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vendredi 31 mars 2017

Les zouaves.

Les zouaves.


Les zouaves paraissent décidés à compléter en Orient la réputation qu'ils ont acquise en Afrique. Leur nom est cité au premier rang dans les rapports officiels; les lettres particulières se plaisent à raconter les prouesses de ces soldats, qu'on proclame les premiers du monde. Ils ont déjà leurs Suétones: celui-ci les montre pêchant à la ligne du haut des rochers de Balaklava, en attendant le jour de l'assaut; celui-là répète leurs bons mots, et crayonne leurs mœurs et usages; quelques correspondances anglaises exaltent leur galanterie à l'endroit des dames tartares, et les proclament aussi habile à triompher des volatiles de basse-cour, que dans l'exécution d'une polka échevelée sur le piano de quelque belle Russe fugitive. Tout ceci, il faut bien le reconnaître, justifie glorieusement de doux nom de suaves, sous lequel ces héros à larges culottes aiment à déguiser leur dénomination officielle. C'est l'affaire d'un z. Mais que de choses dans ce changement d'une seule lettre!
Voilà donc les zouaves devenus les lions de la guerre d'Orient.
Ce n'est que justice.
Au milieu de ce concert de voix enthousiastes, je viens demander au lecteur s'il connait l'origine de cette troupe aujourd'hui célèbre, et s'il sait ce que signifie ce nom de zouaves. Comme je le suppose mal ou pas du tout informé sur ces deux points, je vais lui en dire ce que m'en ont appris quelques documents de l'Algérie française.
J'ai sous les yeux un rapport manuscrit et confidentiel, adressé le 14 août 1830, au maréchal Bourmont par le lieutenant général de police attaché à l'expédition d'Alger. Ce rapport fait connaître au général en chef qu'un Arabe nommé Hadj Abrachman Kenni (sans doute Abd-er-Rahman) est venu offrir à l'autorité française, à titre d'auxiliaires, un corps de 2.000 indigènes. Cette troupe se recruterait, exclusivement parmi les zouaves, qu'Abd-er-Rahman donne pour les soldats les plus vaillants et les plus fidèles de la Régence.
L'auteur de la proposition appuyait son projet d'un plan d'organisation complet. En voici l'analyse, et le lecteur sera sans doute surpris que des idées aussi justes et aussi pratiques aient été conçues par un Arabe un mois à peine après la prise d'Alger:
Il y aura 5 officiers pour 100 hommes, et le projet les désigne ainsi: 2 caporaux, 2 sergents, 1 lieutenant, 1 capitaine.
Un officier supérieur, qu'Abd-er-Rahman appelle major, pour 500 hommes.
Un chef pour 1.000 hommes, qualifié de général, mais qui serait mieux nommé colonel.
Ce cadre d'officiers était emprunté aux usages turcs, car chez les Turcs d'Alger, on trouvait les dénominations suivantes: chef-dixchef-cinquante, chef-centchef-cinq-centschef-mille.
Le corps des zouaves servira à pied. Les officiers seuls seront montés.
Chaque homme aura deux habillements d'été et un d'hiver. Pour l'été, deux vestes et deux pantalons de toile blanche, et une paire de souliers. Pour l'hiver, une espèce de manteau de drap, un gilet et une veste de drap rouge avec ornements bleus; un pantalon rouge, une paire de chaussettes de peau et deux paires de souliers. En outre, deux turbans blancs, garnis d'étoffe rouge, et deux chemises.
Les caporaux seront distingués par deux étoiles en soie sur la poitrine. Les sergents auront ces étoiles mélangées d'or et de soie, les lieutenants les porteront en argent, les capitaines en or. Rien de déterminé pour les marques distinctives des officiers supérieurs.
La paye des soldats sera de 20 fr. par mois; caporaux, 30 fr.; sergents, 40 fr.; lieutenants, 50 fr.; capitaines, 70 fr.
Les hommes cantonnés près d'Alger recevront une ration de pain de munition. Les hommes détachés recevront cette ration en biscuit, et auront, de plus, des haricots et de l'huile.
Les zouaves habiteront à Alger une maison formant leur quartier général, et où siégera l'état-major. La troupe sera répartie en quatre sections détachées de 500 hommes chacune, occupant quatre quartiers différents, à certaines distances de la ville d'Alger. De ces quartiers partiront, de deux jours en deux jours, des patrouilles ou détachements chargés de parcourir le pays et d'y maintenir la tranquillité.
Les formes de service et la discipline seront celles de l'armée française.
Chaque homme sera armé d'un fusil, d'une paire de pistolets et d'un sabre algérien (yatagan).
En campagne, chaque groupe de 20 hommes aura droit à une tente algérienne.
Il y aura pour toute la troupe, 2 écrivains, 2 chirurgiens et 2 payeurs. Les officiers de santé recevront par mois 60 fr.; les écrivains, 70; les trésoriers, 80.
Nous arrivons à l'article le plus remarquable de ce plan d'organisation. Notre Arabe dit que les frais d'entretien de ce corps sur les rentes et produits des terres qui servaient aux mêmes usages sous la domination turque. Les juifs, ajoute-t-il, étaient soumis à une cotisation de 40.000 fr. par an, applicable à l'entretien des troupes du dey. On levait, pour le même objet, une contribution, espèce de patente, sur tous les boutiquiers. Abd-er-Rahman ne sait pas au juste à combien s'élevait ce dernier produit; il ne fait qu'en indiquer l'existence et la destination. Ce qui ressort de ses assertions, c'est que les 2.000 zouaves auxiliaires peuvent être entretenus sans qu'il coûte un centime à la caisse de l'armée française.
Un mot maintenant sur les indigènes dont Abd-er-Rahman offrait les services à M. de Bourmont.
Les Zouaouas, dont nous avons fait Zouaves, sont aussi désignés par les noms de Gaouaoua et d'Aït-Gaoua. Ce sont des Kabyles ou Berbères primitifs. Ils forment une confédération qui habite de hautes montagnes et des collines escarpées entre Bougie et Dellis. Ils se sont toujours fait remarquer par leur esprit d'indépendance et leur humeur belliqueuse. Retranchés dans leurs bois épais ou sur leurs rochers inaccessibles, ils bravaient autrefois l'autorité musulmane de Bougie, et ne payaient l'impôt qu'autant qu'ils le voulaient bien. Quoiqu'ils reconnussent la souveraineté du Sultan, ils s'abstenaient de tout acte qui eût impliqué l'obéissance du vaincu. Quelques unes de leurs tribus, les Béni-Khelili entre autres, n'ont jamais payé de contribution au gouvernement turc; ils acquittent seulement la zekhât et l'achour aux zaouïas ou établissement religieux.
