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lundi 1 décembre 2025

 La légende comique et fantastique du diable.



Personnage grotesque plutôt que terrible, bouffon plutôt qu'effrayant, dans combien d'aventures, de mésaventures, de méfaits et de mystifications, les anciens conteurs n'ont-ils pas fait apparaître la silhouette bizarre et la figure grimaçante du diable! Vieilles légendes, traditions locales, récits populaires sont remplis des méchants tours qu'il joue à l'homme et des farces dont l'homme le régale en échange. Ce qui donne à ces inventions, tantôt plaisantes, tantôt merveilleuses, où excelle l'imagination de nos ancêtres, une saveur toute particulière, c'est qu'on y sent un curieux mélange d'esprit narquois et de frayeur naïve. Sentiment de mystère, malice et bonne humeur, voilà ce qui fait que nous trouvons aujourd'hui encore tant de charme à puiser dans ce trésor de fantaisie amusante et pittoresque.



Les mille formes différentes que l'imagination des artistes
 du XVIe siècle prêtait au Diable poursuivant
un juste de ses tentations.
(D'après le tableau de Breughel).


Avec une fantaisie admirable, le peintre flamand du XVIe siècle
 nous dépeint le diable sous les aspects les plus bizarres.
Lutins et démons aux formes extraordinaires sont ici réunis.






Avec ses yeux qui louchent et son pied qui fourche, son nez qui tombe, sa barbiche en pointe, un soupçon de corne à la naissance des cheveux, un soupçon de queue à la tombée du dos, il est impossible que vous ne l'ayez pas rencontré, clopinant, sautillant, boitillant à travers les vieilles estampes et les histoires naïves du temps jadis. C'est le diable! Mais le diable du pays de la diablerie, célèbre par ses mésaventures autant que pas ses méfaits, pitoyable autant que haïssable, personnage burlesque, héros bouffon, et qui ne ressemble à Satan que comme peut faire une lointaine caricature. Ou plutôt c'est une création jaillie spontanément de cerveaux tout neufs amis du merveilleux et du grotesque, issue de l'imagination presque enfantine d'une société qui, pareille aux enfants, s'amuse et s'effraie des histoires qu'elle invente et en devient dupe au moment même où elle se les raconte.
En effet, après avoir tremblé sous la tyrannie de Satan, le moyen âge s'est révolté contre lui et il s'est défendu avec les armes des faibles, la satire et la raillerie. Il se moque de Satan pour ne plus en avoir peur et se le figure ridicule pour le rendre inoffensif. Il fait de lui tout uniment un mystificateur des hommes, bientôt mystifié lui-même, un farceur pris à ses propres pièges.

Les mille et un tours d'un maître prestidigitateur.

En devenant personnage comique, le Malin conserve le rôle qui a toujours été le sien: tenter et perdre l'humanité. Sa joie est de bourrer d'âmes son sac en peau de dromadaire. Que de tours, que de ruses, que d'inventions n'a-t-il pas à sa disposition! C'est d'abord un psychologue subtil et pénétrant. Il connait son homme à fond et sait ce qu'il faut à chacun. A celui-ci qui est gourmand il offrira de jolis petits pains d'avoine au beurre, bien cuits et bien dorés, ou encore il donnera de précieuses recettes de cuisine; à tel autre, artiste amoureux de son art, il apportera des secrets d'orfèvrerie et enseignera la manière de faire étinceler les diamants; au docteur Faust il promettra la science universelle.
Un jour de vendredi saint, il rencontre ce vieil ivrogne de Falstaff, dont le gosier est toujours sec et le ventre toujours affamé. "Bonne aubaine, se dit Satan, et le voila qui tire de dessous son manteau une poudreuse bouteille de vin et une cuisse odorante de chapon. Falstaff s'émeut, renifle, son œil s'allume, l'eau lui monte à la bouche; il accepte la volaille et la bouteille, et se confond en remerciements. Le malheureux s'aperçoit trop tard, hélas! qu'en échange il a donné son âme.


Une dispute conjugale.
Gravure de van Mecheln, artiste du XVIe siècle.


S'il ne trouve pas d'occasion meilleure d'exercer sa malice,
le diable se plait à attiser les querelles de ménage, heureux
lorsqu'il voit deux époux se disputer et la femme tomber
sur son mari, à coups de quenouille
.



Le diable est ensuite un prestidigitateur de génie. Initié jadis aux lois de la nature, il les bouleverse à sa fantaisie. De son caprice naissent des êtres étranges qui se transforment à l'infini. Il crée autour de lui un monde enchanté où choses et gens sont soumis à son empire. Un jour en compagnie de Faust, dans une taverne de Leipzig, il s'assoit au milieu d'une bande de joyeux compères. On lui offre à boire. "Du vin de charretier? Fi donc!" Qu'on lui donne un foret, que chacun dise son goût... Donc devant chaque convive, il perce un trou dans le rebord de la table. Aussitôt jaillit pour l'un du vin clairet, du vin du Rhin pour l'autre, du tokay pour un troisième. Que pas une goutte surtout ne tombe à terre!... Mais un buveur maladroit tient mal son gobelet; le vin coule et se change en flamme. Tous se lèvent épouvantés, insultant l'infernal enchanteur. D'un mot, il les transporte dans un pays d'illusions, parmi des coteaux couverts de vignes; de lourdes grappes pendent sous leurs mains. Chacun tire son couteau pour couper ces fruits magnifiques; ce sont leurs nez qu'ils tiennent, les pauvres! Le diable, par bonheur, borne là sa leçon: il dessille les yeux des bons compères, qui lâchent prise. Il n'était que temps!
Grâce à sa puissance magique, il se métamorphose de mille façons: tantôt il se rapetisse de manière à tenir dans une noisette; Erasme croyait même le voir sautiller dans le corps des puces; tantôt il grandit, s'enfle, devient quelque géant colossal. Il revêt indifféremment l'apparence d'une salade ou d'un arbre. 


Le Paladin Roger au milieu des démons.
Dessin de Gustave Doré.


Des monstres terrifiants, moitié hommes, moitié bêtes, ainsi s
e représentait-on les démons au moyen âge. c'est sous cette forme que
l'Arioste, le célèbre poète italien du XVIe siècle, nous dépeint ceux
avec lesquels se trouve aux prises le vaillant comte Roger, l'un
des héros de son poème
Roland Furieux.
(Extrait de
Roland Furieux, Hachette et Cie, éditeur)



Quelquefois, il s'acharne après un passant, le pourchasse toute une journée, l'affole par ses transformations subites en cheval, en soldat "à la peau noire", en gras pourceau, en âne; puis, quand il est las de sa poursuite, il se fait petit tonneau, roule dans les jambes de l'homme, le culbute, lui passe sur le ventre et file en riant aux éclats.
Métamorphosé en mouche, il se faufile dans le corps des imprudents qui dorment la bouche ouverte; quelquefois, prenant l'apparence d'un crapaud, il se tapit au fond des gobelets, et malheur à celui qui avale son vin d'un seul coup! le diable passe avec le liquide et rend le buveur si pesant que dix hommes suffisent à peine à le remuer.
Il nait parfois dans la cervelle de Satan des idées extravagantes, par exemple celle qu'il eut un jour de donner au fils d'un paysan une force extraordinaire. La vie bientôt ne fut plus possible pour ce trop vigoureux garçon. Administrait-il une gifle à une fileuse qui sommeillait sur son rouet, vingt-cinq fileuses tombaient raides mortes. Il ne pouvait pas fouetter un cheval sans le couper en deux; sa force d'ailleurs lui permettait, maigre consolation,  d'en rapporter une moitié sous chaque bras. A une fête du village, quelqu'un se moqua de lui; il envoya un tel coup de pied au rieur qu'il étendit par terre tous les danseurs. On voulut l'arrêter, et vingt-cinq gendarmes se présentèrent: le premier reçut un tel choc dans la poitrine que les vingt-quatre autres en restèrent sur le carreau. Le moyen de vivre dans une société civilisée avec une telle puissance musculaire! Le "Fils" du diable dut alors partir au-delà des mers pour des contrées lointaines et ignorées.



Dante et Virgile aux Enfers assaillis par les démons.
(Composition de Gustave Doré)


Dans un passage de l'admirable épopée où il décrit un voyage
à travers les Enfers, Dante imagine qu'il est tout à coup arrêté
par une troupe de diable menaçants, qui se précipitent sur lui.
Cet épisode a fourni à Gustave Doré le sujet de
cette saisissante composition.
(Extrait de l'
Enfer, Hachette et Cie, éditeur).




La résistance s'organise. Premières mésaventures.

An dépit de ses ruses, de sa rouerie, de ses sorcelleries, il s'en faut que Satan en vienne toujours à ses fins. Il lui arrive de se heurter à des vertus supérieures. Et parfois l'aventure risque de tourner mal.
Des maçons bâtissaient le mur d'un couvent. Malgré la chaleur, (on était en plein été), ils travaillaient ferme et le mur s'élevait. Il s'élevait trop vite au gré de Satan. Songez! un mur de couvent! Il se recroquevilla derrière un tas de grosses pierres, et, d'une voix lointaine, car il est ventriloque à ses heures, se mit à déplorer le sort des malheureux condamnés à travailler par une telle température. Ses propos charitables produisaient déjà leur effet, et la moitié des maçons abandonnaient leur besogne quand l'un d'eux aperçut entre deux moellons les cornes de l'orateur mystérieux. Satan n'eut que le temps de déguerpir: une pioche lui arrivait sur le nez, lancée d'une main sure et vigoureuse.
Sa colère dans ces moments-là est épouvantable; il grince des dents avec un bruit horrible, trépigne et bondit. Il se venge sur le premier venu. Ne prononcez pas son nom, si jamais vous le rencontrez dans cet état: il vous en cuirait. Il se précipite dans les maisons, culbute les meubles, souffle la tempête dans la cheminée, empoisonne les plats dans la cuisine, verse le vin dans la soupière et la soupe dans les bouteilles.


Le Diable, sous la forme d'un barbet, apparaît
une première fois au docteur Faust.
(Tableau de Jean-Paul Laurens).


La croyance populaire attribuait autrefois à Satan le pouvoir
de se métamorphoser, en toute sorte d'animaux. Dans le chef-d'œuvre
de Goethe, c'est sous la frome d'un barber monstrueux que Satan
apparaît pour la première fois à Faust.



Or, ce qui faisait jadis le plus pur de la force du diable, c'est le mystère dont il s'entourait: une fois dévoilé, il cesse d'être redoutable. Ses malices maintenant montrent leur trame, et les gens commencent à ne plus s'y laisser prendre. On lui fait payer cher ses plaisanteries, on l'assomme de coups de bâtons. Son pauvre dos en est tout bossu; son nez est gros comme une pomme de terre et ses oreilles sont en marmelade. Des enfants l'enchaînent avec des cordes et le conduisent en laisse comme un toutou. On l'emprisonne dans un pot à beurre.
La mauvaise foi des hommes à son égard devient scandaleuse. Et il a l'audace de s'en plaindre! Quand il contracte un pacte avec quelque mortel, est-ce qu'il ne remplit pas tous ses engagements avec une conscience parfaite? Est-ce qu'il ne se laisse pas, suivant le bon plaisir des gens, enfermer dans des coffres, dans des boîtes ou dans des bouteilles? Lui, on ne cherche qu'à le tromper! Il cite les délinquants devant les tribunaux, car il est processif comme un Normand et retors comme un procureur; mais les hommes sont des larrons en foire qui s'entendent contre lui: il perd tous ses procès. Eh bien! puisqu'il est le seul être ici-bas dont la parole soir d'or, il se méfiera, il exigera des signatures et des contrats en forme. Vaines précautions! Les bonnes fées maintenant s'unissent aux hommes pour triompher de lui.



Le diable, joyeux compagnon. Méphisto chantant
au milieu des buveurs.
(D'après le dessin de Liezen Mayer)


Au Satan tragique et terrible du moyen âge les légendes populaires
 substituent peu à peu un joyeux compagnon, grand seigneur
et galant homme. C'est ainsi que Goethe, dans un épisode de Faust,
nous représente Méphistophélès, l'esprit infernal. Aux buveurs attablés
dans une taverne, à Leipzig, il offre les vins les meilleurs: ils n'ont
qu'à former un souhait pour avoir aussitôt le cru qu'ils préfèrent.
(Extrait de
Faust, Hachette et Cie, éditeur.)




Histoire de la baguette enchantée.

Il était une fois un pauvre homme et une vieille femme qui ne possédaient pas un sou vaillant. Ils avaient fait construire une maison, mais n'avaient pas de quoi la payer. Le Diable vint frapper à leur porte.
"Je vais te tirer d'affaire, dit-il à l'homme, si tu promets de me donner dans vingt ans ce que ta femme portera sur ses bras l'an prochain."
Le pauvre homme reçut l'argent et signa l'engagement. L'année d'après, sa femme portait sur ses bras un garçon nouveau-né. Quel fut leur désespoir quand ils se rappelèrent le marché conclu! Ils vécurent vingt années de tristesse et de douleur. Lorsque le fils eut dix-neuf ans, il fallut bien lui avouer toute la vérité.
"Qu'est-ce que cela? dit-il. Je n'ai pas peur du diable; dès demain, j'irai le trouver."
Le lendemain, en effet, il se mit en route. Traversant la forêt, il entendit la voix d'une fée qui l'appelait: "Voici une baguette enchantée, lui dit-elle, au moyen de laquelle tu pourras faire tout ce que tu voudras."
Il arriva chez le diable.
"Ah! te voilà, mon garçon, ricana celui-ci: je cirais mes bottes pour aller te chercher.
- Oui, me voilà, mais que vas-tu me donner à faire? Je n'aime pas rester les bras croisés comme un fainéant;
- Tu iras couper le bois, dit le diable, et tu me feras de la charbonnette."
Le diable parti, le jeune homme donna un coup de baguette et toute la forêt tomba par terre. Un second coup de baguette et tout le bois fut en charbon. Puis il rentra et mangea comme un ogre.
"Tu va me ruiner, malheureux, avec un appétit pareil.
- Si tu n'es pas content, rends-moi la signature de mon père, et je m'en irai. En attendant, donne-moi de l'ouvrage, je n'ai pas peur du travail.
- J'ai deux étangs, dit le diable, dans l'un, il y a du poisson, dans l'autre il n'y a que de la boue. Tu mettras le deuxième à sec."
Le jeune homme, arrivé aux étangs, ne manqua pas de donner un coup de baguette dans l'étang où nageaient les poissons. Instantanément, l'étang fut vidé, et les poissons transportés dans l'étang de boue n'y vécurent que de brèves minutes.
Quand le diable vit tout ce bel ouvrage, ses bois rasés et calcinés, son étang complétement à sec et tous ces poissons morts, il entra dans une colère épouvantable, rendit au fils le papier paternel et le pria d'aller sans retard exercer sa malfaisance ailleurs, ce que l'autre ne se fit pas répéter deux fois, comme bien l'on pense.


