Ceux dont on parle.
Oscar II Roi de Suède et ancien Roi de Norvège.
La Norvège bouge. Il était temps: on allait l'oublier, et la Norvège ne veut pas qu'on l'oublie. Pour manifester au monde son existence, elle avait le Cap Nord, bien connue de l'agence Cook, Ibsen et Bjonnstjerne Bjornson qui valent bien, à eux deux quatre académiciens de France, elle avait ses fjords et ses forêts; mais cela ne lui suffit pas. Il paraît que pour assurer son bonheur, il lui faut un roi qui soit tout entier à elle: elle ne veut plus d'un roi indivis. Elle a donc signifié à Oscar II qu'il ait à régner sur les Suédois et qu'il laisse la Norvège aux Norvégiens.
C'est un congé formel qui est donné au roi, mais dans les formes les plus courtoises. Le motif allégué ne vise ni ses capacités professionnelles ni sa probité; il réside dans ce fait qu'Oscar II, en ne remplaçant pas le ministère de Norvège, démissionnaire, a cessé d'exercer ses fonctions royales. Le Parlement norvégien a d'ailleurs donné à son ancien roi un excellent certificat et, pour lui prouver son estime, , lui propose de mettre à sa place une personne de sa famille, s'il en est une qui soit un peu au courant du métier et qui veuille bien renoncer éventuellement au trône suédois.
Ces amabilités n'ont pas retiré à la révolution son amertume; le roi n'est pas bien sûr que les Norvégiens ne se moquent pas de lui et il a refusé de recevoir leurs députés. Ce qui lui arrive est assurément très fâcheux. Les Norvégiens partis, c'est deux millions d'hommes de moins dans son royaume. Il ne lui reste plus que les Suédois, soit cinq millions de loyaux sujets, mais si l'idée leur prenait d'imiter leurs voisins, que deviendrait Oscar II? Ce n'est pas à son âge et dans sa partie, qu'il pourrait retrouver un emploi. Le mieux, en pareil cas, pour éviter le ridicule, c'est de se faire tuer dans un mouvement populaire, mais ces gens du nord sont déconcertants: ils renversent un royaume par un vote aussi tranquille que s'il s'agissait de changer le nom d'une commune.
Il est fort à craindre qu'une décision prise dans un aussi grand calme reflète l'avis unanime de la nation et soit irrévocable. Dans ce cas Oscar II n'aurait qu'à s'y soumettre ou à tenter de réduire les dissidents par la force. On ne croit pas qu'il emploie envers les Scandinaves un moyen dont il n'a encore jamais usé et qui répugne à son goût éclairé et délicat. Le roi Oscar est instruit, éloquent; il parle admirablement le français. Il aime les arts, il est poète et musicien, il se plait à improviser au piano ou à l'orgue; dans sa jeunesse, sa voix de ténor était fort goûtée de ses amis; maintenant encore, il chante volontiers des ballades, accompagné au piano par sa femme. Il aime également les chants en chœur. Les mêmes dispositions musicales existaient chez ses frères et ce sont elles qui aident son petit-fils aîné, Gustave-Adolphe à tromper la longue attente d'un trône où il ne montera peut-être pas ou qu'il trouvera boiteux. Comment, sous de tels chefs, tout ne se ferait-il pas harmonieusement, mêmes les ruptures.
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 10 juillet 1905.
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