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mardi 4 mars 2014

Le laboratoire municipal.

Le laboratoire municipal.

Le laboratoire public d'analyses et d'expertises chimiques est en ce moment vivement attaqué dans la personne de son éminent directeur, le savant M. Girard. Nous ne voulons point relater les faits du procès, mais, saisissant l'actualité, nous allons expliquer brièvement le fonctionnement de cette institution.
C'est en octobre 1878 que fut fondé le laboratoire municipal; au mois de décembre 1880, le Conseil municipal lui donna une extension considérable et décida qu'il serait ouvert gratuitement au public.
Le laboratoire est situé dans le rez-de-chaussée et les sous-sols de la caserne de la Cité, du côté du bâtiment faisant face à Notre-Dame. Le rez-de-chaussée se compose d'une série de pièces en enfilade; c'est d'abord le bureau de réception où le public dépose les produits à analyser; le déposant doit, outre son nom et son domicile, déclarer le prix d'achat de l'objet, le nom et l'adresse de son vendeur.
Vient ensuite le bureau du directeur, son laboratoire particulier, puis le grand laboratoire que représente notre gravure, et enfin la chambre noire.



Dans le sous-sol se trouvent encore des salles d'analyses spéciales et les magasins où sont mis en dépôt les produits à analyser.
Les analyses exécutées par le laboratoire municipal sont de deux sortes: les unes qualitatives, sont gratuites; les autres quantitatives, sont payantes.
Les premières ne donnent au public qu'une appréciation sur la qualité des produits: bon, passable, mauvais non nuisible, nuisible ou falsifié.
Le rôle du laboratoire est de constater par l'analyse chimique ou physique la pureté ou la falsification des objets qui lui sont soumis. Ce rôle est purement désignatif.
Une des parties les plus intéressantes de cet établissement que l'on peut très justement qualifier d'utilité publique, est la Chambre noire qui est utilisée pour l'observations'une quantité de phénomènes, entre autres, la coloration des flammes, la recherche de la soude, de la potasse, de la lithine,etc. Les principaux instruments de la chambre noire sont le polarimètre, le spectroscope et les appareils servant à la photographie microscopique.
Le polarimètre ou saccharimètre donne, pour l'analyse des matières sucrées un grand nombre de renseignement précieux. En effet, ces substances ont la propriété de faire subir une certaine déviation à la lumière qui a été polarisée en passant au travers d'un prisme de Nicol; un système d'optique particulier (voir notre gravure) permet de juger si cette déviation a lieu à droite ou à gauche et d'en mesurer l'importance. 



Signalons les principaux emplois du polarimètre: recherche dans les vins des glucoses et raisins secs; dans les bières, dosage de la dextrine et recherche de la glucose; l'analyse des sulfates de quinine; l'examen de la falsifications des miels, confitures, etc.
Le spectroscope sert à analyser les spectres coloriés ou obscurs des flammes des différents métaux. Par la nature et la position des raies coloriées qui entent dans la composition du spectre, on peut dire quels sont les métaux qui entrent dans la flamme qu'on regarde au spectroscope.
L'utilité de la chambre noire se fait surtout sentir pour la photographie microscopique, très employée au laboratoire. Dans bien des cas, elle permet à l'expert d'annexer à son rapport et de placer sous les yeux du juge, l'image exacte du corps du délit. Supposons que l'on ait à faire l'expertise du poivre; après avoir examiné ce produit au microscope, le chimiste acquiert la certitude que ce poivre a été falsifié par une addition de grignon d'olive pulvérisé. L'expert est convaincu; mais le juge ne l'est pas. Si, au contraire, on lui présente l'image fidèle, obtenue par la photographie, de ce que le chimiste a observé; si on lui montre à côté de poivre très pur, le poivre examiné et les grignons d'olive, sa conviction est immédiate.
En résumé, l'institution du laboratoire municipal, qui étend chaque jour le cercle de ses opérations, est un véritable bienfait pour la population. Le seul fait de savoir que chaque consommateur peut faire soumettre gratuitement à l'analyse les produits achetés, rend les vendeurs plus prudents, plus timorés dans leur falsification. Le nom du vendeur étant déposé au moment de la demande d'expertise, l'administration a toutes facilités pour dresser des poursuites contre les commerçants trop portés à appliquer les progrès de la chimie à la fraude et à la falsification des produits alimentaires.

La petite revue, premier semestre 1889.

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