L'Avare tenu enchaîné par le Diable.
(Estampe populaire du XVIIe siècle.)


Ceux que Satan tient enchaînés ont bien de la peine à lui échapper.
Il ne lâche pas plus l'avare que le mauvais riche qui a fait fortune
par des moyens déshonnêtes. La mort guette ces insensés qui
continuent à ne rien voir, absorbés qu'ils sont par leur vice.





Le dupeur dupé. Une puissance à son déclin.

Décidemment, le pouvoir du diable est en baisse. Un simple croquant lui en remontre et l'attrape comme un nigaud. Pour un gros sac d'argent, un paysan lui promet tout ce qui poussera dans son champ au-dessus de terre: l'homme sème des carottes et des navets. Pour un deuxième sac d'argent, il promet cette fois tout ce qui poussera sous le sol: il sème du blé, de l'avoine et de l'orge. Quels affronts le malheureux n'a-t-il pas déjà subi? Ses cheveux clairsemés disent ses nombreux désespoirs. Lui, le Maudit, il a de ses propres mains construit des couvents et des abbayes, entre autre celle de Crowland en Angleterre. Il a élevé des cathédrales magnifiques à la gloire de Dieu, élancé vers le ciel des flèches de pierres, arrondi les voûtes des nefs au-dessus des hauts piliers; ses doigts ont brodé des dentelles de granit et sculpté aux portails les pieux enseignements. Chacun sait de quelle monnaie on lui a payé son merveilleux plan de la cathédrale de Cologne! Eh bien! la leçon n'a pas suffi. Une seconde fois, il se laisse duper; C'est du moins ce que racontent les fileuses du pays rhénan.
Il y a bien longtemps de cela, les bourgeois d'Aix-la-Chapelle voulurent bâtir une église. Ils se cotisèrent et les ouvriers se mirent à l'ouvrage; mais au bout de six mois l'argent manqua. Il fallait un million. Le diable, qui habitait à ce moment près d'Heidenstadt, la ville des païens, apprit la chose et vint trouver le bourgmestre.
" Je vous apporte votre million, lui dit-il, si vous me promettez la première âme qui entrera dans votre église."
L'offre était tentante, et le bourgmestre accepta. Deux ans après, l'église était bâtie. Elle était bâtie, mais personne n'y voulait entrer le premier, et les bourgeois d'Aix étaient fort en peine, quand un moine eut une ingénieuse idée:
"Nous avons promis une âme, dit-il, mais nous n'avons pas dit laquelle. Jetons en pâture à Satan l'âme du loup qu'on a pris ce matin vivant. Il faudra bien qu'il s'en contente."
Le jour de la cérémonie arriva. Le Sénat et le Chapitre attendaient devant le portail, et le peuple couvrait la place. Tout à coup, à un signal donné, on ouvrit en même temps les portes de l'église et celles de la cage où était le loup. Effrayé par la foule, l'animal se précipita dans la cathédrale, où, les yeux fermés, se léchant déjà les babines, Satan attendait sa proie. Quand il sentit qu'il avalait un loup, sa colère fut terrible: il poussa des rugissements épouvantables et sortit en frappant la porte d'un si vigoureux coup de pied qu'elle se fendit du haut en bas.


L'Ecole du Diable.
(D'après une estampe populaire du XVIIe siècle.)


Pendant tout le moyen âge, le diable terrorisa les hommes. Mais
vint un moment où, las d'en avoir peur, on le représenta moins cruel
que fourbe et rusé. Son plus grand bonheur est d'encourager les défauts
et les vices de l'humanité: la paresse, l'amour du jeu, la colère.




Pauvre diable! Il n'est pas besoin pour le duper d'un Chapitre et d'un Sénat: un valet de ferme y suffit. Un jour, un laboureur dit à son domestique: "J'ai prêté autrefois cent écus au diable; va donc les lui réclamer." Le domestique part, et, dans une grande forêt, rencontre le diable qui, sans difficulté, compte l'argent. A peine le domestique a-t-il tourné les talons, que Satan appelle un de ses diablotins: "Tu vois cet homme qui s'en va. Voici cent écus et propose lui de jouer aux quilles son argent contre le tien. De la sorte, les cent écus ne vont pas tarder à rentrer dans ma bourse." Rattraper l'homme, lui proposer une partie de quilles, fut pour le diablotin l'affaire d'un instant. A lui de jouer. Du premier coup, il renverse huit quilles. Les écus du domestique étaient bien aventurés. Mais, voilà qu'au lieu de jouer, celui-ci, finaud, fait mine de jeter la boule dans la rivière. Le diable tenait à sa boule, qui était en pierres précieuses. "Holà dit-il, arrête: tu as gagné. Rends-moi ma boule." Il lui donna ses cent écus et revint tout penaud.


Le diable berçant l'empereur Napoléon 1er.

L'empereur captif, l'Europe se venge des terreurs qu'elle avait
conçues par des caricatures généralement sans esprit. On le
représente, par exemple, sous les traits d'un poupon que berce le Diable.



Bafoué, trompé, roué, Satan songe à faire sa retraite. Car la vie chez les hommes n'est vraiment plus tenable. Depuis quelques années, dans des pièces appelées petites ou grandes "diableries", on lui fait jouer un rôle humiliant de jocrisse et de paillasse, qui met le bas peuple en joie. Un seigneur tel que lui n'est pas fait pour amuser le vulgaire. Puisque son empire est méconnu, il ira vivre au milieu des forêts dans ses palais magiques, parmi l'étincellement des lumières, des émeraudes et des diamants.

Chevauchées nocturnes et meutes fantastiques.

