La course aux diplômes.
Pour l'angoisse des familles, pour l'effroi des mères, pour la terreur des candidats, la voila revenue cette époque de l'année où une partie de la France s'occupe à examiner l'autre partie! Mai est le mois des lilas, juin est le mois des roses, juillet est le mois... des examens. On comprend sans peine quelle importance, parfois exagérée, ont dû prendre ces épreuves dans une société démocratique où, les carrières étant accessibles à tous, l'entrée de chacune d'elle dépend d'un concours, d'un brevet, d'un diplôme. Silhouettes de candidats et profils d'examinateurs, réponses saugrenues, anecdotes typiques, nous avons réuni dans ces pages toutes les curiosités de ce sujet auquel nul d'entre nous ne peut se dire étranger.
Transportons-nous au pays des mandarins. C'est le huitième jour de la huitième lune: au chef-lieu de chaque province, une ville de bois sort de terre: elle est composée de 12000 maisonnettes en planches de 1,20 m de côté sur 2 mètres de haut. Une partie en est aménagée pour 3 000 maîtres examinateurs, surveillants et domestiques. Le reste servira de demeure ou de prison aux candidats. Prison rigoureuse! Deux jeunes élèves pour avoir communiqué furent condamnés à mort et exécutés incontinent devant leurs camarades. Celui qui s'aide de notes est châtié par le supplice de la cangue. Bien plus! L'ignorant qui a l'inconvenance de se présenter et qui remet une copie insuffisante reçoit cinquante coups de bambous sur la plante des pieds.
Sitôt les travaux corrigés, on proclame les résultats en une séance solennelle et publique. L'un des examinateurs, somptueusement vêtu, se lève et lit les noms des lauréats, qui reçoivent chacun pour récompense une paire de chaussures à semelles épaisses et un bonnet surmonté d'un bouton, du fameux bouton symbolique qui est le point de mire de toutes les ambitions*. Car, dès la prime enfance, on a allumé au cœur du petit Chinois la passion du mandarinat, de cette classe suprême où prennent place 15 000 fonctionnaires lettrés, subdivisés en 9 rangs et 18 catégories. Pierre précieuse rouge, corail ciselé en forme de fleur, pierre précieuse bleue, globule de cristal blanc, pierre précieuse blanche, globule d'or: tels sont les signes qui distinguent entre eux les mandarins seuls admis aux emplois publics.
De la Chine, qui est la terre classique des examens, ces usages se sont répandus dans d'autre pays d'Orient. En Annam, la veille du jour fixé, tous les élèves admis à concourir sont enfermés dans une vaste enceinte, le "camp des lettrés" entouré de soldats. Des tentes recouvertes de feuille de palmier sont dressées. A trois heures du matin, on fait l'appel des candidats. Les sujets de composition sont affichés. Les copies doivent être remises le lendemain, au plus tard à une heure après minuit. Quand le résultat est proclamé, on inscrit sur des tableaux d'honneur les noms des meilleurs parmi les vainqueurs, qui sont destinés à devenir des préfets et des sous-préfets pour des provinces. Dès le jour même, ils se rendent à la pagode voisine où, le front courbé jusqu'à terre, ils remercient Bouddha de les avoir guidés dans leurs épreuves.
En Europe, c'est du Moyen-Age que date notre système d'examen: il remonte à l'organisation des anciennes Universités.
Véritables solennité, les examens d'alors étaient entourés d'un grand apparat et suivis de fêtes souvent fort coûteuses, dont les frais devaient être supportés par le candidat. Mais de bonne heure, un abus s'y introduisit: la vénalité des diplômes. Nul n'était refusé, pour peu qu'il payât bien.
Trop de gens avait intérêt au maintien d'un tel régime pour qu'il ne se perpétuât pas longtemps. En plein XVIIe siècle, Charles Perrault conte à ce sujet une édifiante anecdote personnelle. En 1651, il était allé, avec deux camarades, prendre ses degrés juridiques à la Faculté d'Orléans. "Ayant heurté à la porte des écoles sur les dix heures du soir, un valet qui vint nous parler à la fenêtre, ayant su ce que nous souhaitions, demanda si notre argent était prêt. Ayant répondu que nous l'avions sur nous, il nous fit entrer et alla réveiller les docteurs qui vinrent au nombre de trois nous interroger avec leurs bonnets de nuit sous leurs bonnets carrés, à la faible lueur d'une chandelle. Un de nous, à qui on fit une question, dit une infinité de choses qu'il avait apprises par cœur. On lui fit ensuite une question sur laquelle il ne répondit rien qui vaille. Les deux autres furent ensuite interrogés et ne firent pas beaucoup mieux que le premier. Cependant ces trois docteurs nous dirent qu'il y avait deux ans qu'ils n'en avaient interrogé de si habiles et qui en sussent tant. Je crois que le son de notre argent, qu'on comptait derrière nous pendant qu'on nous interrogeait, fit la bonté de nos réponses."
Ces abus ont disparu. Aujourd'hui, entouré de toutes les garanties, les examens qui, dans notre société démocratique ouvrent l'accès à toutes les carrières, sont des épreuves sérieuses et sincères.
Et c'est bien ce qui explique la terreur que répond leur approche!
Candidats de toutes couleurs. Première étape, premiers périls.
Pour y réussir, le meilleur moyen est encore... d'être prêt. D'ailleurs, autant de candidats, autant de préparation. Ne parlons pas de ceux qui, ayant travaillé régulièrement toute l'année, arrivent sans encombre au succès. Mais voici le peuple affolé de ceux qui ne se mettent à l'ouvrage que fouaillés par la menace de l'épreuve imminente, et se rabattent, vu l'heure tardive, sur les résumés, rudiments, tableaux synoptiques, aide-mémoire, questionnaires. Eugène Labiche, le célèbre vaudevilliste, dont la mémoire était prodigieuse, apprit ainsi par cœur, tout le Manuel du Baccalauréat. Hélas!...
Il y a ceux qui, tels d'élégants joueurs, considèrent l'examen comme une partie, établissent minutieusement, en se fondant sur le calcul des probabilités, le pourcentage de leurs chances, pointent les questions qui passent et les examinateurs qui sortent. Il y a encore des outrecuidants qui s'estiment toujours prêts, les trembleurs qui s'imaginent toujours perdus; les risque-tout qui, après une année de farniente, répètent avec une grâce désinvolte que la condition primordiale pour être reçu c'est de se présenter. Il y a enfin les superstitieux, qui attachent une vertu occulte à la couleur de leur cravate, ou qui se figurent que le fait d'entrer du pied droit dans la salle ou d'avoir le même prénom que l'examinateur, leur portera chance.
Avec les épreuves écrites commencent l'embarras. Qui dira jamais les idées saugrenues, les inventions baroques, les phrases cocasses qui peuvent tenir dans les copies d'aspirants au baccalauréat?
Dans une composition sur les Trois unités (les trois unités de la tragédie classique, unités de lieu, de temps et d'action), le candidat déclarait que les trois unités sont l'addition, la soustraction, la multiplication. "Ce sont elles, ajoutait-il, qui ont permis à Pascal, un homme très distingué comme nous en possédons tant aujourd'hui, de faire ses curieuses découvertes... " Ayant à décrire les funérailles de Louis XIV, un candidat n'hésita pas à affirmer que le Grand Roi avait été inhumé au Panthéon et que, sur le passage du cortège, les becs de gaz étaient allumés et voilés de crêpe. Un autre, ayant à écrire une lettre de Napoléon à Talma, commença par ces mots; "Mademoiselle..."!
Faut-il l'avouer? S'il y a des erreurs dans les copies des élèves, il arrive qu'il s'en glisse dans le texte des sujets qu'on leur propose. Ainsi, récemment, on leur donna a composer une lettre dans laquelle "Louis Racine devait raconter à son père, l'immortel Jean Racine, la visite qu'il avait faite à Boileau, dans sa maison d'Auteuil, ainsi la rencontre qu'il y fit de La Bruyère". Louis racine est né en 1692 et La Bruyère est mort en 1696, il eût donc fallu que le fils de l'auteur d'Athalie rendit sa visite et rédigeât sa lettre à l'âge de quatre ans!
Sur la sellette. Un lot d'affirmations hardies.
Quel va être le résultat de cette première épreuve? Un jour, deux jours passent. Soutenu par les siens qui l'exhortent au courage et au calme, le candidat s'achemine vers son jury d'oral. Dans le grand hall frémit déjà une cohue fiévreuse d'où s'envolent des lambeaux de phrases palpitantes.