Comme tous les Kabyles, les Zouaouas ont toujours été d'intrépides fantassins; seulement l'instinct d'expansion, le besoin d'aventures et la soif des combats, qui les distinguent de tous les autres groupes du Jurjura, les poussent à louer leurs services militaires à qui saura le mieux en tirer profit.
Ces farouches montagnards sont actifs et laborieux. Ils fabriquent de la poudre et se livrent principalement à l'industrie du fer et à l’orfèvrerie. On trouve chez eux d'habiles armuriers, et aussi, chose assez singulière, des faux-monnayeurs d'une merveilleuse adresse. Cette dernière spécialité est particulière à la tribu des Aourir-ou-Zemmour. Nous avons vu en Afrique des monnaies françaises contrefaites par ces industrieux bandits, et nous pouvons affirmer que ces échantillons révélaient une dextérité peu commune et un outillage d'une délicatesse extrême. Les marchés turcs ont toujours été inondés de ces pièces fausses, qui paraissent aussi sur les nôtres.
Quand le Zouaoui ne peut pas se servir du fusil, il s'arme de la pioche, et vient offrir ses bras aux colons européens qui apprécient sa fidélité et ses habitudes laborieuses.
Les mœurs guerrières des Zouaoua sont si connues en Algérie, que leurs compatriotes leur attribuent l'honneur d'être destinés à détruire la puissance française en Afrique. Le coup fatal sera, disent-ils, porté à notre domination près d'un village de la tribu des Beni-Iraten, nommé Adni. Nous avancerons jusque-là, mais nous serons battus, et, de ce jour,  la fortune de la France ira decrescendo jusqu'à extinction définitive.Telle l'opinion universelle dans la grande kabylie.
D'après le remarquable ouvrage de M. le commandant Carette, la confédération des Zouaoua comprend 201 villages et une population de 94.000 âmes. C'est le groupe le plus nombreux de tout le Jurjura.
Tel est le peuple qui s'offrait comme auxiliaire à la France, dès le lendemain de notre conquête. Il était juste que son nom soit devenu populaire parmi nous, comme celui d'un ami de la première heure.
Le maréchal Bourmont fut frappé du projet d'Abd-er-Rahman, et l'adopta en principe. Mais sa situation était si précaire, qu'il n'osa passer à l'exécution. Son successeur, le maréchal Clauzel, hérita de cette tâche. Le 1er octobre 1830, c'est à dire six semaines seulement après la proposition de notre Arabe, un arrêté du gouvernement ordonna la formation de bataillons d'indigènes qui porteraient le nom de zouaves. On en créa d'abord un, dont on confia le commandement à M. Maumet, capitaine d'état-major d'un grand mérite, puis d'un second, qui ne put se compléter, parce que les brillantes promesses qui avaient d'abord attiré les indigènes en foule ne furent point remplies. La désertion éclaircit les rangs du premier bataillon, et le deuxième se recruta qu'à demi. Celui-ci était commandé par le capitaine du génie Duvivier, devenu l'un des généraux les plus illustres de notre armée d'Afrique. Peu s'en fallut, dit M. Pellissier dans ses Annales algériennes, que ce corps ne fût dissout en même temps que créé; ses chefs, réduits à combattre des hostilités suscitées par la jalousie ne triomphèrent que grâce à leur énergique persévérance et à leur intelligente activité.
Le corps des zouaves devait se composer, en très-grande partie d'indigènes; on y pouvait admettre des français et des étrangers. Vers la fin de 1832, les deux bataillons furent fondés en un seul, et une ordonnance du 7 mars 1833 assis la nouvelle création sur des bases régulières. Sur douze compagnies dont se composait le bataillon, il ne devait y avoir que deux compagnies françaises, mais chaque compagnie indigène pouvait admettre que douze soldats français. Les étrangers furent exclus d'une manière absolue. Le corps devait combler ses vides par des engagements volontaires, et les Français sortant des autres régiments y étaient reçus.
L'engagement des indigènes n'était que de trois ans; celui des Français n'offrait aucune dérogation aux conditions réglementaires de notre législation.
Par une nouvelle ordonnance royale, rendue le 25 décembre 1835, les zouaves furent de nouveau divisés en deux bataillons, commandés par un lieutenant-colonel, et composés chacun de quatre compagnies indigènes et deux françaises.
Le costume adopté, dès le principe, était celui que l'on connait, c'est à dire, à peu de chose près, celui qu'avait proposé l'Arabe Abd-er-Rahman. Mais les officiers furent libres de conserver l'uniforme français. Quelques-uns essayèrent du costume turc, mais soit que ce déguisement gênât leurs allures, soit qu'ils éprouvassent quelques remords d'avoir renoncé à l'habit national, ils reprirent leurs uniformes. C'est fâcheux, car la tenue des zouaves est infiniment plus élégante, plus pittoresque, plus jolie en un mot, que la tunique, le pantalon étroit et le shako de notre infanterie.
Peu à peu les indigènes (les Arabes du moins), qui préfèrent le service de la cavalerie, s'éloignèrent des zouaves. Quant aux Kabyles, des motifs politiques, habilement exploitée par Abd-er Kader, les détournèrent de la voie où ils avaient paru vouloir entrer avec un certain empressement. Si bien que le corps des zouaves a fini par être composé presque exclusivement de français, parmi lesquels figurent bon nombre de Parisiens.
Tout le monde connaît les immenses services rendus en Afrique par les zouaves. Dans toutes les expéditions ils ont toujours été placés aux postes les plus périlleux; aucune occasion de se distinguer ne leur a été refusée, et certes ils en ont glorieusement profité. Aussi tous les militaires qui désirent un avancement rapide, conquis à la pointe de leur épée, cherchent-ils à passer dans les zouaves.
Sans compter une foule d'officiers distingués formés à cette brillante école, c'est du corps des zouaves que sont sortis les généraux Duvivier, Lamoricière, Cavaignac, Ladmirault, Canrobert et Bourbaki. De tels noms disent assez quelle place doit tenir dans l'histoire militaire de l'Algérie française, la vaillante troupe qui s'est illustrée avec eux.

