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mardi 5 avril 2022

L'homme s'effémine-t-il  dans la compagnie des jeunes filles?


C'est un lieu commun que la société des jeunes filles effémine un jeune homme. Aucune opinion pourtant n'est aussi sujette à caution.
Peut-être cette manière de voir a-t-elle une raison d'être en ce qui concerne les très jeunes garçons. C'est là un âge ingrat où les plaisirs brutaux- prendre ses ébats en plein air, grimper aux arbres, voire même boxer- sont parfaitement de mise.
Il en est autrement dès que le jeune homme a atteint son développement corporel. La société des jeunes filles devient alors le meilleur stimulant pour acquérir la maîtrise de soi-même et l'assurance que l'on attend d'un homme. Tel qui ne craindra pas de rester le dernier de sa classe et resterait indifférent devant les critiques de ses camarades, attachera la plus haute valeur au moindre signe d'approbation des jeunes filles.
Le jeune homme se figurera d'abord qu'afficher une grâce féminine est le meilleur moyen de s'attirer les sympathies du beau sexe, mais l'expérience ne tardera pas à le détromper. La femme attend de l'homme de ses rêves un caractère, un homme en qui elle puisse avoir confiance, qui assume le rôle de protecteur et de guide comme une chose naturelle. Elle reconnait sans peine la supériorité d'un bras fort. Et l'homme qui obtient ce genre d'estime en sera secrètement flatté.
La société féminine habitue l'homme à assumer le rôle le plus chargé de responsabilités. Elle lui apprend à rester patient et courtois, à acquérir du tact et le don d'avoir des attentions pour autrui. Craignant de faire la moindre gaffe, il mettra un zèle incomparable à l'accomplissement de ses devoirs de gentleman, à élargir le cadre de sa conversation, à intéresser les autres autant qu'à être intéressé soi-même. Enfin, elle développera en lui les sentiments chevaleresques et le courage.
Bref, la société des jeunes filles fera de l'ancien écolier petitement égoïste ce que nos ancêtres appelaient un "galant homme".

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, dimanche 25 juin 1905.

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