L'âge lui a blanchi les cheveux et les sourcils, ridé le front et amaigri les jambes. Sombre et taciturne, il vit au sein des forêts profondes. Le souvenir de ses luttes inutiles et de ses déboires de corrupteur d'âmes l'emplit de honte et d'amertume. Il résolut de chasser pour se distraire. Donc il réunit une meute innombrable de chiens terribles aux yeux dorés, aux mâchoires solides comme des crampons de fer, aux jarrets en équerre comme ceux des fauves, aux griffes noires et longues. C'étaient des dogues d'Angleterre, des chiens tigres et des chiens bauds de Barbarie, des chiens de l'Inde "mordants" au lion et au taureau. Des chevaux splendidement harnachés lui vinrent de tous les pays, genêts d'Espagne ou coureurs tartares, piaffant, écumant, rongeant leur frein, toujours impatients de courses furieuses. Vêtu de noir, une plume rouge à son chapeau, une dague d'or ciselé à la hanche, sonnant avec un bruit de tonnerre dans une corne de buffle, Satan parcourt alors, dans des chevauchées fantastiques, toutes les forêts de la terre. "On entend souvent, dit le poème anglais d'Albania, à minuit ou à midi, un bruit d'abord faible, mais grossissant de plus en plus; c'est la voix des chasseurs, les aboiements des chiens et le son rauque du cor dans le lointain. Bientôt le tumulte redouble, l'air retentit  de cris plus élevés, des gémissements du cerf poursuivi et déchiré par les chiens, des acclamations des chasseurs, du trépignement produit par les pieds des chevaux, bruit répété par les échos des cavernes. Le berger tourne ses yeux égarés vers la montagne, mais il n'aperçoit aucune trace d'un être vivant."
C'est le diable qui passe, le chasseur sauvage des légendes anglaises et allemandes, le chasseur noir des contes vosgiens. Dans les forêts de la Saône, on le voit parfois monté sur un taureau ou sur un sanglier énorme, galoper  d'un train infernal; et dans la forêt de Fontainebleau les bûcherons l'aperçoivent souvent. C'est là qu'il se dresse tout à coup devant les rois et les princes et se joint à leur chasse. En 1598, il apparaît à Henri IV; le journal de son règne cette "étrange et effroyable histoire."
" Le roi, chassant dans la forêt de Fontainebleau, entendit, comme à une demi-heure de l'endroit où il était, des jappements de chiens, le cor et le cri des chasseurs, et en un moment tout ce bruit qui semblait éloigné se présenta à son oreille. Il commanda à M. le comte de Soissons de brousser et de pousser en avant pour voir ce que c'était, ne présumant pas qu'il pût y avoir des gens assez hardis pour se mêler parmi sa chasse et lui en troubler le passe-temps. Le comte de Soissons s'avançant entendit le bruit sans voir d'où il venait; un grand homme noir se présenta dans l'épaisseur des broussailles et cria d'une voix terrible: "M'entendez-vous?" et soudain disparut."



Le diable mystificateur. Le voleur désappointé.
(D'après une lithographie du commencement du XIXe siècle.


Après avoir induit le voleur en tentation, le diable, caché dans le coffre fort,
 saute à la figure de l'homme. Satan a mystifié le voleur et lui a fait
commettre une mauvaise action: le voilà content.




Une partie de chasse qui dure cent ans.

Malheur à l'imprudent qui se laisse tenter et consent à suivre la chasse du chasseur mystérieux! Il s'enchante de bruit, d'espace, de vitesse. Mais gare au réveil!
Le beau Pécopin*, fils du burgrave de Sonneck aimait la belle Bauldour, fille du sire de Falkenburg. Il s'apprêtait à l'épouser quand le comte palatin l'envoya en ambassade auprès du duc de Bourgogne; il partit en jurant à Bauldour de revenir bientôt. Mais le duc à son tour l'envoya négocier avec le roi de France; celui-ci l'envoya trouver à Grenade le miramolin des Maures et celui-ci le dépêcha auprès du calife de Bagdad.
Après avoir longtemps erré, Pécopin, revint, une nuit, aux montagnes des Vosges. Et, levant la tête, il vit devant lui un vieux seigneur, vêtu d'un magnifique habit de chasse. D'un bond, le vieux chasseur enfourcha un superbe cheval tartare, sans selle ni caparaçon. Il se mit à sonner une fanfare formidable. Pécopin sauta sur un genêt d'Espagne. La forêt alors s'emplit de lueurs extraordinaires. Une cloche fêlée sonna minuit, et, au douzième coup, les chiens, les chasseurs, les piqueurs, le vieillard et Pécopin s'élancèrent dans un galop effréné.
La forêt était immense et les clairières succédaient aux clairières. Le vent mugissait, les arbres semblaient emportés du même galop que les chasseurs, la meute hurlait, et toujours au loin, résonnait le cor du vieux seigneur. Pécopin reconnut courant à sa gauche les montagnes des basses Vosges, un moment après celles des hautes Vosges. En moins d'un quart d'heure, il eut traversé l'Alsace. Peu à peu, le brouillard se leva, et, à la clarté de la lune, Pécopin reconnut la chaînes des Cévennes, une demi-heure plus tard, en arrachant une poignée d'herbe au passage, il vit à certaines fleurs qu'il franchissait les Pyrénées. "Plutôt mourir, pensa-t-il que de m'éloigner davantage du Rhin!" et il voulut se jeter à bas de son cheval, mais les étriers serraient ses pieds comme un étau. Il ferma les yeux et se laissa emporter. La chaleur d'une nuit tropicale lui incendia le visage et les rugissements des tigres lui parvinrent. Pécopin galopait dans une forêt de l'Inde. Puis un froid terrible lui cingla la figure. Pécopin galopait parmi les mélèzes du cap Nord. Tout à coup, son cheval s'arrêta net.
Un coq chanta. L'aube commença de blanchir. Le cheval de Pécopin fondit sous lui. Tout s'évanouit, et il se trouva seul dans un ravin à la porte d'un vieux château. Il leva la tête et poussa un cri de joie. Ce château c'était le château de Falkenburg.
Il courut à la tourelle où habitait Bauldour. Un rouet ronronnait dans la chambre. Il entra. Une vieille petite femme courbée, cassée et ratatinée tenait un fuseau.
"Où est Bauldour, madame?" dit Pécopin
La petite vieille poussa un cri de joie en agitant ses mains décharnées: "O ciel, chevalier Pécopin, voilà donc votre ombre qui revient!
- Parbleu! Je ne suis pas mort. Je suis Pécopin en chair et en os, et je veux un baiser de ma chère Bauldour."
La vieille dame se précipita dans ses bras. C'était Bauldour. Hélas! Elle avait cent vingt ans et un jour. La nuit de chasse avait duré un siècle.
L'heure vint pour Satan de disparaître pour tout de bon. A ce monde qu'il avait détesté, mystifié et peuplé de ses fantômes, il adressa une dernière et affreuse grimace: il tordit sa jambe difforme autour de l'autre, puis, se dressant sur la pointe du pied, il fit une pirouette et s'enfonça dans la terre comme une vrille. Le sol, en se refermant sur lui, laissa échapper une petite lueur violette pailletée d'étincelles vertes.


Satan bafoué. Le diable chargé de trésors.
(D'après une estampe du XVIIe siècle.
)

Le mystificateur est souvent mystifié, bafoué, dupé. Cette amusante
estampe où l'on voit le diable assailli et dévalisé, nous montre que la
locution "tirer le diable par la queue" était déjà courante au XVIIe siècle.




Comme les palais de la fée Morgane qui glissaient sur les flots aux rayons roses du jour naissant, tout cet empire de la diablerie et de la magie s'est évanoui devant l'aube claire de notre âge. Celui qui terrifia tant les hommes ou les émerveilla pendant si longtemps, est allé rejoindre dans les contes de nourrices son compère Croquemitaine*. Tout juste pourrait-on retrouver sa trace à quelques locutions qui subsistent dans le langage familier: ce diable-là est celui qu'on aperçoit dans le fond d'une bourse vide, et c'est celui que nous nous plaignons à certains jours de tirer par la queue. Et c'est aussi celui que les bambins, effarés et surpris, s'amusent à voir surgir, rouge et noir, d'une boîte à surprise;

Lectures pour tous, Revue universelle, Hachette et Cie, Paris, 1901.


* Nota de Célestin Mira:


* Le beau Pécopin:





* Croquemitaine:



jeudi 27 novembre 2025

 Procédés de travail & manies des écrivains.



