A bas les femmes.
Mon Dimanche a révélé à ses lecteurs quelques-unes des associations bizarres formées par des originaux de tous les mondes et de tous les pays. Il veut présenter, aujourd'hui, en un seul article, les plus "toqués", les plus excentriques... dont les affiliés ont fait le serment de ne jamais prendre femme.
A Oxford, dans un village réputé, l'étudiant qui s'avise de renoncer au célibat doit envoyer à ses camarades une coupe en argent portant cette inscription: Descendit in matrimonium! Ce qui peut se traduire: "Il s'abaisse jusqu'au mariage!"
Le club des Vieux Garçons à Londres a pour but de rendre la vie joyeuse et bonne à ceux qui consentent à être siens. Naturellement, tout déserteur est punit d'une forte amende. Quand le traître, devenu veuf, désire appartenir de nouveau à son ancienne société, il paye une nouvelle rançon de 1.000 francs, mais il n'a plus droit qu'au titre de membre honoraire, ce qui est déshonorant!
Les Junggesellen, en Allemagne, se montrent encore plus farouches ennemis des liens matrimoniaux. Si quelqu'un des leurs se laisse prendre au charme de quelque jolie fille de Saxe, il doit comparaître devant un tribunal pour excuser son inqualifiable conduite. Les juges n'admettent pas l'amour au nombre des circonstances atténuantes. Le délinquant doit se recommander de mobiles plus... pratiques: le désir de ne pas dîner au restaurant ou la nécessité de soigner une faiblesse de constitution imputable aux excès de la vie libre. Selon le nombre et l'importance des excuses présentées aux Junggesellen, le coupable est condamné à une amende qui varie entre 500 et 1000 francs. Cet argent paye les frais d'un dîner auquel est convié le réfractaire. Les membres du club se présentent au banquet en deuil. Puis au dessert, on expulse le faux frère, avec force larmes et malédictions!
Toutes ces associations, à vrai dire, ne sont pas très dangereuses pour la société et ne commettent guère d'autre délit que le tapage nocturne.
Il en fut autrement jadis, en Amérique, au temps où prospérait le fameux club des Women-haters (les haïsseurs de femmes).
Le "Women-haters" se surveillaient entre eux, de façon mystérieuse. Et les jeunes hommes coupables d'avoir observé avec trop de complaisance tel visage féminin, n'étaient pas peu surpris de recevoir des réprimandes en réunion générale.
Aucun, durant vingt années, n'osa prendre femme.
Puis un jeune officier, voulant échapper à la terrible tutelle de ses compagnons, se montra moins assidu au cercle et commit le crime de valser avec quelques jeunes filles du monde militaire. Les "haïsseurs" aussitôt prévenus, firent disparaître deux ou trois Américaines qu'ils soupçonnaient à tour de rôle de vouloir conquérir leur camarade. Enfin, on trouva le traître mort dans sa chambre, attaché sur son li et percé de vingt coups de couteau.
Léon Roux.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 15 novembre 1903.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire