L'ouvrier rendu à la vie de famille.
Les habitations à bon marché, en France et à l'étranger.
Dans une époque comme la nôtre qui se fait justement honneur de se passionner pour tout ce qui touche aux intérêts matériels et moraux de la classe ouvrière, une question prime toutes les autres, celle d'assurer aux plus humbles un logement salubre et confortable. Tandis que dans une habitation malsaine et trop petite, les travailleurs contractent le germe des maladies et parfois les vices dus à une promiscuité inévitable, ils peuvent, dans de meilleures conditions d'hygiène, prendre des habitudes salutaires dont dépendent pour eux et la santé physique et la régularité de la vie de famille. L'intérêt de l'ouvrier est donc évident; de leur côté, beaucoup de grands industriels ont compris que construire des logements ouvriers dont le rapport constitue une faible mais suffisante rémunération des capitaux engagés, est un des meilleurs moyens d'assurer le bien-être du personnel qu'ils emploient et d'amener la paix et l'entente sociale.
Parmi les questions qui préoccupent aujourd'hui l'opinion publique, celle qui touche à l'amélioration du logement des classes laborieuses est l'une des plus importantes. Ce n'est pas seulement le bien-être et la santé physique d'une part considérable de la population qui en dépend, mais encore et surtout son progrès moral et social. Que peut être la vie de famille quand le logement qui abrite le foyer est délabré et repoussant? Au lieu de rentrer chez lui, la journée de travail finie, le père prend le chemin du cabaret; la mère découragée l'y suit, et les enfants abandonnés se trouvent exposés aux pires promiscuités de la rue. C'est l'origine de toutes les déchéances.
De misérables taudis où logent des familles entières.
On ne peut songer sans horreur au délabrement et à la misère de ces habitations où grouillent pêle-mêle, entassés, parqués les uns sur les autres, des êtres humains. Où trouve-t-on ces navrants "châteaux de misère"? A Paris d'abord on les compte par milliers. Il existe, boulevard de la Gare, une cité constituée de deux rangées d'habitations à un étage donnant sur une allée de trois mètres de largeur: chaque logement, au rez-de-chaussée comme au premier étage, se compose d'une seule pièce, quels que soient le nombre, le sexe et l'âge des locataires qui l'habitent, la profession qu'ils exercent. Au rez-de-chaussée, les chambres obscures sont de véritables caves. Les murs sont visqueux, les plafonds noirs, les vitres remplacées tantôt par des lambeaux de toile, tantôt par des planches ou des feuilles de zinc; l'humidité suinte des murs et du sol.
La population qui habitent ces taudis porte l'empreinte de l'insalubrité des locaux où elle végète. Les enfants sont anémiques, rachitiques. Dans plusieurs de ces logements, des malades sont étendus sur des grabats. Plus des deux tiers des locataires n'ont pas de lit ou le partage avec cinq ou six personnes.
M. Picot, qui s'est occupé depuis longtemps de la question des habitations ouvrières, a vu, faubourg Saint-Martin, une chambre habitée par quatorze personnes: les deux grands parents, le père, la mère et dix enfants! Place Pinel s'élève une maison construite avec des planches de parquet de rebut, le tout tenu dans un état d'équilibre à peu près stable. Les cabines du rez-de-chaussée sont de véritables cellules sans fenêtres, où l'air et le jour n'arrivent que lorsque la porte est ouverte; pas de poêle ni de cheminée; il n'y a que juste la place du grabat qui y est installé. dans une cellule un peu plus vaste, il y a deux grabats pour les six personnes qui habitent la "chambre": un enfant malade occupe un grabat, le mari est dans l'autre; la femme et les autres enfants sont anémiques, scrofuleux.
Il va sans dire que Paris n'a pas le privilège de ces taudis. Des bouges plus infects peut-être déshonorent Londres, Vienne, Berlin et toutes les grandes villes de l'Europe. Partout le même spectacle désolant: des familles logées dans une pièce sans jour et sans air; un seul lit servant à trois ou quatre personnes, les parents couchés auprès de l'enfant malade, parfois de l'enfant mort et dont le cadavre est déjà refroidi.
S'il en est ainsi dans les capitales, on voudrait croire que la situation doit être moins atroce en province. Il n'en est rien.
