L'audiphone.
Qui ne connait cette expérience très appréciée des enfants: on saisit entre les dents une cordelette qui soutient une paire de pincettes, et on fait vibrer celle-ci en se bouchant les oreilles; le son produit est non seulement perçu, mais amplifié à un degré inattendu.
Cet instrument si simple est déjà un audiphone. Il fallait un Américain pour trouver ce mot d'une étymologie fâcheuse; mais il fallait aussi un de ces chercheurs pour tirer d'un phénomène très connu, mais peu étudié, un instrument utile.
Il est incontestable que l'on a nul besoin de l'intermédiaire du tympan pour percevoir les sons; certains points de la boîte osseuse du crâne, recevant les vibrations d'un corps sonore le transmettent au nerf auditif beaucoup mieux que l'oreille la plus délicate. Le tic tac d'une montre tenue entre les dents (les oreilles étant bouchées) est mieux entendu que si la montre est appuyée contre l'oreille ouverte.
Cette expérience, tentée par des personnes à peu près sourdes, par des sourds, par des sourds-muets même, leur a démontré que, si le nerf auditif n'est pas absolument atrophié, ils peuvent entendre, recueillir les sons et éprouver, peut être, à un concert des sensations agréables, refusées si souvent à ceux dont l'ouïe est parfaite.
Une feuille de caoutchouc durcie, ou, ce qui est plus simple et plus économique, un disque de carton à satiner (carton d'orties), dont l'épaisseur ne dépasse pas 0,001, constitue tout l'instrument qui leur donnera cette faculté; on l'arc-boute contre les dents de la mâchoire supérieure, tandis que la main soutient le bord inférieur en lui donnant une courbure convenable.
Tel est l'audiphone inventé à la de 1879 à Chicago par M. Rhodes.
Il transmet fidèlement les vibrations qu'il reçoit, et, grâce à lui, tel sourd de naissance entend la parole humaine, essaie de la reproduire, et juge lui-même du résultat qu'il obtient.
Notre fig. 1 représente une coupe de l'instrument; le sourd le tient dans les dents et l'on voit les cordons au-dessous.
La fig. 2 fait voir l'instrument à plat vu du côté des cordons.
La fig. 3 nous montre un sourd qui perçoit avec bonheur un discours ou de la musique, dont les sons viennent se heurter sur son disque, et de là, monter par les dents à ses oreilles.
M. Colladon, de Genève, a constaté qu'une demoiselle, artiste autrefois très bonne musicienne, devenue complétement sourde, a éprouvé une joie excessive lorsque, se servant de l'audiphone, elle a pu, pour la première fois depuis quinze années, entendre les sons d'un piano.
Il est permis de désirer l'audiphone pour un autre motif; par exemple pour rendre service aux autres, pour écouter au lieu de dormir au sermon et afin qu'on puisse dire des sourds à l'inverse des idoles: aures non habent et audient.
B. B.
Le Pèlerin, 21 février 1880.
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