Comment on apprend à monter à cheval au régiment
pour les jeunes soldats.
"C'est en forgeant qu'on devient forgeron", dit le proverbe. En équitation, il en va de même qu'à la forge, et ce n'est qu'à force de monter à cheval que l'apprenti cavalier peut prétendre à passer maître.
Donc, en instruction équestre, l'enseignement pratique prédominera toujours sur l'enseignement théorique. Pas de longs raisonnements, surtout au début, mais le strict indispensable pour initier l'homme de recrue à son métier nouveau, et de suite à la forge, c'est à dire en selle. En selle, les bleus, dès le lendemain de votre arrivée au régiment, il n'y a pas de temps à perdre!
Pour former un cavalier, deux buts sont à atteindre dont le second demeure subordonné au premier: 1° se mettre en selle; 2° savoir conduire son cheval. Si l'on ajoute pour le cavalier militaire, l'obligation de savoir manier ses armes, on aura formulé l'ensemble des résultats à obtenir.
C'est donc à ce triple but que l'Instructeur militaire achemine chaque année sa classe. On appelle classe le groupement d'un certain nombre d'homme de recrues sous la direction d'un même instructeur. Dans la cavalerie, c'est toujours un officier: lieutenant ou sous-lieutenant. Le chiffre moyen d'une classe est de quinze cavaliers.
Nous ne prétendons pas, dans le cadre de cette causerie familière, décrire toutes les phases de l'instruction équestre, pas plus que nous ne songeons à exposer les difficultés grandissantes de cet enseignement avec la diminution croissante de la durée du temps de service. Notre but est plus modeste, et nous estimerons l'avoir rempli si nous avons su formuler au cours de ces trois séries d'exercices les qualités essentielles du cavalier et attirer sur ce sujet l'attention de ceux de nos jeunes lecteurs qui seront prochainement appelés à servir dans la cavalerie.
En tête de ce court formulaire, il y a une qualité, bien française d'ailleurs, qu'il faut écrire en lettres d'or parce qu'elle doit présider à toutes choses en équitation: la hardiesse sans laquelle il n'y a pas de cavalier militaire.
Se mettre en selle.
Se mettre en selle, s'asseoir, est, sans contredit, la partie la plus ingrate de l'équitation. C'est un travail purement mécanique où l'homme "peine dur". Trotter souvent et longtemps, en argot militaire: piler du poivre, galoper et sauter dans la suite, le tout sans étriers, telle est la progression à suivre.
Il faut arriver à rompre son corps aux divers mouvements du cheval, à se tenir par la souplesse et spécialement par la souplesse du rein, l'agent par excellence en équitation.
Le Centaure, cet être double de la Fable, n'est pas sorti de la seule imagination des poètes d'antan, mais aussi du spectacle de l'homme primitif si étroitement lié au dos de sa monture qu'il faisait corps avec elle. Il faut être de nouveau Centaure.
Conduire son cheval.
Lorsque le cavalier tient à cheval, le moment est venu de lui apprendre l'emploi de ses aides. Ici, on commence à faire appel à l'intelligence, mais la part laissée à la pratique demeure grande. On appelle aides, l'expression est parlante, les jambes et les rênes.
Les jambes donnent le mouvement que les rênes régularisent.
Vigueur et Tact entrent en jeu. Vigueur et tact dans l'emploi des jambes, tact seul dans l'emploi des rênes, tact aussi pour la relation voulue entre les jambes et les aides, ce qui s'appelle l'accord des aides.
Quand la bête est fatiguée, "ce sont, dit le proverbe, les jambes du cavalier qui font les jambes du cheval". Rien n'est plus vrai. Quant à la main, elle doit être légère, et tout en demeurant par l'intermédiaire des rênes en contact permanent avec la bouche du cheval, ne jamais l'offenser. On dit que le cavalier qui réalise ce délicat problème a de la main.
Manier ses armes.
Le cavalier sait maintenant monter à cheval et conduire d'une seule main: la gauche; on a eu soin de lui enseigner en même temps le maniement de ses armes, d'abord à pied, puis sur le cheval de bois, reste à lui apprendre à les manier sur son cheval, sans toucher sa monture et sans cesser de la diriger à sa guise.
Tel est l'objet de cette troisième étude où le cavalier aura à faire preuve d'adresse.
En selle, cavalier, sabre en main et sus aux mannequins! l'instruction sera terminée quand l'homme saura toutes les allures, en tous terrains, même parsemé d'obstacles, en toutes positions, frapper au point voulu et d'estoc et de taille tel ou tel mannequin placé dans des circonstances de guerre (escarmouche, ou charge).
Les qualités requises du cavalier.
Le but est atteint et l'instruction individuelle est terminée après 6 ou 7 mois de travail opiniâtre. Hardiesse, Souplesse, Vigueur, Tact et Adresse, telles sont les cinq qualités dont le cavalier a dû faire preuve tout à tour pour arriver au résultat et qui lui demeureront d'un emploi incessant, s'il veut se perfectionner dans la science équestre, car ce sont toutes qualités essentielles en équitation.
Ce sont celles qui caractérisent la "monte hardie" de nos officiers de cavalerie, vos futurs instructeurs, dont la maestria demeure sans conteste, puisqu'ils ont su prendre la première place dans les épreuves internationales: au concours hippique de Turin, au raid Bruxelles-Ostende.
Hardiesse, souplesse, vigueur, tact et adresse doivent être votre lot, ne l'oubliez pas, futurs disciples de saint Georges, le patron des cavalier!
Un capitaine instructeur.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 11 octobre 1903.
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