100      _                         247 000      _
1907................   4 100      _                           60 000      _



La Nature, Masson et Cie, Paris 1908.