On est surpris de voir à quels bizarres procédés de travail ont souvent recours, à quelles servitudes baroques s'astreignent des écrivains du plus grand talent. Ils peuvent y trouver cette aide machinale qui nous vient de l'habitude. Mais ayons soin de ne pas confondre avec ces manies plus ou moins inoffensives, certaines habitudes déplorables qui dégénèrent en vices et qui, bien loin d'être une source d'inspiration, sont au contraire la ruine du talent; et n'oublions jamais que la régularité d'un travail opiniâtre et méthodique est la meilleure condition d'une production abondante, l'auxiliaire indispensable au génie lui-même.


Nous venons de lire un livre qui nous a charmés, d'assister à la représentation d'un drame qui nous a émus. Comment ce livre a-t-il été écrit? Comment ce drame a-t-il été composé? Nous somme curieux de le savoir. Nous aimerions à surprendre l'écrivain au moment où il travaille, à nous pencher sur la table où il est accoudé, pour lire à mesure les lignes qu'il trace.


Une lecture chez Diderot.
D'après le tableau de Meissonier.


Tandis que la plupart des écrivains ne peuvent travailler que seuls
et dans le silence du cabinet, Diderot "parlait" ses livres avant de
 les écrire et les lisait à ses amis avant de les publier. Une de ces
réunions où Diderot donne à quelques privilégiés la primeur
d'une œuvre ébauchée, tel est le sujet qu'a représenté dans ce
 tableau fameux le célèbre peintre Meissonier.
( Collection de M. le baron de Rothschild.)




En effet il n'en est presque pas un, parmi les écrivains les plus richement doués, qui n'ait sa méthode, ses habitudes, ses manies. Tel ne peut écrire que dans certaines conditions où justement son voisin ne pourrait aligner deux phrases. Celui-ci n'a toute la liberté de son esprit que le matin, et cet autre a besoin du silence et de la solitude de la nuit. Il y a plus. Vous pouvez en croire un écrivain s'il vient vous dire qu'il n'écrit que sur un certain papier d'une dimension comme d'une pâte déterminée, avec des plumes, une encre, qui parfois n'ont d'autre particularité que d'être ses plumes et son encre. Mettez-le dans le cadre qui lui est ordinaire, donnez-lui ses outils familiers, il travaillera avec allégresse et facilité. Changez quoi que ce soit à ces accessoires indispensables, le voilà malheureux, gêné, réduit à l'impuissance. Bizarreries! direz-vous, puérilités! Cela est possible, mais telle est, en effet, la nature de l'habitude.
Comme l'a dit Sully Prudhomme,

L'habitude est une étrangère
Que supplante en nous la raison.
C'est une ancienne ménagère
Qui s'installe dans la maison...

Mais imprudent qui s'abandonne
A son joug une fois porté!
Cette vieille au pas monotone
Endort la jeune liberté.

C'est ainsi qu'on peut devenir tout à tour une aide ou un obstacle. Satisfaite, elle facilite le travail de l'auteur, et pour ainsi dire en exécute une partie grâce à l'activité inconsciente qu'elle crée en nous. Contrariée, elle empêche l'écrivain de rien produire. Elle est tout ensemble pour lui une servante et un tyran.

Les écrivains d'autrefois se dérobent à notre curiosité.

Sur les écrivains d'autrefois, sur nos grands maîtres classiques du XVIIe siècle, nous n'avons que fort peu de détails de ce genre. Ils mettaient une sorte de coquetterie à cacher leurs procédés de travail. Ils pensaient, avec une réserve délicate, que l'œuvre seule importe au public, et qu'il n'a pas à savoir comment elle a été exécutée. Nous les louons sans doute de cette noble fierté, où si l'on veut,  de cette modestie. Mais notre curiosité n'y trouve pas son compte.


Molière et sa servante.
Gravure de Ledoux.


Les renseignements que nous avons sur la façon de travailler
des écrivains d'autrefois sont peu nombreux et peu sûrs. une tradition,
 ou une légende, veut que Molière, avant de livrer ses comédies en public,
avait coutume de les lire à sa servante, la vieille Laforêt.



Pour les écrivains du XVIIIe siècle, nous sommes déjà mieux renseignés.
Voltaire*, esprit universel, aussi étonnant pour la souplesse que pour la fécondité de son génie, a dans son cabinet plusieurs pupitres sur lesquels sont placés les manuscrits commencés des diverses œuvres qu'il mène de front; sur l'un une tragédie, sur l'autre une œuvre historique, sur un troisième un conte. Il va de l'un à l'autre, travaillant à peu près une heure à chacun.


Voltaire au travail.

D'après une maquette en bois conservé au musée Carnavalet.



Voltaire est un mondain: il aime l'élégance, le luxe, les beaux meubles, le décor de la richesse. Jean-Jacques Rousseau* est un sauvage. Amant et peintre de la nature, il a besoin pour écrire que ses yeux se reposent sur un cadre champêtre. Il disait que la forêt de Montmorency y était son cabinet de travail. Le voici obligé de s'installer à Paris. Il habite au quatrième étage, rue de la Plâtrerie*, une seule pièce qui sert de chambre à coucher, de salle à manger et de cabinet de travail: un lit à rideaux commun, un fourneau de cuisine, entourent sa table à écrire. Là, Rousseau, vêtu d'une robe d'indienne et coiffé d'un bonnet de coton, écrit, joue de l'épinette, écume le pot qui bout à côté de son encrier. Devant ses yeux, un plan en couleur de la forêt de Montmorency, une cage peuplée de serins, quelques fleurs installées sur la fenêtre, simulent tant bien que mal un décor champêtre.
Il y a des écrivains pareils à des écoliers, toujours prêts à s'échapper et qui ne travaillent qu'à condition d'être enfermés. Le poète Delille* était de ceux-là. Sa femme, bonne ménagère, attentive au gain, le savait. C'est pourquoi elle mettait son mari littéralement sous clef.


Delille dictant des vers à sa femme.

Jugeant que la poésie vaut de l'argent, la femme de Delille enfermait
 son mari pour le forcer à travailler; quelquefois, même, pour mieux
surveiller le captif, elle s'improvisait une secrétaire.
 (Gravure de Laugier.)



Un jour, deux des amis de ce dernier vont lui faire visite. Ils sonnent, ils appellent, la porte reste close. Enfin la voix de Delille s'informe et annonce piteusement:
"Ma femme est sortie, elle m'a enfermé pour que je travaille. Attendez un peu, elle va rentrer."
Bientôt apparaît Mme Delille, revenant du marché, un énorme panier sous le bras. Elle introduit sans bonne grâce les deux visiteurs; on parle littérature, on dit des vers, et Delille commence à réciter une tirade de la Phèdre de Racine. Sa femme se précipite et l'interrompt:
" Prenez garde, ne dites pas vos vers comme ça! on peut les retenir et vous les prendre..."
Dès que les visiteurs sont partis, Mme Delille fait asseoir son mari, lui met une plume entre les mains:
"Allons, monsieur Delille, il s'agit maintenant de rattraper tout ce temps perdu.
- Mais j'ai travaillé pendant votre absence;
-Eh bien! travaillez encore un peu. Vous savez que chacun de vos vers représente à peu près cinq francs. Vous pouvez bien travailler pour quarante francs avant déjeuner..."

Un forçat de travail.

Au contraire de ce que nous venons d'observer pour les écrivains d'autrefois, nous sommes renseignés abondamment et minutieusement sur les procédés de travail des écrivains du XIXe siècle. Ceux-ci, très soucieux, pour la plupart de publicité, n'ont rien négligé pour se mettre en scène. Nous connaissons la préparation de leurs ouvrages, les dessous de leur talent, leurs manies et leurs tics.
A ce point de vue, aucun ne s'impose à l'attention d'une façon plus frappante que Balzac. Il lui a suffit de quelques années pour écrire la Comédie humaine. Mais, pour réaliser ce tour de force, quel prodige, quelle débauche de travail! Aux exigences de ce labeur, de ces "travaux forcés", Balzac subordonne tout le reste de sa vie; il y plie bon gré, mal gré, son corps et se fabrique une hygiène spéciale.


Balzac.
D'après une caricature de Benjamin.


L'auteur de la Comédie humaine s'enveloppait dans un froc
de moine et travaillait douze heures consécutives, ne s'arrêtant
 que quand il était épuisé par son labeur acharné.



Chaque soir, à six heures, après avoir pris son repas, et comme il dit "son dîner dans le bec" il se couche. A minuit, il se lève, s'enveloppe du froc de moine qui lui sert de robe de chambre, avale un grand bol de café, et, à la clarté d'un flambeau à sept bougies, travaille, travaille sans s'arrêter jusqu'à midi. A mesure qu'il écrit, il jette chacun de ses feuillet derrière lui sans les relire et sans les numéroter. 
A midi, son domestique entre pour lui apporter son déjeuner, ramasse les feuilles éparses et les porte chez l'imprimeur.
Terrible pour l'auteur, la méthode de composition de Balzac ne l'était pas moins pour l'imprimeur. En effet, son roman, tel qu'il l'envoyait en manuscrit, n'était guère qu'une ébauche. il le revoyait, le complétait, le refaisait entièrement sur les "épreuves". Aussi les épreuves si chargées de Balzac sont-elles dans le monde où l'on imprime, célèbres à la manière d'un cauchemar.
Voici quel était, suivant la description qu'en donne Théophile Gautier, l'aspect de ces épreuves: "Des lignes partant du commencement, du milieu ou de la fin des phrases se dirigeaient vers les marges, à droite, à gauche, en haut, en bas, conduisant à des développements, à des intercalations, à des incises, à des épithètes, à des adverbes. Au bout de quelques heures de travail, on eût dit le bouquet d'un feu d'artifice dessiné par un enfant. Du texte primitif partait des fusées de style qui éclataient de toutes parts. Puis, c'étaient des croix simples, des croix recroisetées comme celle du blason, des étoiles, des soleils, des chiffres arabes ou romains, des lettres grecques ou françaises, tous les signes imaginables de renvoi qui venaient se mêler aux rayures. Des bandes de papier collées avec des pains à cacheter, piqués avec des épingles s'ajoutaient aux marges insuffisantes, zébrées de lignes en caractères fins pour ménager la place et pleines elles-mêmes de rayures, car la correction à peine faite était déjà corrigée."
Ce labeur colossal permit à Balzac d'édifier en peu de temps un des plus solides monuments de notre littérature. Mais l'œuvre tua l'ouvrier. Balzac mourut à cinquante ans littéralement victime de ses excès de travail*.

La maladie du scrupule et les affres du style.

Le métier d'écrire ainsi compris est sans doute un des plus rudes qui soient. Il a été plus pénible encore pour un autre écrivain, Gustave Flaubert*. Ce qui caractérise celui-ci, ce n'est pas, comme pour Balzac, l'énormité de la production: au contraire, il a peu produit, étant de ces écrivains difficiles pour eux-mêmes, qui n'arrivent jamais à se satisfaire et qui sont sans cesse arrêtés et désespérés par la différence entre l'idéal qu'ils se proposaient et l'œuvre réalisée.
Flaubert restait presque toute l'année dans sa propriété de Croisset, près de Rouen, et passait presque tout son temps dans son cabinet de travail.
Par les nuits d'été, les fenêtres du cabinet restaient ouvertes et le silence n'était troublé que par la rumeur lointaine de la seine qui coulait au bas du coteau. Vêtu d'un large pantalon noué à la ceinture par une cordelière de soie et d'une longue houppelande de drap marron qui lui tombait jusqu'aux talons, Flaubert était assis dans son fauteuil de chêne à haut dossier, la tête rentrée entre ses fortes épaules, penché sur sa feuille de papier. " Sa figure rouge, que coupait une forte moustache blanche aux bouts tombants, se gonflait sous un afflux furieux de sang, écrit Guy de Maupassant. Son regard ombragé de grands cils sombres courait sur les lignes, fouillant les mots, chavirant les phrases, consultant la physionomie des lettres assemblées, épiant l'effet comme un chasseur à l'affût. Puis il se mettait à écrire lentement, s'arrêtant sans cesse, recommençant, raturant, surchargeant, emplissant les marges, traçant des mots en travers, noircissant vingt pages pour en achever une et, sous l'effort de sa pensée, geignant comme un scieur de long."
Quand après mille hésitations, Flaubert avait enfin achevé une phrase, il prenait la feuille de papier, l'élevait à la hauteur de ses yeux, la parcourait rapidement, puis se levait et, arpentant à grands pas son cabinet, déclamait sa prose d'une voix haute et mordante, scandait les syllabes. C'est ce qu'il appelait faire passer la phrase par son gueuloir. Il retournait ensuite à sa table, corrigeait ce qui avait choqué son oreille dans la musique des mots, et recommençait une autre phrase, toujours torturé, toujours gémissant.
Il a lui-même maintes fois comparé les tortures de ce travail à celles de l'agonie. Il a souffert des "affres" du style.

Fleuves d'encre et nappes de prose.

A ces forçats du travail on peut opposer des écrivains dont l'immense fécondité n'a, du moins en apparence, jamais connu l'effort.


Eugène Scribe. 
D'après une caricature de Benjamin.


L'artiste a représenté le fécond dramaturge Scribe comme un bon
commerçant qui tient en réserve dans ses tiroirs tout ce dont
il a besoin pour alimenter son industrie: scènes, coups de théâtre,
bons mots, et fait soigneusement le compte de ses gains et bénéfices.



Telle était l'inépuisable romancière George Sand*. Elle avait passé la journée, parlant peu, agissant moins, comme absente de la vie réelle, et ruminant dans sa têtes les belles histoires qui se passaient dans le monde imaginaire créé par elle. Le soir, après le dîner, à huit heures, elle s'asseyait devant sa table de travail. Elle y trouvait une abondante provision de feuilles de papier toujours coupées suivant une mesure uniforme, et se mettait à écrire. Elle reprenait le roman qu'elle était en train de composer au point exact où elle l'avait laissé la veille, et, sans une hésitation, continuait à le rédiger. Elle travaillait ainsi jusqu'à quatre heures du matin. Un roman se terminait-il au cours de cette période de huit heures? Elle pliait le manuscrit pour l'envoyer le lendemain à la Revue des Deux Mondes et se mettait tranquillement à en rédiger un autre.
Cette aisance avec laquelle George Sand a écrit des milliers de pages se retrouve chez Théophile Gautier*. Chargé de feuilleton théâtral à la Presse, il écrivait sur le coin d'une table dans l'atelier d'imprimerie du journal, parmi le ronflement des machines, le va-et-vient des ouvriers affairés. Sans faire de plan préalable, sans ratures ni correction d'aucune sorte, il jetait son feuilleton d'un seul bloc sur le papier,  qu'il couvrait de son écriture empâtée et où les mots n'étaient séparés par aucune ponctuation.