M. Landrin, qui a visité à Lyon un grand nombre de maisons ouvrières à la Croix-Rousse, aux Brotteaux, à Saint-Just, nous parle de la saleté repoussante de ces maisons où des familles couchent dans les soupentes. A Lille, il n'y a pas bien longtemps, une partie de la population ouvrière logeait dans des caves. Pour Nancy, pour dix autres villes, ce sont les mêmes constatations se répétant avec la même monotonie navrante.
D'après une enquête du Pr Pistor, dans les districts industriels de la Westphalie, de la Prusse Rhénane, de la Silésie, les familles ouvrières prennent souvent des locataires. Il n'est pas rare alors de voir des sous-locataires coucher dans la même pièce que la famille qui les loge, lors même que celle-ci compte de grandes filles au nombre de ses enfants. Certaines familles logent de six à huit locataires qu'elles mettent coucher tantôt avec elle dans leur seule pièce, qui est petite, basse, sordide, tantôt dans une misérable cave, tantôt enfin dans un galetas situé sous les combles.
En Angleterre, M Bertillon a vu à Glasgow d'épouvantables taudis qui dépassent en horreur tout ce qui existe de pis à Paris. Il n'y avait ni air, ni lumière, et une effroyable odeur de déjections humaines remplissaient ces tristes maisons.
Il est certain que tous les ouvriers n'habitent pas dans de pareils taudis; il suffit que beaucoup y habitent. A Paris, sur 315 000 chambres uniques, habitées par 505 000 personnes, 11 000 servent à l'abri de six à dix personnes ou même plus. D'après une statistique de M. Hector Denis, à Bruxelles, sur 100 ménages, 49 environ vivent dans une seule pièce, chambre, cave ou mansarde. Sur 36 747 ménages ouvriers belges, M. Denis n'en compte pas moins de 13 733 (représentant plus de 50 000 habitants) qui n'occupent qu'une seule pièce et qui sont logés dans des conditions manifestement contraire à l'hygiène*.
Le manque d'air respirable y abrège la vie.
Quelles terribles conséquences va avoir l'insalubrité de pareils logements dans la propagation des maladies!
D'abord on soufre du manque d'air. dans la chambre où, portes et fenêtres closes, père, mère, enfants se sont endormis, l'air est en quantité insuffisante. Aujourd'hui, dans les constructions modernes, la quantité d'air par individu est évaluée, d'après les exigences de l'hygiène, à 35 mètres cubes dans les hôpitaux, à 22 dans les prisons, à 13 dans les asiles de nuit, à 10 dans les habitations à bon marché. Dans une de ces chambres habitées par une famille, comprenant seulement cinq personnes, et souvent la famille est beaucoup plus nombreuse, la quantité d'air dont dispose chacun atteindra à peine 3 ou 4 mètres cubes. Un malfaiteur est mieux partagé à cet égard dans sa prison que notre ouvrier dans sa chambre!
L'air, étant en quantité insuffisante, devient très rapidement de mauvaise qualité. En étudiant la composition de l'air dans ces logements encombrés, on a trouvé que la sixième partie de cet air est de l'air expiré, c'est à dire que de l'air qui a déjà passé par les poumons, qui a déjà été respiré. Or, pour être vivifiant, l'air, nous disent les médecins, ne doit pas contenir plus d'une centième partie d'air ayant déjà servi à la respiration.
Un médecin hongrois, M. Korôsi a pu prouver, chiffres en main, que la durée de vie est notablement abrégée dans les logements encombrés et est d'autant moins longue que l'encombrement est plus grand. Il a notamment trouvé que la durée moyenne de la vie est de 47 ans chez les personnes qui logent seules ou à deux dans une chambre. Chez les personnes qui vivent trois, quatre ou cinq dans la même chambre, cette durée n'est plus que de 39 ans. Enfin, les personnes qui occupent à dix la même chambre, ce qui n'est pas rare, ne vivent pas, en moyenne, plus de 32 ans!
Les maladies deviennent, dans les logements trop petits d'implacables fléaux.
Supposez que dans ces milieux encombrés une maladie contagieuse se déclare, avec quelle rapidité elle va se propager d'un habitant à l'autre, d'un logement à l'autre, d'une maison à l'autre! La fièvre typhoïde, la diphtérie, la rougeole, la variole, etc. prennent ainsi le caractère d'une épidémie. Ajoutez que chaque personne malade étant affaiblie par les déplorables conditions de sa vie, et peu résistante, les maladies deviennent promptement très graves et se terminent souvent par la mort.
