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mercredi 19 juin 2019

Une visite au Salon de l'automobile 1913.

Une visite au salon de l'automobile 1913.


Il semble bien que nous touchions le but: l'automobile est devenue, en même temps qu'un instrument de précision admirablement réglé, un mécanisme si simple qu'on voit fréquemment déjà de jeunes femmes au volant de puissants engins de vitesse et que l'automobile pour enfant existe, rêvant de reléguer aux soupentes les chevaux de bois millénaires, délices de nos jeunes ans, tout comme le taxi a chassé le fiacre et le "poids lourd" les magnifiques percherons.
Certes, l'évolution fut rapide et les perfectionnements incessants depuis les temps héroïques où Serpollet* et Forest* essayaient leurs premières chaudières ou leurs premières chambres d'explosion. Vingt ans ont suffi à cette révolution profonde qui a donné au monde un roi nouveau. Sa Majesté l'Auto a maintenant reculé jusqu'aux plus extrêmes limites son formidable pouvoir et le brave paysan, justement ému par ce concurrent redoutable, de ces chevaux-vapeurs appelés à dévorer les produits de ses écuries, va chercher aujourd'hui, pour les travaux de la terre, labours, semis, moissons, l'omnipotent auto.
Nous avons parcouru les stands de ce Salon de 1913, qui marque bien l'apogée de la locomotion mécanique tant par la multiplicité infinie des modèles que par le fini des détails et le souci partout affiché de robustesse et de simplicité, de confortable et d'élégance, de modération dans les prix.
Aussi, avons-nous tenu à concrétiser ici, pour nos nombreux et fidèles lecteurs, l'ensemble des progrès définitifs qui, tels que le Salon de 1913 nous le démontre, assurent à l'auto-roi un règne indéfiniment prospère. Après avoir lu les pages qui vont suivre, on pourra se faire une idée précise, étayée pour chaque sujet de l'exemple singulièrement expressif d'une grande et sérieuse firme industrielle, de tout ce que représente de labeur, d'ingéniosité, de puissance, de robustesse ce mot magique: l'auto.

Le développement prodigieux d'une industrie.

En 1897, un gamin de vingt ans avait obtenu de sa maman un coin de son jardin de Billancourt pour y édifier un hangar. Aussitôt construit, cet abri retentit de coups de marteau et d'explosions violentes qui mirent en émoi les habitations du voisinage. Puis, un jour, on vit sortir de la propriété une minuscule petite voiture actionnée par un moteur à pétrole qui semblait obéir passivement à son jeune conducteur.


Renault en 1897.

En 1898, six ouvriers occupaient le hangar et, en douze mois, six voitures nouvelles sortaient de la propriété.
Tel une tache d'huile, le petit atelier de 40 mètres carrés s'est étendu et il couvre, à l'heure actuelle, une supercherie de 12.000 mètres carrés. Les six ouvriers de 1898 ont dû appeler à leur aide 5.000 de leurs camarades, et, cette année, cette ruche colossale, a dirigé sur tous les points du globe plus de 8.000 voitures automobiles.
Telle est l'oeuvre du sympathique constructeur qui a nom Louis Renault*.