Ponson du Terrail.
D'après une caricature d'André Gill.


 Le spirituel caricaturiste a représenté le père de Rocambole écrivant
 avec trois mains trois romans différents, tandis qu'une quatrième
plume marche d'elle-même sous la seule influence de la verve de l'auteur.



Il est inévitable que des procédés de travail si caractéristiques et si différents influent sur l'œuvre elle-même: de là vient justement l'intérêt que nous avons à les connaître. L'âpreté du labeur de Balzac se retrouve dans la puissance d'évocation de ses pages, dans l'accumulation des détails qui souvent rendent le style touffu, pénible. Les infinis scrupules de Flaubert aboutissent à rendre chez lui l'expression d'une justesse parfaite. La facilité de George Sand se retrouve dans son style coulant comme un fleuve qui serait un fleuve de lait. Théophile Gautier écrit si aisément, parce qu'il a un remarquable sentiment de la phrase française et de sa correction. "L'important, disait-il, est d'avoir une bonne syntaxe: ma phrase est comme les chats, qui retombent toujours sur leurs pattes."

Peut-on stimuler artificiellement l'imagination?

Y-a-t-il des moyens d'activer la production, de stimuler l'imagination? L'un de ces moyens consiste pour beaucoup d'écrivains à travailler la nuit: l'insomnie et la fièvre qu'elle provoque surexcitent les nerfs.
Quelques-uns ont poussé cette superstition du travail nocturne jusqu'à se donner en plein jour l'illusion de la nuit: Musset* se plaisait à composer ses vers, les rideaux des fenêtres tirés et les bougies allumées, bien qu'il fit grand jour; déjà, au XVIIe siècle, s'il faut en croire la chronique, le poète tragique Crébillon se livrait à pareille excentricité.
La musique peut, on le comprend, être une utile inspiratrice, suscitant chez celui qui l'écoute tout un monde de sentiments et d'émotions, elle contribue à mettre l'imagination en activité. Tel était le cas pour Alexandre Dumas fils*, qui aimait à entendre du piano tandis qu'il écrivait ses comédies, tout au rebours de Théophile Gautier qui définissait la musique: "le plus désagréable et le plus cher de tous les bruits".


Alexandre Dumas Fils.
D'après le portrait peint par Meissonier.


Alexandre Dumas fils, avant de jeter un seul mot sur le papier,
composait entièrement dans sa tête, chacune de ses comédies.
Il pouvait s'approprier le mot de Racine, disant d'une de ses pièces:
"Je n'ai plus qu'à l'écrire."



Mais les stimulants dont les écrivains font usage ne sont pas toujours aussi immatériels. Si Dumas Père se contentait de lamper un verre de limonade, Balzac faisait une effroyable consommation de café; beaucoup usent et abusent du tabac. 


Alexandre Dumas père.

L'imagination si variée de Dumas père lui rendait entre autres
services, celui de le fournir abondamment d'impressions de voyage.
C'est cette fécondité qu'a signalée avec esprit l'auteur de cette caricature.



Chez George Sand, ce besoin de fumer était si puissant que, suivant Théodore de Banville, elle cessait d'être intelligente si elle était privée de tabac.
Hélas! pourquoi faut-il rappeler que Musset cherchait dans l'absinthe une inspiration qui, à cause de cela même, lui échappait davantage?
Que de tristesse dans les dernières années de cette vie de poète, naguère si brillante et si féconde, presque uniquement occupée maintenant par le désir incessant de noyer au fond d'un verre l'âpre souci d'une impuissance trop consciente d'elle-même!

Ecrivains bohèmes et poètes de cabaret.

Chez plus d'un écrivain heureusement doué, l'abus des excitants, joint à l'irrégularité de la vie, tarit de bonne heure la fécondité. C'est le cas de tous les bohèmes plus ou moins alcooliques qui sont légion dans la littérature.
Gérard de Nerval* griffonnait des notes au crayon sur des bouts de papier qu'il enfouissait dans ses poches. "L'instant venu de donner à l'imprimerie la page promise, raconte Mme Arvède Barine dans son livre Névrosés, il fallait bien se décider à débrouiller ce chaos. On voyait alors "le bon Gérard" dans les bureaux d'un journal. Il tirait de ses poches une petite bouteille d'encre, des plumes, des bouchons de papier couverts de notes, toute une bibliothèque de livres et de brochures, et se mettait en devoir d'écrire. Il travaillait avec acharnement jusqu'à ce que l'arrivée de quelque connaissance le forçât de prendre la fuite. De là, il entrait au café d'Orsay, s'installait à une table isolée et déployait tout son matériel. A peine avait-il écrit quelques lignes, qu'un ami se dressait devant lui et entamait une longue conversation. Gérard reprenait son mobilier de poche et partait. De déballage en déballage, il arrivait au fond de son article ou de sa nouvelle toujours à la dernière minute."
Aussi irrégulière et bizarre était la façon de procéder de Villiers de l'Isle-Adam*. L'auteur des Contes cruels ne rentrait jamais se coucher avant l'aube et ne se réveillait guère qu'à midi. Il avalait une tasse de bouillon, puis se mettait au travail sans se lever. Assis dans son lit, soutenu par plusieurs oreillers, il écrivait au crayon jusqu'à six heures du soir, c'est à dire jusqu'au moment où il se levait pour aller passer sa nuit dans quelque cabaret de Montmartre ou des Halles.
Plus attristante encore est l'image du poète Verlaine* vagabondant à travers les cabarets du Paris nocturne. 


Paul Verlaine au café.
D'après une photographie.


C'est au café, attablé devant un verre d'absinthe, que Verlaine
attendait le plus souvent l'inspiration. Lui aussi, il gaspilla d'heureux
 dons naturels qu'une vie régulière et un travail soutenu eussent pu
 développer pour le plus grand bien de l'œuvre et de la réputation du poète.



M. Maurice Spronk se souvient de l'avoir aperçu attablé dans un café peu fréquenté de la rive gauche. Il reconnut le poète dans ce vagabond pitoyable à tête de "faune vicieux". Il avait devant lui, avec du papier blanc, son encrier d'un côté, son verre d'absinthe de l'autre. "Parfois, il griffonnait hâtivement quelques lignes en murmurant des paroles inintelligibles; puis, brusquement, il trempait sa plume dans son verre, la rejetait sur la table d'un geste de dépit, se frottait les mains ou les agitait avec un tremblement de malade, riait d'un rire muet qui accentuait encore les reliefs inquiétants de sa physionomie tourmentée; puis soudain, il avalait une gorgée de son breuvage et reprenait sa besogne, ne voyant rien autour de lui, toujours trépidant, toujours convulsif, comme secoué par une sorte de fièvre dont on n'aurait trop pu dire si elle était la conséquence de la folie ou de l'alcool."
A ses moments de lucidité, Verlaine déplorait sa faiblesse et s'adressait les pires injures, ce qui d'ailleurs ne l'empêchait pas de recommencer. 
Au contraire, Hoffmann*, le fameux auteur des Contes fantastiques, était fier de son vice; ou, pour mieux dire, l'ébriété, à ses yeux, n'était pas un vice, mais vraiment un procédé de travail faisant partie des nécessités du métier pour l'artiste et pour l'écrivain.
Fort de ce principe, Hoffmann descend au détail, et construit savamment la gamme des excitants. Il parle en docteur:" Je recommanderais, pour la musique d'église, les vieux vins de France ou du Rhin; pour l'opéra sérieux, le meilleur Bourgogne; pour l'opéra-comique, le champagne; pour les canzonnetas, les vins chaleureux d'Italie; et enfin, pour une composition éminemment romantique comme de Don Juan, un verre modéré de la boisson issue du combat entre les salamandres et les gnomes;"
C'est le punch qu'il veut dire, le punch fait de l'alcool enflammé qui dévore les esprits de sucre.
Les théories d'Hoffmann eurent sur leur auteur même leur effet immédiat et immanquable; elles le conduisirent à la paralysie suivie d'une mort prématurée.

