Ce qu'écrivent les soldats japonais.
Le soldat japonais, bien que possédant une instruction primaire très solide, n'est pas prodigue de missives. Tandis que des centaines de lettres provenant de soldats russes ont été publiées dans la presse, on ignore généralement les impressions de leurs adversaires. Cela tient en partie aux cartes formulaires que leur délivre l'administration de l'armée, et auxquelles ils n'ont à ajouter que l'adresse du destinataire et leur signature. Cependant plus d'une lettre a été saisie par les Russes sur des Japonais prisonniers ou blessés, et il en est qui ne manquaient pas d'intérêt. Chose curieuse au premier abord, mais qu'explique la différence de situation du vainqueur et du vaincu, le Japonais ne manifeste pas dans ses lettres le même ressentiment pour l'ennemi que le Russe. Peut-être aussi le désir de montrer qu'on a conservé la jovialité et l'entrain en dépit des combats.
" J'ai vu des Russes aujourd'hui pour la première fois, écrit Sucho Hira, et je les ai trouvés plaisants bien qu'un peu ours. C'étaient trois prisonniers, et les voyant blessés et abattus, je m'inclinai plusieurs fois par politesse, mais cela les fit rire et ils ne répondirent point à mes avances."
Une autre lettre trouvée dans la poche d'un cadavre, contenait trois excellentes caricatures.
"Aujourd'hui, écrivait l'artiste, j'ai envoyé à mon honoré père des nouvelles de notre avance. J'ai percé trois ennemis avec ma baïonnette, et tué bien davantage par mes balles. Tous nos officiers ont été tués, et l'honneur de nous conduire a été dévolu au frère aîné de père, qui lui aussi est mort glorieusement, je suis heureux de le dire. Puisse un sort aussi grandiose m'être réservé!"
Ce qu'écrit un ambulancier de la Croix-Rouge.
Un Suisse, engagé dans la Croix-Rouge, à Port Arthur, pendant les derniers jours du siège, écrivait à ses parents, qui habitent le canton de Vaud.
"J'ai assisté à deux guerres où les Russes étaient vainqueurs. Et voilà qu'il faut que j'assiste à une troisième guerre où ils sont vaincus, et par qui? Par des hommes d'une taille minuscule dont la civilisation ne date que d'une trentaine d'années et qui occupent un pays à peine plus grand qu'une petite province russe!
Pourtant il faut être juste. Ils ont des qualités inappréciables. Leur courage est une frénésie. Dans leurs efforts pour boucher le port en y coulant des navires, on a vu des matelots japonais approcher du rivage en barque, mais lorsqu'ils apercevaient que nos marins les attendaient pour les faire prisonniers, ils se jetaient à la mer et se coupaient mutuellement la gorge.
Les Russes ne leur cèdent en rien en fait de sang froid et de mépris de la mort. Combien de fois j'ai vu de mes propres yeux des groupes de soldats causant joyeusement. Crac! une bombe éclate et en tue quelques-uns.
- Pauvre Yvan! dit l'un des survivants, lui qui racontait justement une si jolie histoire.
Et après quelques soins aux blessés, un coup d'œil aux morts, la conversation reprenait à l'endroit même où elle avait été interrompue."
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, dimanche 25 juin 1905.
*Nota de Célestin Mira:
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