Soudain, un silence tombe sur le peuple des mères et de leurs fils. L'appariteur vient de surgir avec la listes des admissibles! On se rue vers le cadre de bois, on s'écrase. Puis, des cris d'allégresse et des gémissements, des insultes et des louanges fusent sous la voûte auguste: "Il y est! - Oh! les lâches! - Félicitations! - Pauvre chéri!"
Et maintenant, dans la salle de torture la "question" commence. Bon nombre de candidats prennent en effet leur juge pour un tortionnaire qui va leur extirper des aveux sur les mathématiques ou l'histoire. Il en est deviennent immédiatement et irrémédiablement stupides, tel celui qui répondit au professeur lui demandant la plus courte ligne d'un point à un autre: "C'est la ligne de chemin de fer!" Un autre rencontrant le mot latin faber (artisan) le traduit par: crayon!
Voici quelques réponses authentiques, réponses qui ont été faites aux examens et que nous avons recueillies de la bouche même des examinateurs stupéfaits à qui elles étaient adressées. Un candidat, interrogé sur l'ile de Malte, n'hésite pas à la placer dans la Baltique. Un autre, prié de dire ce qu'il sait sur le second empire, répond sans brocher que Napoléon III est fils de Louis-Philippe! Un autre, mis en présence d'un texte français du XVIe siècle et affolé par l'emploi de termes de la vieille langue, s'écrie: "Monsieur! ce n'est pas pour l'anglais que je suis inscrit, c'est pour l'allemand".
"Mon ami, demande un professeur avec bienveillance, quelle est la voie la plus rapide pour se rendre de Paris à Nîmes? -La voie de mer! répond le candidat avec assurance."
Citons encore quelques réponses typiques.
"Quelles sont les céréales que produit l'Italie du Nord? - Le macaroni".
"Qu'est-ce que Nabuchodonosor? _ Monsieur, je ne sais l'histoire de France que depuis Saint-Louis."
Dialogues, mouvements, un exorde ahurissant.
Les examinateurs ont parfois, paraît-il, le tort de se divertir aux dépens des candidats. Pensez à l'effet que doit produire sur un postulant déjà affolé par des interrogations comme celle-ci: "Combien y a t-il d'arches au Pont-Euxin?... Quel est le plus lourd d'un kilogramme d'or ou d'un kilogramme d'argent?... Un individu peut-il épouser la sœur de sa veuve?"
Ces facéties appellent des réponses faites sur le même ton. Il en est qui sont souvent citées. c'est à la Faculté de Droit; l'examinateur demande: "Si j'étais usufruitier d'un troupeau d'ânes, comment devrai-je en jouir? - en bon père de famille."
Q.- Supposons que je vous donne ma fille en mariage (et je ne vous la donnerais certainement pas).
R.- Soit, monsieur. Si vous me donnez votre fille en mariage (et je n'en voudrais certainement pas)....
Nous ne garantissons pas l'exactitude de ces dialogues peu édifiants. Mais voici des anecdotes certaines.
A dix-sept ans, Arago se présentait à l'Ecole Polytechnique. "Mon camarade intimidé, raconte-il, échoua complètement. Lorsque, après lui, je me rendis au tableau, il s'établit entre M. Monge, l'examinateur, et moi, la conversation la plus étrange: "Si vous devez répondre comme votre camarade, il est inutile que je vous interroge.
- Monsieur! mon camarade en sait beaucoup plus qu'il ne l'a montré; j'espère être plus heureux que lui, mais ce que vous venez de me dire pourrait bien m'intimider et me priver de mes moyens.
- La timidité est toujours l'excuse des ignorants; c'est pour vous éviter la honte d'un échec que je vous ai fait la proposition de ne pas vous examiner;
- Je ne connais pas de honte plus grande que celle que vous m'infligez en ce moment! Veuillez m'interroger.
- Vous le prenez de bien haut! monsieur. Nous allons voir si cette fierté est légitime!
- Allez! monsieur, je vous attends..."
" J'étais depuis deux heures et demi au tableau. M. Monge passant d'un extrême à l'autre, se leva, vint m'embrasser et déclara solennellement que j'occuperais le premier rang sur la liste."
Autre exemple.