                                                                                                             Frédéric Lacroix.

L'Illustration, journal universel, 4 novembre 1854.

Nota de Célestin Mira:



















dimanche 26 mars 2017

Ce que dit le docteur.

Ce que dit le docteur.




- A propos, docteur, comment va le baron de Servillette?
- Mais, comtesse, il ne va plus, on l'a enterré ce matin.
- Et vous êtes, sans doute, allé à l'enterrement?
- Oh, comtesse, s'il nous fallait accompagner tous les malades qui nous échappent, nous serions toute la journée au cimetière.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 23 août 1908.

Usages populaires en France.

Usages populaire en France.
   Processions de la ville de Douai (Nord)
        Le géant Gayant et sa famille.


En 1749, la guerre se poursuivait entre le roi de France et l'archiduc Maximilien, époux de Marie de Bourgogne, comtesse de Flandre. Les français voulaient surprendre la ville de Douai; ils se cachèrent dans les Avêties, près la porte d'Arras; et le matin du seizième jour de juin étant venu, ils firent conduire près de cette porte un cheval et une jument, espérant s'introduire dans la place au moment où la garde sans défiance ouvrirait le passage.
Ce projet fut déconcerté, et les français se retirèrent. Afin de consacrer la mémoire de cet événement, le conseil de la ville, le clergé et les notables résolurent, en 1480, qu'il serait fait chaque année, le 6 juin, une procession générale en l'honneur de Dieu, de toute la cour céleste, et de M. saint Maurand.
Peu à peu, on vit s'introduire dans ces processions des figures grotesques ou ridicules, entre autre le célèbre géant Gayant, Cagenon, saint Michel et son diable, etc. A ce sujet, l'évêque d'Arras adressa, en 1699, des représentations aux échevins de la ville. Ceux-ci consentirent à la suppression de la figure du diable de saint Michel; mais les abus auxquels donnait lieu la procession ne cessant point encore, cette cérémonie fut abolie par mandement de 1771, après des contestations infinies entre l'autorité civile et religieuse.
Vers le même temps, et afin de célébrer le retour de la ville à l'obéissance de Louis XIV, on institua une autre procession générale; par lettres closes de juin 1771, le roi enjoignit aux autorités d'y assister; depuis cette époque, elle eut lieu sans interruption, le 6 juillet de chaque année, jusqu'à la révolution.
Aujourd'hui, la procession de Gayant, rétablie en 1801 n'est plus une procession religieuse.
Pendant la durée de la fête communale, on promène seulement la roue de la fortune, le sot ou fou des Canonniers, et Gayant, ainsi que sa famille, composée de sa femme, et de Jaco, Fillion et Tiot-Tourni, ses enfans. La grande popularité dont jouissent ces célèbre mannequins dans le Nord ne contribue pas peu à attirer dans la ville une grande partie des habitans des communes environnantes.
Il n'existe rien de bien certain sur l'origine de cette illustre famille; ce qui paraît le plus probable à cet égard, c'est que ce fut Charles-Quint, qui, dans le but d'amener les habitans des diverses provinces des Pays-Bas à se réunir et à fraterniser, établit des fêtes dans lesquelles on vit paraître des figures gigantesques, telles que Gayant, dont la tête atteint la hauteur du premier étage des maisons. De même qu'à Douai, des géans ont joué des rôles importans dans les divertissements populaires, à Dunkerque, Bruges, Bruxelles, etc.
Gayant et sa famille ont contribué à l'amusement de la femme de LouisXIV lorsque cette princesse fit son entrée à Douai en 1667.

Le Magasin pittoresque, 1833, livraison 6.

samedi 25 mars 2017

Assassinat de M. Stamboulof.

Assassinat de M. Stamboulof.
      ancien chef du ministère Bulgare.



M. Stamboulof, qui fut pendant sept ans le dictateur de la Bulgarie, vient d'être assassiné dans des conditions extrêmement cruelles.
On se souvient que ce personnage politique, opposé à l'influence russe en Bulgarie, favorisa le 7 juillet 1887 l'élection du prince Ferdinand de Saxe-Cobourg, le 28 août suivant, l'appela à la présidence du conseil avec le portefeuille de l'intérieur.
Pendant sa direction aux affaires, qui dura jusqu'en mai 1894, M. Stamboulof s'est montré d'une dureté excessive pour ses ennemis.
Il a inauguré contre eux un régime de terreur, soupçonnant toujours des complots, dressant de longues listes de proscription, ordonnant sans pitié des exécutions capitales, dont la plus tristement célèbre fut celle du major Panitza.
Ce régime odieux souleva l'opinion publique à tel point que le prince Ferdinand dut se séparer bientôt de son ministère.
Mais M. Stamboulof avait laissé après lui des haines implacables. Sur le poteau où expira le major Panitza, une main inconnue avait cloué un écriteau sue lequel était écrit: "Bientôt, Stamboulof, ce sera ton tour!" Dès ce jour la mort du tyran avait été décidée.
Cette menace a été exécutée le 15 juillet à huit heures du soir, au moment où M. Stamboulof sortait de l'Union-Club. Il était déjà assis dans sa voiture, quand trois jeunes gens se jetèrent à le tête des chevaux qui allaient partir.
M. Stamboulof sauta dehors, sans doute pour prendre la fuite; alors commença une véritable boucherie.
Un agresseur porta à la victime un violent coup de yatagan qui lui coupa le poignet. M. Stamboulof tenta de s'enfuir, mais il reçut un coup de poignard sur la tête, puis une balle de revolver dans le dos. Alors il tomba.



Ce ne fut pas tout; les assassins lui portèrent encore deux coups de poignard à la tête et un autre à la poitrine. Le blessé essaya de parer de la main restée valide; mais cette main comme l'autre fut atteinte et pendit presque détachée du poignet.
Ce  qu'il y a de significatif, c'est que ceci se passait en pleine rue de Sofia, où il y avait du monde, des agents de police et des gendarmes, et que personne ne vint au secours de la malheureuse victime. La seule personne arrêtée sur le moment fut le domestique de M. Stamboulof qui poursuivait un assassin. Cette erreur, sans doute volontaire, a permis à l'assassin de s'échapper. L'opinion publique accuse la police de complicité.
M. Stamboulof est mort après deux jours d'horribles souffrances; on avait du achever de lui amputer les mains.
Certes le ministre bulgare avait montré de la cruauté dans sa politique; mais cette fin n'est-elle pas atroce et n'inspire-t-elle pas une grande pitié?
Elle rappelle certaines paroles de l’Évangile, que les hommes d'Etat doivent méditer plus encore que les simples citoyens.

Le Petit Journal, dimanche 4 août 1895.

Frais d'établissement des petits métiers à Paris.

Frais d'établissement des petits métiers à Paris.
Le cordonnier en vieux- Le chiffonnier- La marchande de friture.