De toutes ces maladies celle qui fait aussitôt les plus effroyables progrès, c'est la tuberculose.
Nous avons montré, dans un récent article de Lectures pour Tous, que la tuberculose se propage par les crachats desséchés et frappe surtout les organismes affaiblis. Or, imaginons que, dans un logement encombré, quelqu'un devienne tuberculeux, ses crachats desséchés se trouvent partout sur le parquet, la literie, les vêtements, et les bacilles meurtriers qui voltigent dans l'air avec la poussière vont pénétrer dans les poumons de tous ceux qui vivent à côté du malade.
Ainsi, à Paris, sur 10 000 habitants les quartiers largement aérés, 15 meurent tous les ans de tuberculose; dans les quartiers où est entassée la population ouvrière, cette mortalité est dix fois plus grande! A Nancy, la mortalité par tuberculose est de 2 pour 1000 dans la rue Saint-Jean où il n'y que des appartements confortables et sains; cette mortalité est par contre de 12 pour 1000 dans la rue Claudion qui se trouve dans un quartier ouvrier. L'habitation insalubre aide non moins puissamment à la propagation de l'alcoolisme.
"Le logement hideux, a dit jules Simon, c'est le pourvoyeur du cabaret!" En effet, l'ouvrier se lève le matin brisé et fatigué par une nuit de sommeil lourd et peu réparateur dans une atmosphère irrespirable, empestée. Nous étonneront-nous si, avant de se rendre à l'atelier ou à la fabrique, il va chercher au cabaret, dans l'alcool meurtrier, le coup de fouet qui remonte passagèrement son énergie? Nous étonnerons-nous si, le soir, en sortant de la fabrique, il s'attarde au cabaret plutôt que de rentrer dans un intérieur sale et misérable? Nous étonnerons-nous si, peu à peu, il prend en grippe son semblant de foyer et va chercher l'oubli de ses maux et misères dans l'alcool, chez le marchand de vin?
Le besoin de sociabilité est le même dans toutes les classes. Le cabaret semble à l'ouvrier plus hospitalier que son taudis, et c'est pourquoi il y va. "Une cité ouvrière, a dit un ouvrier anglais, avec des logements salubres et agréables, vaut mieux, pour lutter contre l'alcoolisme, que dix mille allocutions dans des réunions de tempérance et qu'un million de témoignages sur les effets désastreux de l'alcool."*
A la campagne et à la ville: les cités ouvrières.
C'est en France que germa pour la première fois l'idée de donner à l'ouvrier et à sa famille un logement qui fût en même temps un foyer digne de ce nom. Dès 1833, A. Koechlin, puis Jean Dollfus, eurent l'idée de construire pour les filateurs de Mulhouse de petites maisons entourées de jardin et de les louer à un prix modique avec promesse de vente*. Ainsi naquit la Société mulhousienne des Cités ouvrières destinée à servir de modèle à de nombreuses cités d'habitations ouvrières à bon marché qui ne tardèrent pas à se former tant en France qu'à l'étranger.
Le développement de la grande industrie devrait contribuer à donner l'essor à l'œuvre des habitations à bon marché. A l'étroit dans les villes, où les terrains coûtent cher, un grand nombre d'établissement industriels sont allés s'installer à la campagne. Mais il fallait aussi loger les ouvriers. Les chefs d'industrie ont donc construit pour leurs ouvriers dans le voisinage de la fabrique, des logements qu'ils leur louent à bon marché. A défaut d'autres bénéfices, ils y trouvent du moins la stabilité du personnel: les ouvriers travaillent mieux une fois qu'ils sont logés dans des conditions hygiéniques convenables.
On peut rapporter les maisons ouvrières à deux types principaux.
Voici d'abord la petite maison, construite soit à proximité de la ville, soit à la campagne, autour d'une fabrique ou d'une usine où les maisons de ce genre forment de véritables cités, voire des villages entiers.
Telle est la cité ouvrière bâtie à Noisiel pour leurs ouvriers par MM. Menier, les grands fabricants de chocolat*.
Comme nous avons fait pour les logements insalubres, visitons une de ces maisons ouvrières de Noisiel qui respirent l'aisance et l'honnêteté. Le contraste s'imposera de lui-même.