Gambetta, le futur orateur, se présentait devant la Faculté de Droit de Paris, en 1859. C'était alors un joyeux compère, fraîchement débarqué de Cahors, friand de charges et de facéties. Peu avant son examen, il gage avec ses camarades de citer, quelle que soit la question qui lui sera faite, l'article 12 du Code Pénal: "tout condamné à mort aura la tête tranchée". Le jour de l'épreuve arrive. Dans la salle, les amis du candidat s'entassent, attentifs au fameux pari, un sourire curieux et incrédule aux lèvres.
"Que savez-vous, monsieur, demande l'examinateur à Gambetta, sur la mitoyenneté?
- Tout condamné à mort aura la tête tranchée..., on ne voit pas de prime abord, le lien qui existe entre cet article du Code Pénal et celui qui nous occupe. Mais réfléchissons un instant. Ce texte que nous venons d'évoquer est précis, limpide, ne prêtant à la moindre équivoque. Il n'en est pas de même de l'article 653 du Code Civil relatifs aux murs mitoyens... " Après ce stupéfiant préambule, l'imperturbable méridional développe copieusement sa thèse... Il avait gagné son pari.
Ce qui peut entrer par les fenêtres. Brillante liste des refusés.
Que ne fait-on pas pour obtenir ce diplôme tant envié qui couronne tout examen? Hélas! il est des candidats qui ne reculent pas devant l'emploi de la ruse. Déjà, en 1837, le ministre de l'Instruction publique se voyait forcé de prendre un arrêté contre les faussaires qui passaient des examens au lieu et place de candidats d'une ignorance incurable, et changeaient à volonté d'âge et de condition, grâce à un assortiment de costumes et de perruques. Ces mœurs ont disparu, mais la fraude existe toujours; exemple l'aventure suivante qui nous a été racontée par un examinateur, membre de l'Institut et professeur à la Faculté de Paris.
La composition de version latine pour le baccalauréat se faisait dans une salle du rez-de-chaussée de l'Hôtel de Ville, toutes fenêtres ouvertes sur la rue. Un candidat, la dictée faite, communique à un passant, probablement un compère, les premiers et derniers mots du texte. Le passant bondit à la Bibliothèque, saisit une traduction et, vingt minutes plus tard, la version traduite circulait de table en table, légèrement retouchée par les malins. Mais voici le châtiment. Le texte latin, extrait de Cicéron, avait été allégé, en son beau milieu, d'une assez longue phrase, que le passant de la rue avait prise avec le reste dans la traduction imprimée et que les candidats avaient reproduits. La faculté soumit le cas au ministre, qui ordonna que l'épreuve fut recommencée... On eut soin cette fois de fermer les fenêtres.
Pour apitoyer l'examinateur, tous les moyens sont bons. Le jeune homme est si timide! Il a eu, dans son enfance, une fièvre typhoïde; une chute sur la tête lui a enlevé une grande partie de sa mémoire, etc. Les lettres de recommandation pleuvent. Un père, quatre sessions de suite, jure sur l'honneur à l'examinateur que sa femme, déjà mourante, ne supportera pas ce coup suprême de l'échec de son enfant. "Il y de cela plus de vingt ans, raconte l'examinateur, et la dame se porte toujours comme le Pont-Neuf."
Mais les mères sont les plus hardies. L'une d'elles a assisté à l'examen oral de son fils, cancre de la plus belle espèce. Quand l'examen des candidats est terminé, elle frappe à la porte de la salle où se tient l'examinateur et, tout en larmes: "monsieur, mon fils va être refusé pour la troisième fois. Son père qui est violent, le battra. Nous sommes seuls, je vous en conjure, changer ses notes, je n'en dirai jamais rien!"
On conçoit qu'avec l'aléa des examens, d'excellents élèves puissent être refusés. Mais la chose est rarissime. Le grand physiologiste Claude Bernard échoua au concours d'agrégation de la Faculté de médecine. Ferdinand Brunetière ne put entrer comme élève à l'Ecole normale dont il devait être quelques années plus tard un des plus éminents professeurs. Tolstoï fut refusé quand il se présenta aux examens de l'Université de Moscou. On cite entre autres échecs fameux; celui de Prévost-Paradol refusé à la licence ès lettres, celui de Taine et de Sarcey refusés à l'agrégation, l'un pour la dissertation, l'autre pour la philosophie. Mais ces deux derniers avaient été victimes de la malveillance gouvernementale. Au reste, ces hommes, qui devaient peu après connaître la célébrité, prirent allégrement la chose. Il n'en fut pas ainsi pour un infortuné candidat au baccalauréat ès sciences: il avait prévenu son examinateur que, s'il n'était pas admis, il se brûlerait la cervelle. Le savant cru, malgré tout et en conscience, devoir l'ajourner. Le lendemain matin, il trouvait devant sa porte le cadavre du malheureux.