Lorsqu'un paysan breton a prélevé, sur le prix de son travail de 365 jours, ce qu'il doit aux impôts, il ne lui reste que 20 francs au plus à dépenser pendant toute l'année pour se nourrir et se vêtir.
"Vingt francs! s'écriait l'écrivain qui établissait dernièrement ce fait sur des calculs rigoureux; vingt francs! c'est ce que coûte un dîner d'une heure chez les Frères Provençaux*!"
"Vingt francs! peuvent dire de leur côté ceux que les circonstances ont amenés à connaître dans les détails intimes de leurs mœurs les plus pauvres habitans de la capitale; vingt francs! c'est juste la somme nécessaire aux frais d'établissement les plus considérables de chacun des petits commerces, des petites professions qui font vivre presque un huitième de la population de Paris."
A Paris, en effet, il est une classe laborieuse d'hommes et de femmes, vieillards, jeunes filles, enfans, dont toute l'existence repose uniquement sur un gain quotidien qui ne s'élève pas toujours à dix sous, et qui atteint rarement trente sous.
Encore leur faut-il, au commencement, des instrumens de travail, un capital, un fonds, qu'ils perdent parfois en quelques journées; car ils sont exposés, aussi bien que les grands commerçans, aux faillites. Il suffit, pour consommer leur ruine, d'une maladie qui a duré plus d'une semaine; d'une amende que par imprudence ils ont encourue; d'une partie de plaisir qui a commencé trop tôt le dimanche et à fini trop tard le lundi; ou même d'un prêt généreux à quelque malheureux plus malheureux qu'eux-mêmes, et qu'il n'ont pu secourir qu'en engageant au Mont-de-Piété tout ce qu'ils possédaient.
A défaut d'outils, de marchandises ou de provisions, ils seraient réduits à la mendicité; mais, habitués au travail et à une sorte d'indépendance au milieu de cette grande ville, dont ils sont les habitans nomades, ils ne se résigneraient qu'à la dernière extrémité à vivre d'aumônes; ils préfèrent emprunter à des pauvres gens qu'ils ont peut-être aidés autrefois, ou, s'ils demandent à des personnes riches de leur connaissance, c'est à titre d'avance seulement; ils exigent même souvent alors qu'on aille acheter avec eux les objets qui leur sont nécessaires pour travailler, soit qu'ils ne veulent pas être soupçonnés d'un mauvais emploi de l'argent, soit qu'ils redoutent eux-mêmes la tentation, toujours prête à les saisir au milieu de leurs privations continuelles.
Il y a une variété infinie de ces petits métiers, et ils nécessitent en général plus d'aptitude et d'expérience qu'on ne saurait imaginer.
Les uns peuvent être considérés comme fixes et durables, par exemple ceux des écrivains publics, barbiers sans boutique, petites couturières à la journée, etc., marchandes des quatre saisons, marchandes de friture, de gaufres, de petits gâteaux, de jouets, commissionnaires, porteurs d'eau, marchand d'habits, joueur d'orgue, marchand de ferraille, de bric-à-brac, de verres cassés, chiffonniers, décrotteurs, etc., etc.; d'autres, au contraire,  sont passagers, changeans, et souvent sont sujet au cumul, par exemple ceux des marchands de tisane, scieurs de bois, ébarbeuses de socques, colporteurs d'almanachs, crieur d'évènemens remarquables et de jugemens célèbres, marchand de marrons, pêcheur à la ligne, etc., etc.; mais tous, sans exception, peuvent être entrepris au moyen d'une première mise de fond, qui n'est, suivant leur importance, que de 20 fr., de 10 fr., et quelques-uns même de 5 fr.
Des renseignements minutieux, en grande partie extraits des procès-verbaux et des pièces de comptabilité d'un comité de secours institué vers 1820 par quelques jeunes gens dans la rue Taranne, nous permettront de donner successivement les notes statistiques des frais indispensables d'établissement de ces différentes professions; avant tout, nous croyons nécessaire de faire précéder cette sorte d'inventaire d'une seule remarque générale. La plupart des états dont il sera question s'exercent en plein air, ou à peu près; il est donc une dépense qui doit prudemment précéder toutes les autres, c'est le paiement du loyer d'un réduit pendant la durée du premier mois de travail. Le prix le plus élevé, chez les principaux logeurs, est fixé à 4 francs, du moins aux environs du Panthéon, de Notre-dame et de l'Hôtel-de-Ville.

Cordonnier en vieux.
Il n'est personne qui n'ait souri devant une caricature qui représente un savetier fort en colère contre sa femme, et s'écriant, je crois, dans son indignation: "Malheureuse! tu oses insulter un homme établi! **"
Cette exclamation est très naturelle et très juste. Celui qui a le bonheur de posséder quelques outils, des formes qu'il a façonnées lui-même, un mauvais siège et un toit de bois large d'un pied et demi, à une place fixe, est à l'un des premiers rangs des petits métiers. S'il est économe, assidu, rangé, s'il tient parole à ses pratiques, qui sont en général les servantes de la rue, il parviendra, à force d'économies à se faire pour la mauvaise saison un enclos de planches peintes avec des croisées vitrées, ou bien à sous-louer un intérieur de porte bâtarde, qui, avec le temps, pourra s'agrandir en boutique; et même, qui sait, s'il n'obtiendra pas un jour une place de portier!
Voici la liste et le prix des outils qui lui sont le plus nécessaires:

Une paire de pinces:  3 f.
Un marteau:  2 f. 25
Deux tranchets à 1 f. 50:  3 f.
Une demi-douzaine de manches d'alênes à 15 c.:  90 c.
Une paire de tenailles:  1 f. 50
Un astic en buis:  75 c.
Idem en os:  50 c.
Un plastron:  50 c.
Deux biseigles à 75 c.:  1 f. 50
Un fusil:  75 c.
Une mailloche:   1 f. 25
Un fer à jointures:  1 f. 10
Idem à piqûre:  1 f.
Une roulette:  75 c.
Un fer à coulisse:  1 f. 50
Idem à passe-poil:  1 f. 20
Planches, bois pour les formes et un siège:  3 f.

                                     Total:  24 f. 45 c.


Chiffonnier.
Le chiffonnage est un métier difficile. L'apprentissage est long et difficile pour s'ouvrir un chemin paisible à travers la concurrence, pour arriver à diviser habilement le travail de chaque semaine, de chaque jour, de chaque nuit; pour connaître les heures favorables, les bons endroits, les débris les plus précieux à enlever, os, verres cassés, chiffons, papier, carton, bourres de crin, produits chimiques, etc.; pour se faire bien venir des portières; enfin pour avoir, dans différens quartiers, des maisons, comme on dit, attitrées. L'état est assuré quand on n'a plus à craindre de s'attirer par inexpérience les querelles et les coups des confrères, quand on est suffisamment connu des agens de police, quand on a une casquette chaude, des guêtres de cuir, un dos de cuir, une lanterne garnie de son verre, et qu'on a pu se laisser pousser la barbe, de manière à poser au moins dans les ateliers. Les chiffonniers habiles savent améliorer sensiblement leur métier: ils parviennent à s'associer, à louer un coin de grenier, et à emmagasiner les matières de choix, de manière à être en état d'attendre des offres de plus en plus avantageuses des marchands et des fabricans.

Une médaille de chiffonnier***:  2 f.
Un mannequin:  3 f.
Un crochet:  50 c.
Une lanterne:  75 c.

                   Total:  6 f. 25 c.

Marchande de friture.
Les premiers frais de ce métier, lorsqu'il ne s'exerce que dans les rues et sur les ponts, ne s'élèvent pas au-delà de 10 à 12 francs. Il suffit alors d'un éventaire qui s'attache à la ceinture, d'une hotte, d'un panier, d'une poêle à main, d'un petit réchaud, et de quelques provisions en charcuterie et en pommes de terre****. Dès qu'il cesse d'être ambulant, la dépense est plus considérable, les provisions sont plus variées; il est besoin d'un assortiment de poissons: soles, limandes, carlets, fretin, etc. Enfin lorsque l'on commence à avoir besoin de plusieurs fourneaux à la fois, de s'approvisionner à la Halle à la volaille, la profession est de premier ordre, et son nom se transforme en celui de rôtisseur.

Un fourneau: 4 f.
Un baquet:  2 f. 50
Un seau:  1 f.
Deux tréteaux et une planche:  5 f.
Un chevalet:  1 f. 
Deux paniers:  1 f. 50
Plat et assiettes: 1 f. 50
Une poêle à frire: 1 f. 50
Une hotte:  3 f.
Une pelle et une pincette:  1 f.
Un soufflet:  1 f.
Deux pots de grès:  1 f.
Premières provisions:  3 f.

                                    Total:  27 f.

                                                                                                                 (à suivre)

Le Magasin pittoresque, 1833, livraison 3.




* Nota de célestin Mira:

Le restaurant des Trois Frères Provençaux était situé au Palais-Royal.









Carte du restaurant des "Trois Frères Provençaux" (Bibliothèque de Dijon)
** Un homme établi:





*** Médailles de chiffonnier:






**** Marchande friture.



jeudi 23 mars 2017

Envahissement de Paris et de la France par les mouches.