Dans la cité ouvrière de Noisiel, chaque maison ouvrière est isolée et contient deux logements tout à fait indépendants l'un de l'autre. Chacun de ces logements, auxquels on accède par un jardin où les enfants peuvent jouer sans sortir dans la rue, comprend une grande pièce à deux fenêtres servant de chambre ou de salon, une vaste cuisine avec fourneau monté et un évier, un hangar clos pour faire la lessive, conserver le bois et les diverses provisions, ainsi qu'une grande cave.
Au premier étage se trouve une grande chambre à coucher, puis une autre, un peu plus petite pour les enfants et, au-dessus , pour l'étendage du linge et les débarras, un grand grenier auquel on accède par une échelle spéciale.
La demie-maison, dont le terrain de construction coûte ensemble environ 5 000 francs, n'est louée que 150 francs par an, payables mensuellement à raison de 12 fr. 50 par mois
MM. Menier accordent en outre à leurs ouvriers des primes d'ancienneté proportionnelles au temps de service. Après 15 ans de service, la prime atteint 150 francs, et l'ouvrier qui a travaillé à la fabrique pendant ce temps a son loyer pour rien. Au bout de 20 ans de service, la prime monte même à 200 francs.
Tout autre est naturellement l'aspect des logements dans les maisons ouvrières bâties par les Société des habitations à bon marché, soit à Paris, soit à Lyon.
Ceux de nos lecteurs que cette question intéresse peuvent voir ces maisons dont l'une se trouve rue Jeanne d'Arc, une autre boulevard de Grenelle, une troisième avenue Saint-Mandé, enfin la quatrième rue d'Hautpoul*.
Sur un vaste palier bien éclairé s'ouvrent les portes des logements comprenant une, deux ou trois pièces, précédées d'une petite entrée. Chaque logement a sa cuisine avec fourneau, bec de gaz, pierre à évier. Dans un coin du palier est établi, avec une courette, un petit balcon d'où l'on secoue les tapis.
Le prix du loyer varie entre 250 à 330 francs par an, suivant l'importance du logement, et ce prix est de 20 à 30 francs inférieur à celui des maisons voisines plus mal habitées et moins bien tenues.
Des maisons analogues ont été construite à Lyon par la Société des Logements économiques qui s'est formée sous les auspices de M. Mangini, le grand philanthrope bien connu.
Progrès réalisé à l'étranger. Le grand confort anglais.
A l'étranger comme chez nous se sont formées des sociétés pour construire et exploiter des habitations à bon marché, et leur action est largement favorisé par les pouvoirs publics.
Ainsi la Belgique réduit les droits d'enregistrement et de transcription pour les ventes de maisons ouvrières et elle exempte complètement les habitations ouvrières de certains impôts nationaux et locaux. En Allemagne, il existe en faveur des habitations ouvrières une réduction de moitié des impôts fonciers, une diminution importante des tarifs de l'eau, fournie gratuitement dans certains cas, des exemptions totales ou partielle des droits de voirie. En Prusse, une loi de 1895 a affecté un crédit de près de 8 millions de francs à la construction d'habitations pour les ouvriers au service de l'Etat. L'Autriche accorde aux maisons ouvrières une immunité d'impôts nationaux et locaux pendant vingt-quatre ans, etc.
Mais c'est surtout en Angleterre que ces sociétés ont pris un développement considérable. Pour donner une idée de leur extension, il nous suffira de dire qu'en 1894, il existait dans ce pays 2 378 sociétés de constructions d'habitations à bon marché dont les recettes ont atteint cette année près de 433 millions de francs.
Les Anglais sont gens pratiques; ils l'ont montré une fois de plus dans cette question des logements ouvriers. Non seulement ils ont construit des maisons ouvrières dans le genre de celles que nous avons décrites et qui sont destinées aux familles, mais ils ont aussi pensé à l'ouvrier célibataire et à toute cette population flottante qui loge ordinairement en des garnis infects. Il s'est donc formé des sociétés qui ont construit dans un grand nombre de villes des maisons meublées qu'on désigne sous le nom d'Hôtels pour pauvres gens. Le but de ces sociétés n'est pas uniquement philanthropique, et, comme toutes les sociétés de construction, elles servent à leurs actionnaires un intérêt qui varie de 4 à 5 pour cent.
M. Ch. Baulez, qui a visité ces hôtels à Londres, a été frappé de la propreté et de l'ordre qui y règnent. après avoir payé le prix de la nuit, environ 60 centimes, on s'engage dans un vaste couloir qui conduit aux salles de jour des locataires: salle à manger, salle de lecture, fumoir, etc., située au rez-de-chaussée.