En revanche, on cite l'exemple d'une admission collective, à la Faculté de Nancy. C'était en 1870, après la bataille de Reichshoffen. On était à l'avant-veille de l'entrée de l'ennemi. Comme la Compagnie de l'Est ne garantissait plus le départ des trains que pour vingt-quatre heures, un professeur réunit les aspirants bacheliers, ils étaient 30, leur dicta quelques lignes et, séance tenante, les proclama tous admis.
Mademoiselle, veuillez aller au tableau!
Crises de nerfs et sanglots.
Le beau sexe n'est pas, plus que l'autre, exempté des épreuves scolaires. Les examens des jeunes filles se passaient jusqu'à ces derniers temps à l'Hôtel de Ville. Depuis trois ans, ils ont lieu dans un spacieux palais construit sur une partie du marché Saint-Germain.
De combien de scènes émouvantes n'est-il pas le théâtre? L'examinateur, d'une voix bienveillante: Mademoiselle, veuillez m'écrire au tableau la phrase suivante:
"Ce pauvre hère, à l'air honteux erre dans la montagne tandis que dans l'air l'aigle rentre dans son aire."
Dès le cinquième mot, l'examinée perd la cervelle et se met à patauger dans l'effroyable bourbier orthographique. Le bâton de craie vacille entre ses doigts. Des sanglots éclatent suivis de cris inarticulés: c'est la fâcheuse crise de nerfs. On s'empresse autour de la malade et, pendant que la séance continue, la dame de service l'entraîne vers une ambulance spécialement établie pour cette sorte d'accidents. Le long des murs, sur des tablettes, s'aligne toute une pharmacie appropriée: eau de fleur d'oranger, vinaigre, sels, etc.
Par bonheur, les candidates ne sont pas toutes aussi impressionnables. Une jeune fille passait ses examens. La famille au grand complet assistait à l'épreuve. Le père, la mère, les deux frères et une petite sœur étaient rangées contre la barrière de la salle. Quand la liste d'admissibilité fut lue, la jeune étudiante, qui était une négresse, n'y figurait point. Père, mère, frères, sœur et candidate, tous noirs bien entendu, ouvrirent leurs six bouches et partirent d'un éclat de rire blanc, muet, tout à fait plaisant. On ne les revit jamais.
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Un candidat princier. Le Kronprinz, fils aîné de l'empereur d'Allemagne Guillaume II passant un examen avant son entrée à l'Université. |
En dépit des émotions et des déceptions, les diplômes primaires exercent sur le public féminin un attrait croissant. En 1887, 20048 jeunes filles se sont présentées et 9088 ont été reçues au brevet simple; 2718 sur 3761 ont été admises au brevet supérieur. Dix ans plus tard, on relève 11738 admises sur 21639 examinées pour le brevet élémentaire, et 2495 sur 4276 pour le brevet supérieur. Le département de la Seine a lui seul fournit 372 admises sur 757 examinées. L'effectif masculin est beaucoup moindre. A Paris, en 1897, 156 garçons seulement se sont présentés eu brevet supérieur, et 77 ont obtenu le diplôme. Mais, pour les examens de l'enseignement secondaire et supérieur, les hommes reprennent une éclatante revanche. De 1809 à 1885, les Facultés des lettres de France n'ont pas fait moins de 277030 bacheliers. En 1876, le baccalauréat, la licence et le doctorat furent conférés à 7775 candidats sur 16782. En 1888, sur 19944 postulants, 8838 furent fait bacheliers, licenciés ou docteurs. Cela donne une proportion de 45 à 48% d'admis.
On ne saurait trop accuser les juges d'être trop faciles et de recevoir tout le monde. De leur rigueur relative personne ne saurait trop se féliciter. Ce sont eux qui en maintenant haute la barrière des examens pourront arrêter la cohue des non-valeurs au seul des carrières libérales.
Lectures pour tous, juillet 1904.
* Nota de Célestin Mira.
* Bouton de bonnet: