Le cardinal Richard quitte l'Archevêché de Paris.
C'est dans l'après-midi de lundi que le cardinal Richard a quitté l'archevêché. Il avait déclaré, la veille, qu'il considérait la démarche faite auprès de lui, vingt-quatre heures auparavant, par le commissaire de police, M. Chanot, comme constituant la "contrainte morale" qu'il attendait pour se "soumettre aux injonctions de l'autorité civile", et celle-ci n'a pas eu à renouveler sa première sommation.
Dans la cour de l'archevêché, de nombreuses personnalités s'étaient réunies et, parmi elles, les comte de Mun, d'Haussonville, de Maillé, le marquis d'Elbée, le général de Charette, l'amiral Bienaimé, MM. Boni de Castellane, Paul et Guy de Cassagnac, Henri Piou, Anthime Ménard, de Lamarzelle, Edouard Drumont, la baronne Reille, la princesse de la Tour-d'Auvergne, la comtesse de Maillé, la vicomtesse d'Aurigny, la marquise de Vasselot, etc., etc. Comme le prélat tardait un peu, l'assistance, à laquelle s'étaient de nombreux ecclésiastiques se découvrit et entonna le Credo, le Parce Domine, et le cantique: Sauvez, sauvez la France. Lorsqu'il apparut, courbé et soutenu par son coadjuteur, Mgr Amette, les fidèles répondirent non seulement à son geste, mais on vit un groupe d'entre eux dételer les chevaux de sa voiture, lorsqu'il y fut monté, et la traîner eux-mêmes jusqu'à l'hôtel de M. Denys Cochin.
"Et c'est ainsi, dit un témoin, que se poussant, se portant, trois mille fidèles ont accompagné le cardinal jusqu'à la rue de Babylone. Il faut cinq minutes pour faire le trajet, mais le cortège mit une heure."
L'expulsion du cardinal et le nouveau projet du gouvernement sont très différemment appréciés, et voici, à titre documentaire, les commentaires les plus caractéristiques de la presse:
Ces catholiques ne semblaient même pas songer qu'ils eussent à revendiquer les droits qu'ils tiennent de leur qualité de Français et de leur titre de citoyen.
Ils priaient pour les bandits qui les oppriment et les dépouillent.
On n'a entendu que des paroles de pitié et de pardon, et pas une voix ne s'est élevée flétrissant les proscripteurs et maudissant les despotes: c'était l'Eglise souffrante et confiante, écartant, jusqu'à l'heure de la justice vengeresse, toute pensée de révolte contre l'injustice et de représailles contre les abus de la force et les iniquités du pouvoir.
(Le Soleil) Editorial.
Malgré les convocations et les excitations de la presse cléricale et réactionnaire, la manifestation organisée à la sortie du cardinal Richard quittant "son" archevêché a échoué piteusement. Elle s'est évaporée en quelques clameurs pieuses et vaines. Voilà à quoi se réduit maintenant, en ce Paris où l'aristocratie dispose encore de tant de ressources, la faculté de mobilisation catholique.
(L'Humanité) Jean Jaurès.
Ce Chanot, le commissaire de police désigné pour procéder à cette tâche et signifier l'ordre d'expulsion, est, paraît-il, bien vêtu. Avant de se couvrir de honte, il se couvre d'un pardessus bien coupé.
Quant à Clémenceau, il triomphe et fait des gambades, mais il fait des gambades qui n'amusent plus et il triomphe dans les inquiétudes.
(La Libre-Parole) Edouard Drumont.
Ainsi, le Parlement et l'Exécutif ne savent pas encore quelle sera la charte de l'Eglise de France; mais ils sont fixés sur un point, sur la curée. Sans consulter le pays et ses représentants, on frappe à la caisse, on prend d'office, aux détenteurs légitimes leurs propriétés. Jamais vol ne fut consommé plus avidement, avec plus de tranquillité et d'impudeur.
(L'Eclair) Ernest Judée.
L'article 5, qui vise les pensions et les allocations, est véritablement trop doux.
Ne serait-il pas plus juste et plus simple de supprimer tout de suite, par mesure générale, toutes les allocations?
Dans tous les cas, c'est rapidement qu'il faut voter la loi. Le temps n'est plus aux formes et aux politesses.
(La Lanterne) Maurice Allard.
Les Annales politiques et littéraires, Janvier-juin 1907.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire