Les criminels qui demandent à être pendus.
Une revue anglaise s'étonne qu'on rencontre des gens préférant la mort rapide à la mort lente et même à la prison perpétuelle, qui n'est qu'une interminable agonie.
Sans partager l'étonnement de notre confrère, citons quelques exemples typiques.
La corde est mon droit.
En 1877, une Américaine, mistress Sarah Proctor, fut condamnée à être pendue pour avoir empoisonné son frère, peine qui fut commuée en celle de la prison à perpétuité. Internée dans un pénitencier de l'Ohio, elle y trouva sa réclusion si intolérable que, dès le commencement de janvier 1878, elle en appela de sa condamnation, déclarant qu'elle n'avait point consenti à la commutation de peine et réclamant énergiquement la corde comme un droit dont on voulait la frustrer.
Cette demande fut prise en considération par le juge Bingham, étudiée consciencieusement et rejetée. Miss Proctor ne se tint pas pour battue: elle attaqua à nouveau la décision rendue et ce débat ne dura que vingt ans. Deux fois la durée du siège de Troie!
Miss Proctor eût pu modifier ainsi la vieille devise: "La corde est mon droit."
Ce furent les magistrats qui capitulèrent: au bout d'un cinquième de siècle, ils en eurent assez d'une prisonnière aussi récalcitrante et lui rendirent la liberté. C'était le bon moyen et le seul car, aujourd'hui, miss Proctor qui vit, l'âme apaisée, dans un village de l'Ohio, n'insiste plus pour être pendue.
Abrégez le délai, s.v.p.
En avril dernier, dans un autre état de l'Union, le Texas, un assassin, Henry Simmons, comparaissait devant le jury criminel. Celui-ci le reconnut coupable après un débat de quarante minutes, et le meurtrier fut condamné à être pendu. L'exécution devait avoir lieu quinze jours après la sentence.
Alors le condamné, tombant à genoux, supplia qu'on voulut bien abréger ce délai et faire la petite opération dans trois jours au plus.
Un peu plus tard, un peu plus tôt, cela ne changera rien à l'affaire, pensèrent les juges et, aussi gracieusement que peuvent le faire des magistrats, ils firent droit à la requête du condamné; celui-ci, aussitôt les remercia avec une effusion "dont on ne l'eût jamais cru capable", déclarent les journaux américains. Ce fut tout juste si, dans le débordement, il s'abstint de danser le cake-walk.
La fin tragique de John Wallace.
Quelques années auparavant, dans une autre ville, Littleton, avait eu lieu un de ces lynchages après condamnation qui se répètent de temps en temps sur tous les points des Etats-Unis. Un nommé John Wallace avait assassiné deux femmes et un enfant. Bien que le crime fut indéniable, le tribunal ne prononça que la réclusion à perpétuité.
A la fois l'assassin et le public protestèrent: l'assassin parce qu'il trouva l'agonie trop longue: le public parce qu'il la trouvait trop douce. Le juge, de son côté, s'entête.
John Wallace, qui réclamait la pendaison, n'en fut pas moins servi au delà de ses souhaits. La nuit qui suivit son jugement, cinquante hommes masqués envahirent la prison, se saisirent du condamné et, lui ayant passé une solide corde autour du cou, le traînèrent dans la ville.
Alors, le malheureux commença à sentir que tout n'était pas rose dans le métier de pendu; Il jurait, se débattait et réclamait une prompt mort à grands cris. Cette mort vint enfin: ses bourreaux le hissèrent à un arbre et il se convulsait encore lorsque passa, sur la ligne toute proche, l'express de Baltimore. Le mécanicien, ayant du savoir-vivre, eut l'amabilité de ralentir la marche du train afin que les voyageurs, au courant des crimes de John Wallace, pussent le voir gigoter au bout de sa corde.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 16 juillet 1905.
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