Envahissement de Paris et de la France par les mouches.

Une invasion de mouches.

Le public s'effraye facilement. Il n'y a pas un mois, en province et même à Paris, apparurent soudain des milliers de mouches noires que l'on n'avait pas remarqué jusqu'ici. Ces mouches, plus allongées que nos mouches ordinaires, avec de grandes ailes très mobiles et de longues pattes, abondaient de tous côtés. On ne pouvait faire un pas sans les écraser et les ignorants répétaient à qui voulaient les entendre, que ces mouches étaient les avant-coureurs du choléra. 
En Normandie, surtout sur le littoral du département de la Somme, les mouches s'abattirent du 10 au 16 mai, restant souvent inertes et sans force, comme épuisées par un long voyage. On a pu les voir par myriades aux environs de Paris, dans la banlieue, aux environ de Grignon.
On se trompait singulièrement en supposant qu'elles avaient envahi nos régions pour la première fois cette année. Ces mouches sont bien connues des naturalistes. Elles sont déjà venues, après la guerre, au printemps de 1872. Et naturellement, on ne manqua pas de soutenir à cette époque que leur apparition coïncidait avec l'ensevelissement de nombreux cadavres autour de Paris. Encore cette fois ces diptères causèrent une véritable frayeur et à tel point que M. Emile Blanchard, l'éminent et regretté professeur du Muséum, crut devoir rassurer les Parisiens en disant à l'Académie des Sciences la vérité sur ces mouches de malheur.

Légendes et réalités.

Ces insectes sont très connus et éclosent chaque année au printemps et presque tous à la fois. Ils ont toujours été remarqué par les naturalistes et on leur a donné des noms divers selon les époques de leur apparition. On les a appelés "mouches de Saint-Marc" quand les insectes venaient aux environs du 25 avril, date de la fête de saint Marc l’Évangéliste, ou bien "mouches de Saint-Jean" quand les insectes éclosent vers le jour de la fête de Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin.
Ces insectes avaient été classés dans le genre "tipule" par Linné. Geoffray les rapporta au genre "bibion" qui signifie "petite grue". Les insectes, quand ils volent, réunissent leurs quatre pattes postérieures très longues en un seul faisceau filiforme porté obliquement en arrière, ce qui leur donne l'apparence de grues qui planent dans le ciel, leurs longues pattes rassemblées.
Les bibions, avant l'accouplement, volent assez haut et très vite s'ils sont pourchassés. Mais après l'accouplement, les insectes se traînent péniblement sur leurs pattes, tombent et meurent. Les mâles meurent d'abord, puis ensuite les femelles après la ponte. Généralement les bibions éclosent en quantité normale: il faut des circonstances spéciales, encore ignorées, pour que certaines années, comme en 1872 et en 1908, les mouches éclosent en quantité extraordinaire.
Cette mouche est inoffensive, ne fait aucun mal à la végétation; celle qui nous a envahi au printemps est la mouche de St-Marc, longue de 9 à 11 millimètre; son corps est noir et velu; les ailes sont blanches et bordées de brun chez les mâles. C'est une mouche commune partout, même quand elle passe inaperçue.
On peut donc se rassurer sur son compte et ne plus s'étonner de l'apparition du bibion. Pourquoi ces nuées en 1908? On ne saurait le dire: mais il en a été pour cette espèce comme pour tant d'autres. Nous avons des invasions d'insectes de temps en temps dont la cause nous échappe. Il y a des années à puces, des années à moustiques, etc.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 16 août 1908.

Galerie d'Orléans au Palais-Royal.

Galerie d'Orléans au Palais-Royal.


Le Palais-Royal est tout moderne; en 1624, lorsque le cardinal duc de Richelieu acheta le terrain qu'il occupe, on y voyait que deux vieux hôtels de Mercoeur et de Rambouillet; alors, les rues Richelieu, Montpensier, Beaujolais, n'étaient pas ouvertes, et les jardins étaient encore traversés diagonalement par les murs du vieux Paris. On éprouve quelque regret en songeant qu'il ne reste aucune trace des transformations qu'a subies cette localité; peut-être les habitués qui dans la belle saison savourent leurs glaces sous la fraîcheur parfumée du jet d'eau, aimeraient à reporter leur imagination au temps où les fossés de Paris traversaient la place sur laquelle leur table est servie.
A la voix du cardinal, toute cette partie de la capitale prit un nouvel aspect: les hôtels furent jetés bas, les vieux murs démolis, les fossés comblés, le sol nivelé, le rue Richelieu percée. En 1629, l'architecte Lemercier fut chargé des constructions.
A cette époque, sur le terrain où est bâtie aujourd'hui la galerie d'Orléans, s'étendait une terrasse, soutenue par sept arcades à jour, qui s'élevait au niveau du premier étage, et produisait à peu près l'effet que l'on remarque aujourd'hui. Les insignes de la charge de surintendant de marine, dont le cardinal était revêtu, se répétaient entre chaque arcade, sculptés en relief: c'était une proue de vaisseau et deux ancres en dessous. Cette décoration ne se retrouve maintenant que sur l'aile droite de la cour d'honneur, en face du magasin de Chevet*.
Ceux qui dépensent chaque soir leur temps dans la Galerie d'Orléans ont à peine quelques pas à faire pour aller jeter un coup d’œil sur ces ornemens, qui seuls rappellent au public le souvenir du cardinal de Richelieu dans ce monument qu'il a fondé. C'est un petit pèlerinage à accomplir.
La magnificence que le cardinal déploya dans ses fêtes, la richesse voluptueuse et galante de ses appartemens, lui eussent bientôt aliéner le cœur du roi, s'il n'eût fait disparaître cette cause de disgrâce, en cédant à son maître, par donation entre vifs, son hôtel avec plusieurs meubles et bijoux. Le roi expédia aussitôt au surintendant des finances un pouvoir, portant que: "Sa Majesté ayant très agréable la très humble supplication qui lui a été faite par le cardinal de Richelieu, d'accepter la donation de l'hôtel Richelieu, sa chapelle de diamant, le grand buffet d'argent ciselé et le grand diamant, Sa Majesté accorde à Claude Bouthillier la faculté d'accepter."
Par cette adroite manœuvre, le courtisan sut faire excuser toutes les dépenses qu'il avait faites, et justifier par avance toutes celles qu'il voulait faire encore pendant l'usufruit qu'il s'était réservé.
En 1692, cette demeure fut définitivement concédée au duc d'Orléans, frère de Louis XIV, à titre d'apanage, et l'édifice ne subit aucune rénovation importante jusqu'en 1765, où le signal d'une restauration complète fut donné par un incendie qui dévora la façade du corps de logis principal.
En 1781, le Palais-Royal commence une ère nouvelle; il va devenir le centre le plus actif de Paris pour l'industrie. L'architecte Louis, renommé pour la construction de la belle salle de spectacle de Bordeaux, est mandé par le duc de Chartres; d'après ses plans, on décide qu'une large bande de terrain sera prélevée sur le pourtour du jardin pour recevoir les trois grands corps de logis que nous voyons aujourd'hui. A cette nouvelle, la colère des Parisiens fut extrême. Chacun de crier: d'abord, les propriétaires qui avaient des terrasses et des portes sur le jardin; puis les promeneurs et les nouvellistes, qui pleuraient l'allée de marronniers plantée par le cardinal. Pour consoler tout ce monde, le prince fit distribuer une gravure représentant les façades projetées, avec un texte qui rassurait les habitans sur l'avenir de leur promenade. Il semblait que ceux-ci fussent de moitié dans la propriété du Palais.
Malgré ces prévenances, les Parisiens crièrent; malgré les cris des Parisiens, les maçons et la coignée allèrent leur train; et en 1787, trois façades furent achevées; mais les troubles survinrent lorsqu'on jetait les fondations de la quatrième, qui ne devait différer des trois autres que par un petit dôme, semblable au pavillon de l'Horloge des Tuileries, et par une colonnade inférieure, à jour. La révolution arrêtant les travaux, on construisit des hangars en planches, dans lesquels on disposa deux promenoirs et deux rangées de baraques. Elle portèrent d'abord le nom de Camp des Tartares, qui fut bientôt remplacée par celui de Galerie de Bois, dont la renommée s'est étendue dans les trois mondes.
Ceux qui peuvent comparer ces Galeries de Bois avec la belle promenade achevée en 1829, s'accordèrent à remercier la puissance industrielle qui transforme un cloaque en une magnifique habitation, mais ils seront unanimes à regretter que cette puissance, n'ait pu donner au nouvel édifice la couleur pittoresque de l'ancien.
Un pavé de marbre, toujours brillant de propreté, remplace la terre battue et fangeuse sur laquelle on piétinait; un dôme de cristal multiplie les rayons du soleil, là où de petites fenêtres les tamisaient au travers de leur crasse; des vestibules spacieux et de larges ouvertures appellent les ondulations de l'air qui croupissait autrefois dans les recoins; des magasins transparens, éclatant de métal poli, éclairés par un large vitrage, étalant des marchandises variées, ont été substitués aux vilaines baraques tout ouvertes que la poussière envahissait. des glaces sont plaquées de haut en bas sur chaque pilastre; les ornemens, les moulures, sont prodigues; une balustrade à jour règne sur le pourtour au-dessous du toit de verre; à l'extérieur une colonnade tourne autour de la galerie; elle est couronnée par une terrasse, sur laquelle s'élève symétriquement une enfilade de cylindres surmontés de boules dorées. Une double rangée de vases remplis de fleurs achève la décoration de la promenade supérieure, tandis qu'à l'intérieur une longue suite de globes de cristal se remplit chaque soir de lumière.




