Ceux dont on parle.
L'austère M. Brisson.
L'ancien, et peut-être futur, président de la Chambre a la réputation d'un homme grave, austère même, d'un rabat-joie, pout tout dire. Aussi est-il jugé par ses collègues comme particulièrement apte à remplir les fonctions de président. On n'imagine pas le nombre d'assemblées, généralement très peu folâtres, qu'il a présidées: commission du budget, Chambre des députés, conseil des ministres, etc., etc. Il en est réduit, à l'heure actuelle, aux comités municipaux, départementaux ou nationaux dont il fait partie, mais nul ne doute qu'il ne prenne un jour sa revanche et ne retrouve bientôt une présidence de première classe.
L'élection, un peu inattendue, de M. Doumer au fauteuil présidentiel causa quelque peine à M. Brisson. Et cependant, ce vote lui rendait sa liberté, ses opinions et son éloquence, toutes choses incompatibles avec les devoirs d'un président, directeur impartial des débats. Ce sont là des biens précieux, nul n'y contredira, et M. Brisson ne les retrouva pas sans plaisir, mais en même temps qu'il les recevait, considérez ce qu'il perdait: des appointements de quarante mille francs par an, un logement à la porte des bureaux de ses patrons et comme il n'en existe aucun dans les meublés de la capitale. A ce prix, qui ne vendrait son droit d'interpeller?
M. Brisson fit ses débuts dans la politique comme journaliste: à dix-neuf ans il fondait, avec ses amis, Pelletan, F. Morin, Vacherot, Barne, Despois, le premier journal républicain créé au quartier des Ecoles: L'Avenir*.
Le père d'Henri Brisson, avoué devant la Cour d'appel de Bourges et républicain convaincu, l'avait envoyé à Paris pour y faire son droit. A vingt-quatre ans, il se fit inscrire au barreau de Paris. Depuis quelque temps déjà il avait eu l'occasion de s'exercer à la parole dans les loges maçonniques, où il avait été admis dès sa majorité.
Le Palais n'arracha pas M. Brisson au journalisme, et des articles de sa main parurent dans le Phare de la Loire* (1861), dans le Temps* (1864) et dans l'Avenir national* (1868). Comme ces journaux ne lui suffisaient pas pour exprimer sa pensée impétueuse, il fonda un nouveau périodique: La Revue politique; malheureusement cette feuille déplut aux ministres de l'empereur qui en interdirent la publication.
C'est en 1869 que ce républicain téméraire se présenta pour la première fois aux élections législatives: il était candidat démocrate dans la quatrième circonscription de Paris; au second tour, il se désista en faveur de Glais-Bizoin, pour se représenter en 1871 où il fut élu par plus de 115 000 voix. Depuis lors il n'a pas chômé et son zèle lui a valu des augmentations importantes, mais temporaires, et jusqu'à des appointements de ministre.
Le voici aujourd'hui rentré dans le rang et forcé de se contenter de ses 9 000 francs, en attendant la retraite que nos excellents représentants vont s'accorder pour pouvoir discuter sans préoccupation des retraites ouvrières.
Jean-Louis
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 2 juillet 1905.
* Nota de Célestin Mira:
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