Mme Marthe Brandès.
Deux grands poètes ont donné leur appréciation sur Mme Brandès: ce sont MM. Edmond Rostand et Catulle Mendès. Convaincu que leur jugement serait d'un grand secours pour comprendre la nature et le talent de cette actrice, et pour en parler ici en connaissance de cause, j'ai fait appel à ces hommes éminents. La collection complète des articles de M. Catulle Mendès m'a appris que Mme Brandès était "une grande comédienne". Malgré toutes mes recherches, je n'ai rien pu trouver sous la plume du grand écrivain qui eût une signification moins vague que ces deux mots.
Piochons Rostand, me suis-je dit, mais, hélas! le résultat ne fut guère moins maigre. M. Rostand a consacré deux vers, dont l'un boiteux, à Mme Brandès. Les voici:
La taille même de Brandès
Elle est en souplesse d'S.
Mirlitons de mon enfance, qu'êtes-vous devenus! Et vous, chères papillotes renfermant, avec des pastilles au chocolat, ces devises versifiées dont l'auteur obscur excita toujours ma bien vive curiosité. Est-ce que M. Rostand...? Non, chassons loin cette mauvaise pensée et supposons seulement que l'auteur de l'Aiglon n'était pas en verve quand il composa ce poème à la gloire de Mme Brandès.
Or, n'est-ce pas une supposition qui a lieu de m'inquiéter? Si des littérateurs fameux sont restés à ce point cois, que vais-je donc, moi, trouver à dire de la "grande comédienne" dont la taille est "en souplesse d'S" ? Qu'elle est belle, élégante et plein de talent? Assurément, elle est belle, si la finesse et la pureté des traits sont de faibles appoints à la beauté d'une femme. Elle est élégante, si les compliments que motive un costume doivent aller au mannequin plutôt qu'au couturier. Elle a du talent, si vingt-deux ans de planches peuvent en donner.
Mme Brandès a débuté au Vaudeville, puis elle est entrée à la Comédie-Française, puis elle est retournée au Vaudeville, puis elle est retournée à la Comédie-Française, pour passer ensuite à la Renaissance dont elle est aujourd'hui l'étoile. Le terme de planète serait peut-être plus juste, car les planètes sont aussi errantes, et elles n'ont point d'éclat qui leur soit propre.
La vocation artistique de Mme Brandès s'est manifestée d'abord par un certain goût pour la peinture qui la conduisit dans l'atelier Julian. Bientôt le désir de faire du théâtre la prit. Grande perplexité. Que résoudrait Mme Brandès? De peindre sur des toiles ou de monter sur les planches? Ses maîtres furent consultés. Le professeur de peinture conseilla le théâtre. Le maître de diction penchait pour la peinture. Il n'eut pas le dernier mot et Mme Brandès a choisi le théâtre où ses premières études l'ont sans doute aidée dans l'art de se composer de belles attitudes, qui est la meilleure partie de son talent.
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 4 juin 1905.
L'esprit de Marthe.
Quand Mme Brandès rentra au Français après sa fugue au Vaudeville, l'accueil des spectateurs fut moins chaud, moins enthousiaste que jadis.
L'artiste s'en aperçut et, très tranquillement:
-Oh! s'écria-t-elle, comme ce public parisien a vieilli!
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