Eh bien! malgré toutes ces belles choses, malgré l'élégance du lieu, le Palais-Royal a perdu une partie de son prestige, de son caractère original. Il n'y a plus de couleur locale; c'est un magnifique et riche bazar, mais ce n'est qu'une reproduction en grand des bazars, des passages, des galeries, dont Paris, chaque jour, se décore. Doit-on s'en plaindre ou s'en réjouir? ce que la moralité publique a gagné compense-t-il la froideur qui règne dans ces lieux autrefois si animés. Nous laissons au lecteur le soin de répondre à cette question.
M. de Chateaubriand dit, en parlant des O-Tahïtiennes si voluptueuses autrefois et puritaines aujourd'hui, qu'elle expient dans un grand ennui la trop grande gaïeté de leurs mères. Si ce principe d'expiation était une loi générale, le Palais-Royal aurait pour long-temps à porter le deuil. Mais nous, qui ne pleurons point le vieux temps, nous ne voyons dans tout ceci qu'une époque de repos. L'ancien peuple que les Galeries de Bois avait enfanté, et qui vivait dans leur obscurité, a dû disparaître et périr sous la lumière d'un ciel pur. Laissons couler quelque peu d'années, et la génération actuelle fera les frais d'un peuple nouveau, qui, sans avoir la licence de l'ancien, en reproduira la verve et l'originalité.

Le magasin pittoresque, 1833, première livraison, deux sous par livraison.


*Nota de célestin mira: Magasin de Chevet , située au bout des galeries de pierres, du temps des galeries en bois, en 1845.




mercredi 22 mars 2017

Origines singulières de certains types.

Origines singulières de certains types.