La salle à manger peut contenir près de 500 personnes. Aux murs, revêtus de plaques en faïence vernie, sont appendus des tableaux et de grandes affiches portant le menu du jour, ainsi que le prix de chaque plat. Les portions sont très abondantes et à bon marché. Disons en passant que la vente des boissons alcooliques y est interdite.
A côté de la salle à manger se trouve une petite salle destinée aux locataires qui désirent préparer eux-mêmes leur nourriture. Elle est pourvue de douze éviers avec distribution d'eau froide au-dessus de chacun d'eux. La vaisselle, les ustensiles de cuisine, les théières sont prêtés gratuitement.
Dans le sous-sol se trouve une salle contenant quatre-vingt lavabos gratuits avec tablette en marbre et double jeu de robinets pour l'eau chaude et l'eau froide, puis une salle de bain.
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Un Hôtel pour les pauvres gens récemment installé à Londres. Les lavabos sont tous en marbre, avec eau chaude et eau froide. |
Les chambres à coucher sont au-dessus et occupent six étages. Elles sont d'une propreté exemplaire. Ce sont des cabines rangées des deux côtés d'un couloir central et séparées entre elles par des cloisons. Chaque cabine est faite pour un seul locataire. Elle possède une fenêtre, un lit de fer avec sommier, matelas, traversin, couvertures, draps, une chaise, un rayon et un porte-manteau.
Voici maintenant pour les veuves et les veufs chargés de famille.
A Glasgow, la municipalité a construit pour ce genre de locataires un hôtel de famille municipal, où se trouve une crèche pour les petits enfants et une cour de récréation plantée d'arbres. Des femmes de service ont soin des enfants pendant la journée.
Les prix de location sont les suivants:
Une veuve et un enfant payent 3 fr. 90 par semaine; avec deux enfants 4 fr. 20, avec trois enfants 5 francs. Les veufs payent 1 fr. 25 de plus par semaine.
Pour la nourriture, les grandes personnes payent 25 centimes le déjeuner du matin, 45 centimes le dîner. Enfin, il y a une pension d'enfants au prix de 1 fr. 70 par semaine pour un enfant, de 3 fr. 20 pour deux, de 4 fr. 50 pour trois enfants.
Inutile d'insister sur les services qu'une telle institution rend aux pauvres gens. Des hôtels semblables devraient exister dans toutes les villes, et, jusqu'à présent, l'Angleterre est le seul pays qui en possède. On construit pourtant actuellement à Paris un hôtel meublé exclusivement réservé aux femmes et aux jeunes filles. Les chambres y seront louées à raison de 0 fr. 70 à 1 fr. 10 par jour.
La construction des logements ouvriers est un placement.
Si le but que poursuivent les sociétés qui construisent des logements à bon marché est essentiellement humanitaire, on aurait tort de croire pourtant que ce soient des œuvres de charité. On a compris en effet qu'une entreprise aussi importante ne pouvait vivre ni se développer si elle devait compter seulement sur la bienfaisance. En fait, ce sont dans la plupart des cas des sociétés commerciales montées par actions et qui servent à leurs actionnaires un intérêt variant entre 3 et 4 pour 100.
Depuis sa fondation, la Société des Cités ouvrières de Mulhouse, avec un capital initial de 350 000 francs, a construit environ 1 200 maisons et dépensé une somme de 3 millions. En effet, les maisons étant vendues, payables par annuités, au fur et à mesure qu'elles sont construites, l'argent représentant l'amortissement a été réemployé en constructions nouvelles, en même temps que l'intérêt de 4 pour 100 a été servi régulièrement aux actionnaires.
Au Havre, avec un capital initial de 200 000 francs, la Société havraise des Cités ouvrières a construit, depuis vingt ans, 120 maisonnettes séparées, à un étage, avec cour et jardin, contenant quatre pièces et ayant coûté les unes 3 200 francs, les autres 4 300 francs. Presque toutes sont vendues par annuités, d'après le système que nous avons indiqué tout à l'heure et, comme à Mulhouse, les actionnaires ont touché régulièrement un intérêt de 4 pour 100.
De même, à Lyon, la Société des logements économiques sert à ses actionnaires un intérêt de 4 pour 100.
