Gare à la bombe.
Il n'est plus question que de bombes; bombes russes, bombes espagnoles, bombes italiennes, etc. En constatant les effets explosifs de ces engins, on s'imagine que l'invention est moderne et qu'elle exige, pour être réalisée, des connaissances chimiques étendues. Hélas ! on a fait des boîtes explosives de tout temps, et leur préparation n'offre malheureusement aucune difficulté. La bombe qui a éclaté le 30 mai* sur le passage du roi et du Président de la République est du type le plus répandu en Espagne. Elle ressemble un peu aux "grenades" si employées en Mandchourie et à Port-Arthur par les Russes et les Japonais, au mode inflammatoire près.
Les bombes militaires.
Les grenades militaires ne sont que des bombes à main. Leur usage remonte très haut; on s'en servait beaucoup du temps de Louis XIV. Les mousquetaires à pied les utilisaient souvent. En 1667, ils prirent le nom de "grenadiers", précisément parce qu'ils maniaient sans cesse les grenades. Les grenadiers d'autrefois, les vrais grenadiers, portaient trois ou quatre grenades dans une giberne sur la hanche droite. On se rappelle les grenadiers du second Empire qui avaient, sur leur uniforme en souvenir du passé, une sorte de grenade. On se servait, à Paris, des grenades à main, en 1871, pour se débarrasser des défenses préparées par les communards derrière le fort d'Issy et pour les obliger à abandonner les maisons de Paris d'où ils tiraient, bien abrités, sur les troupes.
Les anciennes grenades à main chargées de poudre noire étaient d'usage réglementaire; elles sont constituées par des sphères creuses en fonte, de la grosseur d'une sphère du jeu de boule. L'intérieur est rempli de poudre. Une ouverture dans la bombe sert à placer la fusée. Cette fusée est une étoupille contenant une composition fusante traversée par un "rugueux" fil de fer barbelé terminé extérieurement par une boucle. On lance fortement l'engin en le tenant pas la boucle. Le mouvement arrache le fil barbelé; une étincelle jaillit et met le feu à la composition fusante. La portée moyenne des grenades est de 20 mètres. La durée de combustion de la mèche est de quatre secondes en moyenne; au bout de ce temps, la bombe éclate en morceaux. Depuis, on a fabriqué des grenades à la dynamite avec capsule, avec amorce au fulminate de mercure.
Comment se préparent les bombes.
Les bombes actuelles sont généralement préparées non pas à la dynamite, mais avec des poudres spéciales qu'il est bien facile de fabriquer et dont il est parfaitement inutile de donner la recette. On en fait qui éclatent à la moindre pression, sous le pas des chevaux. D'autres sont à percussion, comme les obus. En Russie et en Espagne, les anarchistes emploient la bombe à feu lorrain, imaginée jadis par Nicklès, qui fut professeur de physique à Nancy. Nicklès se servait de deux petits tubes en verre sans résistance qu'il introduisait côte à côte dans la bombe. L'un des tubes était empli d'un mélange de sulfure de carbone et de chlorure de soufre; l'autre d'ammoniaque. Il suffit de mettre en contact le liquide jaune de sulfure avec quelques gouttes d'ammoniaque, il y a détonation immédiate. Aussitôt que les tubes se brisent, l'explosion se produit. On peut varier, d'ailleurs, la composition des liquides employés dans ces tubes. Enfin, on a recourt quelquefois tout bonnement à une mèche inflammable, comme on le faisait autrefois pour les grenades.
La bombe qui a éclaté rue de Rohan était remplie de fulminate de mercure, composé extrêmement violent qui fut découvert, il y a plus d'un siècle, par Howard; il est peu stable et détonne au moindre choc ou au contact de corps chimiques bien choisis. C'est avec ce corps que l'on prépare les amorces des explosifs ordinaires, les pois fulminants, les bonbons chinois, etc. L'explosion donne lieu à une flamme rouge et bleue.
Tous les engins explosifs sont, naturellement, prohibés. Mais comment empêcher le premier venu de se procurer les produits chimiques qui les emplissent et de fabriquer les mèches ou les amorces qui déterminent leur explosion? La bombe à main a été, dans le passé, et restera l'arme la plus redoutable des fous criminels qui veulent accomplir leur œuvre de mort.
H. de P.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 9 juillet 1905.
Nota de célestin Mira:
* Attentat du 30 mai 1905.
Alphonse XIII, roi d'Espagne, en visite à Paris échappe à un attentat à la bombe. |
L'attentat, perpétré le 30 mai 1905, fut organisé par un certain Alexandre Farras, anarchiste espagnol, à l'angle de la rue de Rohan et de la rue de Rivoli à Paris, contre le convoi du roi Alphonse XIII accompagné du président de la République Emile Loubet. Ils sortirent tous les deux indemnes de cet attentat et l'auteur ne fut jamais arrêté.
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