Bjœnstjerne- Bjœrnson.
M. Bjœnstjerne- Bjœrnson est moins connu du public français que son compatriote Ibsen, et cela tient peut-être tout simplement à ce que son nom est difficile à écrire et presque impossible à prononcer.
Pourtant M. Bjœnstjerne- Bjœrnson est un grand homme et, si vous en doutez, sachez que le prix Nobel pour la littérature, qui a été attribué jadis à notre grand plaintif Sully-Prudhomme, et qui récompensa dernièrement le bouillant Mistral, le prix Nobel qu'Ibsen n'a pas encore obtenu de ses concitoyens, a été décerné en 1903 à M. Bjœnstjerne- Bjœrnson.
Cet auteur est à la fois poète, romancier, dramaturge, journaliste et politicien, ou du moins il a rempli tour à tour chacun de ces emplois. Il faut dire qu'il est âgé de plus de 72 ans, qu'il est encore très robuste et que cette longue carrière a été bien remplie.
L'idée dominante qui l'a dirigé depuis l'âge où il étudiait les grands auteurs scandinaves à Christiana et à Copenhague, c'était le désir de voir son pays, la Norvège, devenir une république libre. Il se lança d'abord dans le journalisme, rédigea pendant 5 ans le Nors Folkeblad et devint le chef du parti républicain séparatiste de Norvège. Un jour il apprit que le roi Oscar II avait parlé de lui d'un ton de mépris; Bjœrnson n'hésita pas: il envoya ses témoins au roi. Bien entendu le roi ne les reçut pas et cette bravade valut à son auteur une condamnation à une année de prison pour crime de lèse-majesté.
M. Bjœnstjerne-Bjœrnson ne tenait pas à goûter à 47 ans, du régime pénitentiaire; il quitta son pays et séjourna successivement en Amérique, en Allemagne, en Autriche, en Italie, en France. Précédemment, en 1870, il avait manifesté des sentiments de sympathie pour notre pays et avait fait ouvrir une souscription en Norvège pour nos blessés et nos prisonniers.
Rentré depuis lors chez ses concitoyens, il a écrit deux volumes de vers, des romans et des nombreux drames. Les choses de théâtre lui étaient depuis longtemps familières. il avait pris la direction du théâtre de Bergen en 1857 jusqu'en 1859 et, de 1865 à 1867 celle d'une scène de Christiana. Ses œuvres, pleines de pensées généreuses et profondes lui ont acquis une notoriété universelle. Lui-même n'a pas cessé de se tenir au courant du mouvement littéraire et social des nations d'Europe et particulièrement de la France, et il n'a pas craint à diverses reprises, d'exprimer sans ménagement son opinion sur certains événements politiques de ces dernières années.
Malgré son talent et sa renommée, M. Bjœnstjerne-Bjœrnson n'aime pas les honneurs; il a refusé, il y a un an, une décoration que lui avait offerte le gouvernement danois.
Après être resté longtemps brouillé avec Ibsen pour des raisons politiques, il s'est complètement réconcilié avec son célèbre confrère.
Pas de décoration. Point d'envie. C'est donc bien loin la Norvège?
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 6 mai 1906.
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