M. Victor Fournel, dans une érudite et piquante causerie littéraire, étudie les types dont le nom est si bien entré dans la langue courante que, après n'avoir désigné qu'un individu, il finit par désigner une espèce. De M. Haussmann on a fait un verbe. d'une foule d'autres personnages, réels ou imaginaires, on a fait des noms communs, dont nous ne soupçonnons plus l'origine:
"Qui se doute, par exemple, d'où vient ce terme de riflard, qui est le nom en langue verte, d'un parapluie? Riflard est un personnage de la Petite Ville de Picard, comédie en quatre actes, en prose, jouée à l'Odéon le 18 mai 1801. Rien, dans son rôle écrit, ne fait allusion au meuble domestique dont il est devenu le parrain familier. Mais, pour ajouter au ridicule de ce prétentieux personnage, l'acteur de l'Odéon qui en était chargé imagina de le munir d'un parapluie aux dimensions énormes, qui devint inséparable du rôle et qui en prit le nom.
"S'il est un mot qui soit devenu d'un usage habituel pour désigner un patriotisme naïvement exalté, étroit et aveugle, c'est celui de chauvin et de chauvinisme. On prétend que ce mot vient ordinairement d'un Nicolas Chauvin, vieux grognard du premier empire, criblé de blessures et qui s'était rendu célèbre, même parmi ses camarades, par l'intensité de son idolâtrie napoléonienne. Il est beaucoup plus sûr de s'en tenir au Chauvin de la Cocarde tricolore.
"La Cocarde tricolore est un vaudeville en trois actes des frères Cogniard, joué en 1831 aux Folies-Dramatiques. Il est depuis longtemps complètement oublié et à très juste titre, mais il eut en ce temps-là une vogue extraordinaire, et il a encore enrichi la galerie des types populaires de la figure de Dumanet. La scène se passe en Algérie et les allusions politiques amenées par la date de la pièce s'y mêlent aux allusions patriotiques, ce qui explique doublement sa popularité. Le conscrit Chauvin y chantait une chanson: J'ai mangé du chameau, que les contemporains fredonnèrent comme ceux de Paulus ont fredonné en r'venant d'la revue*. Il faisait la conquête d'une odalisque, et s'écriait: "Plus de jésuites!" En fallait-il davantage pour assurer le succès du rôle?
"Charlet** contribua puissamment par son crayon à fixer le type, comme Daumier pour Robert Macaire. Après lui, les caricatures militaires s'emparèrent de la physionomie de Chauvin, et, grâce à eux, elle devint très vite proverbiale et légendaire.
"Le mot de gandin*** a longtemps désigné, sous l'empire, ce successeur des dandys, des muscadins, des fashionables, qu'on depuis appelé le cocodès, le petit crevé, le gommeux, c'est à dire cet être anémique et précocement blasé, posant pour le scepticisme, indifférent à tout ce qui dépasse son étroit horizon, borné à l'ouest par le bois de Boulogne et à l'est par le théâtre des Variétés, répétant à satiété la plaisanterie du jour, incapable de lire autre chose que le Figaro, ne connaissant rien, en ce temps là, au-dessus d'Offenbach et de Mlle Schneider, aujourd'hui, rien en dehors de Judic et de Théo, toujours habillé à la dernière mode, se faisant coiffer chez l'artiste en renom, ganter chez la bonne faiseuse, chausser suivant les principes du jour, et fleurir la boutonnière par la bouquetière du Jockey-club.
"Il avait pour parrain le Gandin des Parisiens, comédie un cinq actes de Th. Barrière, jouée le 28 décembre 1854. Le Gandin de Barrière est une sorte de parasite, élégant, nul et jaloux. Mais, comme il arrive toujours, le type acheva d'être constitué par les chroniqueurs et les journalistes."
Personne n'ignore que Pipelet, qui a donné son nom, dans l'argot populaire, à tous les concierge, est un personnage des Mystères de Paris, à qui le rapin Cabrion joue des tours pendables, et que Gavroche, aujourd'hui synonyme de gamin de Paris, joue son rôle dans les Misérables.
"Calino, n'est pas précisément devenu un nom commun, mais il est devenu un nom courant, une espèce de passe-partout, très commodes aux chroniqueurs, aux rédacteurs d'Echos de Paris, de Nouvelles à la main, pour placer les mots qu'il invente, comme le sont en d'autres genres Champoireau, Taupin (emprunté à Diane de Lys, de Dumas fils) et Boirot ou Boireau, ce type de barrière, mis en circulation par Lambert Thiboust dans  l'Homme n'est pas parfait, perfectionné et complété par les charges d'atelier. De Calino ou de Calinot, qui est la forme primitive, on a tiré le substantif calinotade.
"Quelle en est l'origine? Elle demeure un peu confuse et il faudrait exécuter des fouilles méthodiques pour l'éclaircir bien nettement. On dit que Calino a réellement existé, qu'il était employé chez un marchand de curiosités et de tableaux du boulevard des Italiens. On peut dire qu'il existe encore et qu'il existera toujours, tant qu'il se trouvera des braves gens poussant la naïveté jusqu'à la niaiserie. Quoi qu'il en soit, Calino n'était encore qu'une vague légende d'atelier quand les frères de Goncourt s'en emparèrent pour en fixer les traits, dans leur Voiture de masques, publiée en 1856. Le chapitre sur Calinot avait été écrit quelques années auparavant: il fit peu de bruit dans le livre, tiré à petit nombre, et reparut à diverses reprises, avec quelques variantes et plus ou moins abrégé, dans les journaux tels que le Nain Jaune.
"L'année même où parut la Voiture de masques, Théodore Barrière et Fauchery s'en emparèrent pour la scène, et leur vaudeville de Calino, contribua à populariser cette figure du balourd à la bêtise épanouie et d'une inébranlable sérénité dans ses âneries colossales, qui n'est qu'une des innombrables variantes du Jocrisse classique. Les journaux du boulevard ont ouvert un compte courant à Calino."

Le Petit moniteur illustré, 3 février 


* Nota de célestin Mira



**Nicolas- Toussaint Charlet 1792-1845.



Soldat, vieillard et enfants.

*** 



Photographie d'une assiette de Sarreguemines du dernier tiers du XIXe siècle représentant six élégants, extraite du blog de la Mesure de l'Excellence.(www.la mesure.org/article-le-gandin-11048116.html) Photographie L.M. Les six élégants sont identifiés chacun par une pancarte intitulée: Benoitonne, Cocodès, Gandin, Biche, Daim et Cocotte. Voir à ce sujet: http://www.lamesure.fr/livre/LesPetitsMaitresDeLaModeLeLivre. html. (avec l'autorisation de l'auteur)

lundi 20 mars 2017

Une cause célèbre à Athènes.

Une cause célèbre à Athènes.


Le musée du Louvre vient de faire une précieuse acquisition, qui aura un grand retentissement parmi les nombreux  admirateurs de la littérature antique. Il s'agit du célèbre discours prononcé par Hypéride, le rival et l'ami de Démosthène, contre Athénogène.
Si le nom d'Hypéride n'est pas très connu du public, peu de personnes, par contre, ignorent l'anecdote qu'un tableau de Gérôme a popularisé. C'est Hypéride, en effet, qui, défendant la courtisane Phryné, accusée d'impiété, enleva brusquement le péplum qui recouvrait le corps de la belle impure*. Cet argument ad hominen eut, on le sait, le plus grand succès et sauva la tête de la cliente d'Hypéride.
Dans toute l'antiquité, le nom d'Hypéride était toujours associé à celui de Démosthène quand on parlait d'orateurs célèbres. Malheureusement, l'incendie de la bibliothèque de Mathias Corvin, roi de Hongrie, par les Turcs, détruisit les seuls manuscrits alors connus et dans lesquels se trouvaient plusieurs discours du grand avocat athénien. C'est seulement depuis une trentaine d'années que l'on a retrouvé sur des papyrus de la haute Egypte quelques fragments de discours; les deux principaux, dont Longin parle dans son Traité du Sublime, celui pour Phryné et le discours contre Athénogène, restaient inconnus. C'est le second que M. Revillout, conservateur adjoint au musée du Louvre, vient de découvrir sur un papyrus égyptien dont il a fait récemment l'acquisition.
Pour saisir toute l'importance de la découverte, il faut se rappeler qu'à l'époque où Hypéride prononça son discours, Athènes, vaincue avec la confédération grecque à Chéronée, se trouvait sous l'influence macédonienne. Démosthène et Hypéride luttaient pour l'indépendance de leur pays et avaient comme adversaire Athénogène, le chef de la faction dévouée aux intérêts du roi de Macédoine.
Cet Athénogène possédait une boutique de parfumeur qu'il faisait gérer par un esclave nommé Midas. Le client d'Hypéride avait prêté des sommes relativement considérables à Midas qui, disait-il, voulait réunir un pécule suffisant pour acheter sa liberté. Mais en fait, ces sommes allaient directement dans la poche d'Athénogène dont la situation était quelque peu obérée.
Le client d'Hypéride, désespérant de rentrer dans ses débours, résolut d'acheter la parfumerie d'Athénogène, et son gérant. Il faut dire qu'à Athènes les parfumeries comme les boutiques de confiseurs et de barbiers servaient de lieux de rendez-vous au monde élégant et avaient une valeur marchande très élevée. La boutique d'Athénogène, en raison du rôle politique de son propriétaire, devait évidemment être très achalandée. Aux premières propositions qui lui furent faites, Athénogène répondit négativement: il éconduisit brutalement son créancier. Mais il se ravisa et dépêcha quelques jours après auprès de lui une hétaïre nommée Antigone qui devait négocier l'affaire. Antigone et le futur acheteur se rencontrèrent sur la place publique: εν τμ αγορα.
"Je lui fis le récit de ce qui s'était passé, dit Hypéride, parlant au nom de son client. Je lui racontais qu'Athénogène était intraitable avec moi. Elle me dit que c'était toujours là sa manière d'être. Mais elle me recommanda de ne pas perdre courage, car je l'aurais elle-même pour alliée dans la lutte. C'était avec l'air d'une affectation toute singulière qu'elle me faisait cette déclaration, recourant aux plus grands serments pour me prouver qu'elle parlait exclusivement par bienveillance pour moi et était envers moi pleinement véridique.
"De telle façon, ô juges, car on doit vous dire toute la vérité, que j'en vins à croire (et vraiment cela me paraissait très probable) à un amour extraordinaire qui se serait emparé de cette femme et l'aurait fait agir.
"Elle préparait le terrain par toutes ces tromperies, de manière à pouvoir réclamer de moi, plus tard, trois cents drachmes pour prix de sa bienveillance. Pareillement donc! ô juges, il n'y a rien d'étonnant à ce que je me sois laisser duper, avec une Antigone pour m'endoctriner de la sorte, avec cette femmes qui est bien la plus perverse des hétaïres."
Les hétaïres, à Athènes, constituaient le demi-monde. Elles s'entendaient merveilleusement, on le voit, à négocier les affaires délicates. Antigone était bien une disciple de Circé l'enchanteresse.
Quelques jours après, Antigone revoit son nouvel ami et lui dit que, à force d'instance et de prières, elle a obtenu d'Athénogène la cession de la boutique et de son gérant au prix de 40 mines, cela représente 2.800 fr. en argent, mais la valeur relative est beaucoup plus forte que cette somme. On se rendit chez Athénogène. Antigone "glapit fort", comme dit Hypéride. Athénogène se montra fort aimable et déclara nonchalamment que l'acquéreur, en prenant possession de la parfumerie, devait avoir à sa charge "les dettes antérieures telles qu'elles se comportaient. Mais, ajoutait-il, il y a fort peu à recouvrer, et les marchandises qui garnissent cette boutique valent bien davantage: les parfums, les vases à la Bas'roi, les Smyrna, etc. Il débitait une kyrielle de noms, comme s'il me montrait le tout, et cela sans fin."
Les cheveux rouges et les yeux noirs d'Antigone, la faconde d'Athénogène fascinent évidemment le malheureux acheteur qui accepte ce qu'on lui propose.
"Athénogène, prenant aussitôt sur ses genoux ce qu'il avait préparé relativement à cette affaire, lut ce qui était écrit. C'étaient les actes mêmes qui me concernaient. Et je les écoutais pendant qu'il les lisait. Mais il se hâtait, et cela beaucoup plus qu'il n'était convenable, de terminer l'affaire et de sceller les contrats de peur que personne parmi les gens sensés ne pût se rendre compte de ce qu'on avait écrit."
L'affaire est conclue. Les actes sont déposés chez Lysiclès de Leuconoë, un notaire quelconque. L'acheteur va à la banque (trapeza), retire les 40 mines, les porte à Athénogène et se rend à sa parfumerie. Mais une déception cruelle l'attendait. Les "dettes antérieures telles qu'elles se comportaient" s'élevait à 5 talents, c'est à dire plus de 20.000 fr. Athénogène avait fait passer une partie de ses propres dettes dans le passif commercial de la parfumerie. C'était la ruine du pauvre diable et de ses amis.
Hypéride prit la cause en main. On a pu voir par le tour léger du récit quel orateur ce pouvait être. L'affaire était délicate. Une loi de Solon spécifiait que les conventions écrites entre les parties faisait loi, et cela d'une manière absolue. Le client d'Hypéride devait payer tout ce qu'on lui demandait: c'était écrit!
L'avocat étudia la question au point de vue juridique et chercha des arguments pour obtenir l'annulation du contrat. Sa dialectique des plus serrées est véritablement remarquable. Hypéride cite une loi qui interdisait les fraudes sur le marché, εν τμ αγορα. Antigone n'avait-elle pas arrêté son client sur l'agora? Il y avait eu fraude: donc la vente était nulle. C'était un argument spécieux. Hypéride ne s'y arrête pas longtemps. Il rappelle que, au point de vue des mariages des Athéniens, le tuteur de la jeune fille doit certifier que la fiancée est réellement Athénienne. Si cela n'est pas, le mariage est nul, et les peines les plus sévères atteignent ceux qui ont fait des fausses déclarations.
Un troisième argument est relatif aux conventions conclue par les femmes. La législation de Solon retirait toute capacité civile aux femmes et allait jusqu'à annuler les testaments rédigés sous une influence féminine. Hypéride se demande s'il n'y a pas corrélation entre ce point de droit et la cause qu'il défend, Antigone ayant été l'entremetteuse de la vente.
L'avocat rappelle ensuite les négociations préliminaires: il dit qu'Athénogène avait affirmé que la valeur des marchandises contenues dans la boutique devait dépasser largement le montant du passif. Dès lors, en équité, les obligations de l'acheteur devaient être limitées et ne pas atteindre les cinq talents réclamés.
Le ton de l'orateur, dit M. Revillout dans le mémoire qu'il a lu vendredi à l'Académie des inscriptions et auquel nous devons cette première traduction du discours, le ton de l'orateur s'élève peu à peu. Il devient agressif à l'égard d'Athénogène. La passion politique l'entraîne à des mouvements d'éloquence contre le traître qui s'est livré à l'ennemi de la patrie.
"Cet homme, s'écrie-t-il, a violé les traités qui concernaient Athènes, et il veut qu'on s'attache à des conventions particulières, comme à des actes de foi? Celui qui a méprisé le droit par rapport à vous (les juges athéniens) est très soucieux de ces droits en ce qui me touche, tant est grande sa perversité. Et il a toujours été le même..."
Hypéride raconte qu'il a trahi les Trézenois qui étaient les alliés d'Athènes depuis les guerres Médiques. 
"Dans la guerre contre Philippe, peu avant la bataille, au lieu de rejoindre l'armée qui se rendait à Chéronée, il a émigré à Trézènes. Il l'a fait, méprisant la loi qui lui ordonne de mettre la main sur tout homme émigrant au milieu d'une guerre, s'il revient jamais... Et il est revenu! comme il le paraît."
Cette attaque ironique devait produire un grand effet sur les patriotes athéniens qui subissaient en frémissant le joug des Macédoniens. Hypéride gagna-t-il son procès. M. Revillout le croit. En tout cas, il a prononcé un discours de toute beauté qui justifie les éloges de ceux qui, comme Longin, l'ont mis sur le même rang que Démosthène.
Il faut se féliciter de voir un document de si haute valeur pour l'histoire des lettres entrer dans notre musée national. M. Revillout a eu la main heureuse. Il serait à souhaiter maintenant que la fameuse caisse des musées nationaux permit à M. Kæmpfen et à tous ses savants collaborateurs d'enrichir souvent le Louvre de pièces de cette importance.

Le Petit Moniteur illustré, 10 février 1889.

* Nota de Célestin Mira:



Gérôme: Phryné devant l'Aréopage, 1861.

La plus connue des hétaïres fut Aspasie, maîtresse de Périclès qui recevait chez elle Socrate, Sophocle, Phidias etc. et qui, au dire de Plutarque (vie de Périclès, XXIV, 2), inspirait "aux philosophes un intérêt qui n'est ni mince ni négligeable.)