A Paris, les grandes maisons ouvrières donnent un revenu brut de 5 pour 100 et net de 3 et demi pour 100.
Le systèmes des petites maisons séparées, dont on peut devenir propriétaire a été expérimenté à Paris par la Société des Habitations ouvrières de Passy-Auteuil, fondée en 1882 par MM. E. Cheysson, Diez-Monnin, Emile Cacheux, et qui a construit déjà une cinquantaine de maisons de trois et quatre pièces avec petit jardin, coûtant de 6000 à 9000 francs. Cette société, qui a voulu donner à ces constructions les avantages hygiéniques les plus perfectionnés, s'est efforcée de maintenir ses loyers à un taux aussi bas que possible; néanmoins, elle donne 2 à 3 pour 100 d'intérêt à ses actionnaires.
Dans plusieurs autres villes, à Lille, Orléans, Rouen, etc. les mêmes essais ont été tentés, et ils ont réussi.
Pour la dignité de l'ouvrier.
La construction des logements à bon marché est donc pour le capitaliste un emploi suffisamment rémunérateur de son argent; mais surtout quels services elle rend à l'ouvrier! " Je ne connais pas de sujet plus digne à l'attention des hommes d'Etat, à dit M. Berraert, le célèbre homme d'Etat belge. Rien de plus essentiel, même au point de vue économique, que de placer le travailleur dans un milieu favorable à sa santé; il n'est rien qui soit de nature à relever davantage le sentiment de la dignité personnelle, la moralité, la vie et l'esprit de famille."
Ce n'est pas ici une simple conclusion de bon sens. C'est un fait attesté par la meilleure des preuves, par des chiffres et par des faits.
Comprenant eux-mêmes les avantages du logement salubre, les ouvriers, en beaucoup d'endroits, ont demandé aux patrons de leur avancer les sommes nécessaires à la construction des logements. Les choses se sont passées ainsi au Creuzot, où les avances ont atteint la somme de 1 600 000 francs, à Montceaux-les-Mines, où l'on a prêté aux ouvriers plus d'un million: cet argent a été intégralement remboursé.
La Société des logements économiques de Lyon possède aujourd'hui 120 maisons renfermant 1 437 logements abritant une population de 7 350 habitants. Or, en 1899, pendant le dernier exercice, sur un chiffre de location s'élevant à 369 775 francs, il y a eu seulement 275 francs de créances irrécouvrables.
Ces deux exemples mettent en lumière les habitudes d'économie et de régularité que contracte vite l'ouvrier.
Visiter les maisons ouvrières de Paris, vous serez frappés de l'ordre et de la propreté qui y règnent. Partout, on sent chez les habitants l'effort constant pour donner au logis un aspect confortable. les rideaux des fenêtres sont frais. Pas une tache sur le carreau de la cuisine, sur le parquet des chambres, sur le papier des murs.
Près de la moitié des chefs de famille, ceux qui ne travaillent pas trop loin, rentrent chez eux pour déjeuner, accroissant ainsi le bien-être du ménage de ce qu'ils ne dépensent pas au dehors et prenant à la vie familiale le goût trop souvent réservé aux classes aisées.
S'il est vrai que le logement salubre attire l'ouvrier travailleur, économe et honnête, il n'est pas moins certain qu'à son tour le logement contribuant à développer ces sentiments chez ceux qui les possèdent déjà et à les faire naître chez ceux qui les ont seulement en germe. L'ouvrier arrive très vite à s'attacher à ce foyer qui ne le rebute plus; il y passe le plus de temps possible, il s'y installe, il en subit l'influence, cette bienfaisante influence qui de tout temps a été celle du "chez-soi"; il y devient plus laborieux, plus conscient de sa dignité: il est acquis à la vie de famille, base elle-même de l'équilibre et de l'ordre social. Et c'est ainsi qu'une question de bâtiment, de salubrité, d'hygiène aboutit à être une question d'intérêt social et moral.
Lectures pour tous, Revue universelle et populaire, Hachette, octobre 1901.
* Nota de Célestin Mira
* Taudis:
Paris:
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Londres, East end par Gustave Doré. |
* Tuberculose et alcoolisme:
*La cité ouvrière de Mulhouse de Jean Dollfus:
* Usine et cité Menier à Noisiel:
* Habitations Bon Marché (HBM): Les HBM sont les ancêtres des HLM.

























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