1913. Vue panoramique des usines Renault, à Billancourt (Seine).

Connaître la raison de cette prodigieuse fortune me parut particulièrement intéressant. Voici comment on vient de me l'expliquer:
"Le rapide développement de nos usines est dû à la satisfaction complète que nos clients ont toujours eue, satisfaction qui a son origine dans nos méthodes de construction et dans les contrôles incessants que nous exerçons sur notre fabrication.
Nos châssis sont, en effet, complètement fabriqués par nos usines et sous nos yeux mêmes. Le principe de notre construction est celui de la fabrication en grande série, avec une surveillance minutieuse et permanente de toutes les pièces pendant toutes les étapes de la fabrication et du montage. Cette surveillance s'exerce avant même tout opération d'usinage, par la vérification rigoureuse de la composition, du grain et des coefficients de résistance des pièces brutes.
Les pièces du même modèle sont toutes fabriquées sur les mêmes machines. Chaque opération est suivie d'une vérification des cotes et du fini du travail, et d'un nouvel examen du métal pour le cas où des défauts impossibles à constater sur la pièce brute seraient apparus après le travail.
Les pièces qui ont satisfait à cet examen sont acceptées et poinçonnées, celles qui présentent la moindre imperfection sont immédiatement détruites.
Pour avoir la même régularité et la même sécurité dans toute notre fabrication, nous avons créé des ateliers spéciaux pour la fonderie, la forge, la cémentation, la construction des radiateurs, des roues, des bougies,etc.
Les différents organes: moteurs, changements de vitesse, axes arrière, essieux avant, direction, etc., sont montés séparément dans des ateliers spéciaux.
Chacun d'eux est ensuite, éprouvé isolément au moyen d'appareils spéciaux et dans les conditions de charge identiques à celles qu'il devra subir au maximum sur le châssis. Lorsque le fonctionnement est devenu parfait, un démontage est effectué pour vérifier toutes les pièces et examiner la façon dont elles se sont comportées.
Les organes ainsi éprouvés sont ensuite montés et ajustés sur les châssis avec le plus grand soin. Ceux-ci passent alors à l'atelier des essais, où il est procédé à leur mise au point définitive. Chaque châssis reçoit une caisse, lestée de masse de fonte représentant exactement le poids de la carrosserie et des voyageurs que la voiture aura à supporter en service. La voiture est successivement essayée sur les différentes vitesses et aux différentes allures du moteur; en côte, en palier et en descente, les freins sont longuement éprouvés et les organes de commandes réglés pour que leur manœuvre soit toujours facile et sûre. La réception n'est prononcée que lorsque la marche est devenue absolument silencieuse, le fonctionnement de tous les organes irréprochables et le rendement celui qui avait été prévu."
Les usines de Billancourt peuvent s'enorgueillirent d'une telle méthode et s'en féliciter puisqu'elle leur a assuré la renommée que l'on sait; mais, aujourd'hui, il n'y a pas que le particulier pour sentir le besoin de moyens de locomotion rapides.
A l'heure actuelle, toutes les grandes industries, toutes les entreprises bien gérées ont adopté le transport mécanique et en retirent chaque jour des avantages considérables.
Il n'est donc pas de commerçant ou d'industriel qui, pour conserver des armes égales devant la concurrence, n'ait à envisager son application immédiate ou prochaine, soit pour des gros camionnages, soit pour les services de livraison, de transport en commun, etc.
Les principes de construction que Renault a posés, dès le début, se sont généralisés progressivement. Ils sont, à l'heure actuelle, les règles à ce point que l'on a pu dire, en toute exactitude, que la voiture Renault 1898* renfermait la plupart des éléments constitutifs de la voiture moderne.
Ses véhicules industriels ont été conçus dans le même esprit et chacun peut constater que, depuis plusieurs années, ses modèles de toute nature ont, dans leur ensemble, un caractère définitif.
D'ailleurs, dans toutes les épreuves auxquelles ils ont participé, les camions de la maison Renault* ont toujours satisfait dans des conditions les plus parfaites les programmes imposés. Tous les véhicules présentés aux épreuves d'endurance du ministère de la guerre français ont été, sans exception, admis aux bénéfices de la prime. Est-il besoin de rappeler leurs éclatants succès au concours militaire* russe organisé en plein hiver 1912? Par un froid terrible, sur un parcours semé de fondrières, dans des chemins couverts de neige, sur des ponts rudimentaires que le moindre ralentissement faisait effondrer, les deux camions engagés accomplissaient seuls, sans pénalisation, l'épreuve imposée et se classaient ensemble en tête du concours.
Ainsi, partout merveilleusement conçue et réalisée pour le service qu'on lui demande, camion ou autobus, taxi ou élégant landaulet, la voiture Renault a sa physionomie et sa personnalité.
Ce même esprit de recherche de simplicité et d'accessibilité a présidé à l'établissement des dispositifs nouveaux qui ont complété les premiers: dégagement absolu de l'avant du moteur, refroidissement par thermo-syphon,etc.
Ainsi ont été créés successivement: le carburateur Renault à prise d'air additionnel, réglée par une soupape fonctionnant sans ressort, et dont les déplacements sont amortis par l'adjonction d'un frein à liquide; l'embrayage Renault, à cônes garnis de cuir et à cercle de friction scié suivant les lamelles qui assurent une progressivité rigoureuse; le radiateur Renault, disposé à l'arrière du moteur et ventilé par une turbine fixée sur le volant; les amortisseurs à liquide Renault; la bougie Renault, et de multiples détails spéciaux. Ce sont toutes ces créations originales, faites avec un esprit de suite rigoureux, et suivant des principes directeurs bien établis, qui ont fait la véritable personnalité de la voiture Renault et qui lui ont valu les qualités qu'on lui reconnait unanimement.

Les Annales politiques et littéraires, dimanche 19 octobre 1913.

Nota de Célestin Mira:

* Serpollet:

Châssis "double phaéton, vers 1900, équipé d'un moteur à vapeur,
de la société Gardner-Serpollet.
Il mesure 4 m de long, 2 m de large, 1,7 m de haut et pèse 800 kg.
(Musée de Lille)

Monsieur et madame Serpollet.



* Forest est l'inventeur du moteur à explosion:

Voiture de livraison de la société Gillet-Forest, 1904.



* Louis Renault:



* Renault type A, modèle 1898:





* Camions Renault divers:

1903


1908


1909



* Concours militaire, camion Renault 1911:



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