La régularité, véritable secret du travail fécond.

Le cas de ces écrivains chez qui des dons remarquables ont été stérilisés par le désordre et l'excentricité de leur vie est déjà bien significatif. Il nous donne à deviner que la régularité, la suite patiente, l'opiniâtreté calme, sont encore les plus sûres garanties d'un travail fécond. Et c'est en effet ce que prouve avec éclat l'exemple de presque tous les grands écrivains qui nous étonnent par l'abondance de leur production tant que nous n'en avons pas découvert le secret.


Renan dans son cabinet de travail.
D'après un dessin de Renouard.


Le dessinateur a surpris, dans une attitude vivante et familière;
assis devant son bureau encombré de livres, l'auteur de la
Prière sur l'Acropole, qui fut l'un des partisans les plus convaincus
du travail régulier et persévérant.



Buffon*, pour se mettre au travail, se parait-il de ces fameuses manchettes de dentelle que lui attribue la légende? Ce n'est rien moins sûr. Ce qui l'est davantage, c'est qu'on le voyait chaque matin, à cinq heures exactement, sortir de sa maison, traverser son parc, et s'acheminer vers sa salle d'étude installée dans une vieille tour au fond du jardin. Là, il commençait à dicter à son secrétaire. A neuf heures, son valet de chambre venait l'accommoder et le coiffer, sans qu'il ne cessât un instant la dictée.


Jules Janin.

On prétend que Buffon ne pouvait se mettre au travail sans
ses manchettes de dentelle. De même, Jules Janin, à en croire
ce croquis satirique, était incapable de prendre une plume
s'il n'avait pas son bonnet de nuit sur la tête.



Goethe* consacrait au travail toutes les matinées invariablement. Dickens écrivait chaque matin trois pages, pas une de plus. Trois pages par jour, cela fait au bout de l'année plusieurs volumes; au bout d'une vie, cela fait une bibliothèque.
Victor Hugo* est chez nous le type de ces travailleurs au labeur uniforme et inlassable. Levé à cinq heures, il se mettait immédiatement à sa tâche. Il écrivait debout sur un bureau élevé, placé dans sa chambre à coucher, près de la fenêtre. 


Victor Hugo au travail.
D'après un tableau de Régamey.


Ponctuel autant qu'infatigable, l'auteur d'Hernani se mettait
tous les matins au travail à cinq heures. Il écrivait chaque jour
le même nombre de vers: quatre-vingt environ.
(Cliché Braün).



Une marge ample et régulière encadrait ses vers tracés sur papier de grand format avec une plume d'oie, d'une écriture fortement empâtée, nette et virile. De même que Dickens rédigeait toujours trois pages, Hugo écrivait chaque jours à peu près le même nombre de vers, quatre-vingt environ.
Durant toute sa carrière, Victor Hugo travailla avec cette même exactitude et ce même calme. Obligé de livrer à une date rapprochée le manuscrit de Notre-Dame de Paris, voici comment il procéda. "Il s'acheta, nous rapporte le "Témoin de sa vie", une bouteille d'encre et un gros tricot de laine grise qui l'enveloppait du cou à l'orteil, mit ses habits sous clefs pour n'avoir pas la tentation de sortir, et entra dans son roman comme dans une prison. Il était fort triste.
" Dès lors, il ne quitta plus sa table que pour manger et pour dormir. Sa seule distraction était une heure de causerie après dîner avec quelques amis qui venaient et auxquels il lisait parfois ses pages de la journée."
Mais, ce qui est admirable, c'est que "dès les premiers chapitres, sa tristesse était partie; sa création s'était emparée de lui, il ne sentait ni la fatigue, ni le froid de l'hiver qui était venu; en décembre, il travaillait les fenêtres ouvertes. Le 14 janvier, le livre était fini, et la bouteille d'encre aussi: il était arrivé en même temps à la dernière ligne et à la dernière goutte."
Telle est, en effet, la vérité. Ces procédés parfois bizarres des écrivains, ces tics et ses manies ne nous surprennent pas, et nous ne songeons pas à les leur reprocher, l'homme étant un être d'habitude. Mais ce qui fait les grands écrivains, ce ne sont ni les manies, ni les travers, ni les excès: au contraire, leurs excès, leurs travers et leurs manies sont ce qu'il y a en eux de plus facile à imiter. Tout le monde peut abuser du café comme Balzac, ou, plus dangereusement de l'alcool comme Musset, faire du jour la nuit et de la nuit le jour, écrire debout comme Hugo, ou couché comme Rousseau. Ce qui est plus difficile, c'est d'avoir l'éloquence de Rousseau, la puissance verbale comme Victor Hugo, la vision de Balzac, l'imagination de George Sand. En définitive, veut-on savoir la recette pour faire de belles œuvres? Supposons d'abord le don naturel, sans lequel on a rien à espérer: pour développer ce don naturel et lui faire produire tous ses fruits, le meilleur, le plus utile, le seul infaillible des procédés de travail est... le travail.

Lectures pour tous, Hachette et Co, Paris, 1901.


*Nota de Célestin Mira:


* Rue de la Plâtrerie; Le rue de la Plâtrerie, devenue rue Plâtrière, puis à la Révolution rue Jean-Jacques Rousseau est une rue du 1er arrondissement de Paris.





* Voltaire:





* Jean-Jacques Rousseau:






* Delille:



Jacques Delille, poète.



* Balzac:



Balzac, l'entomologiste, par Gustave Doré, 1855.


* Gustave Flaubert:



Gustave Flaubert disséquant un cœur de femme suite à la parution
de l'Education sentimentale.


* George Sand:



George Sand. Alcide Joseph Lorentz- 1840



* Théophile Gautier:



Théophile Gautier, par Gill.



* Musset:



Alfred de Musset en 1854 caricaturé par Nadar.



Alfred de Musset et George Sand sur un bateau entre Marseille et Gènes.
Le dessin est de Musset, il se représente en train de vomir pendant que
 George Sand fume le cigare
.


* Alexandre Dumas Fils:





* Gérard de Nerval:


Gérard de Nerval par Nadar.



* Villiers de l'Isle-Adam:





* Verlaine:





* Hoffmann:



Ernst, Theodor, Amadeus Hoffmann, auto-portrait.


* Buffon:


Comte de Buffon.


* Goethe:



Johann Wolfgang von Goethe.


* Victor Hugo: