Les dominos.
Ils vivent dans l'atmosphère enfumée des cafés et ils ont tous un habit noir.
Le double-six est important comme un bourgeois parvenu; l'as-et-blanc porte un monocle et les cinq ont l'air macabre.
Éternellement en demi-deuil, les dominos sont veufs et ils jalousent le jeu de cartes à cause d'Argine ou de Pallas*.
Chaque soir, depuis dix ans, à la même heure, on les retourne sur la même table; ils passent sous les mêmes doigts, ils sentent les mêmes haleines et ils entendent les mêmes choses.
Peut-être songent-ils que la vie est grise et monotone, les dominos, car leur ivoire jaunit comme le front d'une vieille fille.
On les couche, les uns contre les autres, dans une longue boîte d'acajou; mais seul le double-blanc se met en chemise.
Paul Lecrercq.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, dimanche 16 avril 1905.
* Nota de Célestin Mira:
Argine. |
Pallas. |
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