Les rois.
Les rois les plus solides en ce temps de révolution ce sont assurément les rois de la Fève; en toute maison on entend un cri de joie: Vive le roi! vive la reine! Le roi boit! la reine boit! Rien ne supprimera cette royauté, ni son banquet. Les fonctionnaires eux-mêmes peuvent y assister sans craintes.
Ces récréations durables sont inventées depuis que les rois sont venus à la crèche, et elles marquent d'une façon ineffaçable que les rois et tous ceux qui gouvernent sont faits pour servir Jésus.
Même la révolution terrible du siècle dernier ne put les effacer; elle se contenta, pour ne plus prononcer le nom de roi, de dire: le tyran boit! sans s'apercevoir qu'elle indiquait ainsi que les gens du pouvoir d'alors devaient être eux-mêmes aussi les pèlerins de Jésus.
Il faut bien dire que le festin des mages est une de ces représentations où les acteurs riches ou pauvres ne se rendent pas souvent compte de la signification du mystère: ils font un acte d'hommage, qu'ils le veuillent ou non, et cela durera qu'ils le veuillent ou non.
Louis XIV ne se doutait sans doute pas de ce qu'il accomplissait de sérieux quand il célébrait la fête des Rois de la façon que raconte le Mercure galant de 1684.
Une fête des rois à Versailles.
"La salle avait cinq tables, une pour les princes et seigneurs et quatre pour les dames. La première de celles-ci était tenu par le Roi; la seconde par le Dauphin. On tira la fève à toutes les cinq. A la table des hommes elle tomba au grand écuyer, qui fut roi; aux quatre tables de femmes la reine fut une dame. Alors le nouveau roi et les dames nouvelles, chacun dans leur petit Etat, se choisirent des ministres et notamment des ambassadeurs pour aller féliciter les provinces voisines et leur proposer des alliances. Louis XIV accompagna l'ambassadeur envoyé par la reine. Il porta la parole pour elle. Par un compliment gracieux au grand écuyer, il lui demanda sa protection, que celui-ci lui promit, en ajoutant que s'il n'avait pas une fortune faite, il méritait qu'on lui la fit. La députation se rendit ensuite aux autres tables; et successivement les députés de celles-ci vinrent de même à celle de Sa Majesté. Quelques-uns même d'entre eux, hommes et femmes, mirent dans leurs discours et dans leurs propositions tant de finesse et d'esprit, des allusions si heureuses, des plaisanteries si adroites, que ce fut pour l'assemblée un véritable divertissement. En un mot, le roi s'en amusa tellement qu'il voulut recommencer la semaine suivante."
En Normandie.
En Normandie, pays traditionnel des festins d'épiphanie, peut-être parce que dans une contrée aussi fertile les fêtes à festins sont appréciées, on recommence chaque année, en chaque maison, le festin comme louis XIV en 1664.
La Normandie est l'une des provinces où les traditions de la fête des Rois sont le plus fidèlement suivies. |
L'enfant, déclaré incapable de tricher choisit les parts et chacun peut devenir roi, même le mendiant; quoi de plus républicain? Il y a en effet souvent un mendiant, car les pauvres qui n'ont point de fête chez eux viennent à la porte des heureux chanter les aquinettes; ce sont des souhaits, un peu normands, qui doivent amener une invitation, s'il n'y a déjà un pauvre admis.
Le pauvre admis, non seulement a sa part du gâteau et du festin, mais il emporte des reliefs.
Quant aux autres, ils reçoivent à la porte, non un refus, mais un présent en nourriture, car dans tous les pays il y a la tradition qu'il faut faire la part du pauvre et ici cela se fait toujours généreusement.
Aussi les mendiants croient-ils avoir droit, ce qui amène, dit-on, en cas d'un refus, des chants qui ne sont plus de bons souhaits.
Dieu nous préserve des malédictions méritées!
Une légende picarde fantastique raconte comment une jeune boulangère, au moment du festin de Noël, refusa par trois fois l'aumône et l'hospitalité à un enfant, à un vieillard et à un moine, et vit ce dernier prendre soudain la belle figure de Notre-Seigneur qui lui disait: Sortez d'ici. Une chouette affreuse s'élança aussitôt par l'âtre hors de la maison, et l'on ne vit plus la belle boulangère, mais l'oiseau lugubre faisait entendre chaque son cri rauque, et une nuit, en guise d'hospitalité, un homme pécheur lui donna un coup de bâton et elle mourut.
***
La morale est qu'à l'imitation des Mages qui donnèrent généreusement à l'enfant Jésus, pauvre, il faut beaucoup donner à l'Epiphanie aux évêques d'abord, aux missions, aux œuvres de vocation qui représente N.S., et puis aussi aux pauvres qui sont N.S. au milieu de nous.
Le Pèlerin, 3 janvier 1880.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire