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jeudi 31 août 2017

L'église de Saint-Trophime, à Arles.

L'église de Saint-Trophime, à Arles.


Au moyen âge, la cathédrale était un symbole, et l'oeuvre de l'architecte, toute d'inspiration et de foi, devenait l'emblème visible du christianisme. La Passion de l'Homme-Dieu était le principe des arts, le temple devait être, dans sa structure, la représentation du sacrifice de la croix.
Comme l'a dit Michelet, "l'édifice tout entier, dans l'austérité de sa géométrie architecturale, est un corps vivant, un homme: la nef étendant ses deux bras, c'est l'homme sur la croix, car la croix, c'est la couche du Christ; la crypte, l'église souterraine, c'est l'homme au tombeau; la tour, la flèche, c'est encore lui, mais debout et montant au ciel; dans ce chœur incliné par rapport à la nef, sa tête est penchée dans l'agonie et posée sur les genoux de sa mère, dont la chapelle, à dater du onzième siècle, fut en général placée derrière le chœur."
La métropole d'Arles réunit tous ces caractères que l'architecture symbolique n'a possédés que peu à peu. La plume est impuissante à la peindre aux yeux, elle peut à peine en donner la froide dissection.
Saint-Trophime mesure quatre-vingt mètres de longueur sur une largeur qui varie de vingt-huit à trente. Sa hauteur est de vingt mètres, celle du clocher de quarante-deux. Non compris le préau du cloître, cette cathédrale occupe une surface de deux mille quatre cents mètres carrés. Les piliers qui séparent les trois nefs, nus et quadrilatères jusqu'au maître-autel, deviennent gothiques et revêtent la forme rhomboïdale dans le chœur. Les chapelles, qui rayonnent autour des nefs latérales, sont en ogive droite et à plein cintre du côté opposé. Un clocher quadrangulaire, surmonté d'une croix, domine l'édifice, auquel on parvenait jadis par de larges degrés de marbre, et qui est contigu aux vestiges du palais archiépiscopal.
La métropole, fut d'abord dédiée à saint Etienne, puis, en 1152, à saint Trophime, natif d’Éphèse, en Ionie, qui, après avoir été disciple de saint Paul, vint prêcher l’Évangile à Arles dès le premier siècle. Bâtie sur le plan des primitives églises, c'est à dire sur celui des thermes de l'ancienne Rome, sorte de parallélogramme avec portique aux deux extrémités et terminé par un hémicycle que séparait de l'édifice une colonnade derrière laquelle se plaçait l'évêque, elle a conservé le marbre antique de la table du maître-autel. Successivement agrandie, dès le milieu du quinzième siècle, elle possédait le chœur, les collatéraux et les chapelles actuelles, dispositions qui ont sensiblement modifié l'édifice primitif. Les clés de voûtes portent le chiffre 1655. NN. SS. de Grignan, de Mailly et de Janson poursuivirent cette transformation, et, en 1767, M. de Grille, prévôt de l'église d'Arles, fit construire la chapelle de la Vierge et fermer la petite porte conduisant à la chapelle actuelle du Cœur de Jésus qui renfermait la tombe du chevalier de Lorraine, tué au siège des baux, et une dalle portant la date de 1566 et ces mots: Hic jacet Franciscus de Rodulphis.
Les orgues datent de 1503, sous l'épiscopat du célèbre Espagnol Jean de Ferrier, à qui Louis XII permit d'ajouter à son blason une fleur de lis d'or. La basilique renferme quelques marbres, le mausolée des deux Ferriers, de nombreuses inscriptions latines et fort peu de tableaux. Citons parmi ces derniers une Descente de Croix (du seizième siècle), où Nicomède est en fraise, et où les saintes femmes ressemblent à des dames de la cour de Charles-Quint, la Lapidation de saint Etienne et l'Adoration des Mages, peintes par Fintonius, et une grande fresque représentant saint Trophime prêchant, par Visconti de Milan (1768). La sacristie a perdu ses richesses et ses manuscrits (entre autres celui de la Bulle d'Or); M. de Mailly en a fait fondre (1709) les châsses d'argent pour distribuer des secours aux pauvres; mais elle possède encore un modeste reliquaire en cristal contenant une parcelle de la vraie croix, le portrait du cardinal Allemand et le pallium de J.-M. Dulau.
L'espace nous manque pour parler du cloître et des bâtiments qui formaient jadis le couvent des chanoines réguliers. Mais nous voulons nous arrêter devant le grand portail en marbre commencé en 1221 par Hugues Béroard et terminé par Jean Baussan, et qui s'élève sur un escalier de pierre commun et très-étroit, substitué aux anciens degrés de marbre gris.
Le sommet de ce portail figure une sorte de fronton dont les côtés inclinés sont ornés d'une corniche richement brodée, soutenue d'espace en espace par des consoles représentant des figures allégoriques, placées sans symétrie et comme au hasard: anges, acanthes, taureaux, etc.




La porte, probablement enfoncée, est surmontée d'une magnifique arcade cintrée, remplissant de ses voussoirs faits de pierres étroites, le tympan du fronton, et s'élevant en arcs multipliés jusqu'au sommet de l'angle central. La décoration principale consiste en une colonnade portée sur un haut stylobate, couronnée d'une large frise qui règne sur tout le développement de la façade et sert d'imposte à l'arcade du milieu. Les parties courantes du dessous et du dessus de cette frise sont décorées: les premières, de vagues et d'ornement en guillochis; les secondes, de larges feuilles d'acanthe, répétées à la corniche du fronton et au bandeau le plus extérieur du cintre.
De chaque côté du portail,  six colonnes de marbre, les unes carrées et adossées, les autres, octogones et dégagées. Les entre-colonnements forment cinq niches, renfermant les figures des apôtres (saint Trophime et saint Etienne) en plein relief et grandes comme nature. Ces niches se présentent ainsi: deux sur le front, deux sur chaque côté rentrant, et une à l'angle. De fort beaux chapiteaux corinthiens couronnent les colonnes toutes d'une seule pièce et dont les bases carrées sont couvertes de reliefs fort médiocres, représentant Daniel et les lions, Samson livré par Dalila, etc.
La porte, qui s'élève de deux marches sur le premier palier, est partagée, dans sa hauteur, par une colonne antique de granit, sur laquelle viennent se fermer les ventaux à panneaux de bois modernes d'une simplicité choquante. Le chapiteau et la base de la colonne du milieu ont été malheureusement altérés. Sur le piédestal se détachent quatre personnes à genoux, les yeux levés au ciel, et figurant probablement le triomphe de la Foi sur les nations barbares.
La composition la plus importante qui décore le grand portail, est empruntée au Jugement dernier. Des anges appellent les nations à comparaître devant le divin juge; d'autres célèbrent les louanges du Très-Haut. Le Christ, couronné, et prononçant l'arrêt suprême, occupe le milieu d'un médaillon ovale placé au centre du tympan supérieur: autour de lui, l'aigle, le bœuf, le lion et l'ange, symbole des évangélistes, présentent les livres sacrés. Un large bandeau, enrichi de festons merveilleux et d'admirables découpures gothiques, encadre ce tableau magistral. Les sujets de la frise supérieurs représentent: à gauche, les Elus, en robe traînante, prenant la route du ciel; à droite , les Réprouvés, liés nus à une corde et entraînés par les démons dans les flammes éternelles.
Dans les parties qui occupent les profondeurs de l'arc, sur les flancs et dans les vides des niches, les sculptures se rattachent à ce sujet principal: saint Michel pesant les âmes dans une balance, Ève mordant à la pomme, des damnés se tordant dans d'horribles convulsions, etc. La chambranle de la porte est formé de deux colonnes cannelées et rudentées, et d'une plate-forme du dessus en marbre, sur laquelle se profilent les douze apôtres. Les rinceaux continus de feuille de chêne sont d'une délicatesse infinie.
Les deux petites portes à pilastres et frontons, qui s'ouvrent de chaque côté de la façade, datent de 1700 seulement.
En terminant, nous devons avouer que, malgré le grand caractère et les beautés incontestables de Saint Trophisme, la première impression d'admiration qu'on éprouve à sa vue est mêlée de surprise et de fatigue; cela vient sans doute de ce que le regard se trouve brusquement arrêté, et n'a pas devant lui, l'espace nécessaire pour embrasser l'ensemble de ce monument, et surtout de l'incohérence et la désharmonie des parties raccordées avec les parties plus anciennes de la basilique.
   
                                                                                                         V.-F. Maisonneuve.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

mardi 29 août 2017

Le Grand-Châtelet.

Le Grand-Châtelet.


Au temps où Paris était tout entier contenu dans la Cité, il ne communiquait avec l'extérieur que par deux ponts: au nord le Pont au Change ou Grand-Pont reliait la cité à la rive droite de la Seine; au midi, le Petit-Pont servait de trait d'union entre la Cité et les faubourgs de la rive gauche. Ces deux ponts ont été reconstruits plusieurs fois, mais toujours à la même place, et ils conservent encore aujourd'hui leurs anciens noms.
Dans ces siècles où les guerres étaient continuelles et les armes fort imparfaites, Paris, dans son île, bravait tous ses ennemis. Mais il fallut fortifier les deux ponts qui donnaient accès au cœur même de la ville. On construisit deux forteresses; l'une bâtie sur la rive droite, à l'entrée du Pont au Change, prit le nom de Grand-Châtelet; l'autre, élevée sur la rive gauche, à l'entrée du Petit-Pont, s'appela le Petit-Châtelet. Au moyen âge, le mot Châtelet, qui signifie proprement petit château, s'appliquait surtout aux châteaux forts qui défendait un pont, une route, un gué ou le passage d'un défilé.
Quelques historiens de Paris ont voulu faire remonter à Jules César ou tout au moins à l'empereur Julien la fondation du Grand-Châtelet; à titre de document, ils citent une inscription latine qui était gravée sur une arcade et qui, dit-on, subsistait encore en 1540: Tributum Cœsaris, Tribut de César. Si cette inscription a réellement existé, elle servait probablement à indiquer le lieu où se faisait le payement soit des droits de péage, soit des droits dus au roi (Cœsar) pour les marchandises entrant dans Paris. Mais elle ne justifie en rien l'hypothèse d'historiens trop désireux de rattacher le Paris moderne à la Lutèce romaine.
Ce qui est certain, c'est que, sous la seconde race des rois de France, et peut-être même sous la première, il y avait à l'extrémité septentrionale du Pont au Change une grosse tour en bois. Plus tard, Louis VI le Gros en fit bâtir une autre, en pierre et en bois, beaucoup plus considérable que la première. On sait quelles guerres Louis VI eut à soutenir non-seulement contre les ducs et comtes ses voisins, mais contre ses propres vassaux, les barons de son duché de l’Île de France; il entoura Paris d'une ceinture fortifiée, et le Grand et le Petit Châtelet furent les parties les plus importantes des travaux de défense. Sur la rive droite, pour entrer dans la Cité ou pour en sortir, il fallait passer sous les voûtes étroites du Châtelet; l'entrée du pont était entièrement obstruée, et les quais actuels de Gèvres et de la Mégisserie n'offraient qu'un talus rapide qui descendait vers la rivière. 
Ce n'est cependant que sous Louis VII, fils de Louis le Gros, que des documents certains attestent l'existence du Grand-Châtelet, qui est appelé, dans une charte de 1147, Castellicum regis. A cette époque déjà, le prévôt de Paris y avait son siège et y exerçait sa juridiction. Quelques années après, Philippe-Auguste recula l'enceinte de Paris, dans laquelle il fit entrer les faubourgs, bien au delà des fortifications de Louis le Gros, et le Grand-Châtelet, négligé alors comme forteresse, fut exclusivement affecté au service de la Prévôté de Paris.
Une partie des bâtiments tombèrent en ruines en 1460; le prévôt et son tribunal furent installés au Louvre, où ils restèrent jusqu'en 1506. En 1657, d'autres parties du bâtiment parurent fort ébranlées; en 1672, un édit de Louis XIV en ordonna la reconstruction, et le Châtelet se releva plus spacieux et mieux distribué qu'auparavant.




Il fut alors tel que notre gravure le représente, c'est à dire une vaste et épaisse construction en maçonnerie, de forme à peu près carrée, avec une cour au milieu, des portes voûtées, des poternes, et occupant presque tout l'emplacement actuel de la place du Châtelet. En relevant le Châtelet par ordre de Louis XIV, on ne conserva des anciens bâtiments que les vieilles tours à toit pointu, entre lesquelles se trouvait l'unique passage conduisant du Pont au Change à la rue Saint-Denis. C'est le côté faisant face à la rue Saint-Denis qu'offre notre gravure et on peut voir très-nettement cet étroit passage.
Du commencement du douzième siècle à la fin du dix-huitième, le Châtelet a été le siège de la prévôté de Paris, dont les attributions très-nombreuses tenaient une grande place dans notre ancienne organisation judiciaire. La prévôté de Paris, qu'on appelait aussi Cour du Châtelet, était en même temps un tribunal d'appel pour certaines juridictions inférieures, et un tribunal de première instance pour certaines affaires qui étaient ensuite portées en appel devant le Parlement. Le lieutenant civil, le lieutenant criminel et autres magistrats du Châtelet avaient aussi des fonctions de police dans la ville de Paris. Dans les cérémonies publiques, ils prenaient rang immédiatement après les Cours souveraines: Parlement, Cours des Aides et Cour des Comptes.
La Cour du Châtelet se divisait en six sections: chambre du parc civil, présidial, chambre de police, chambre du conseil, chambre du juge auditeur, chambre criminelle. Elle se composait d'un prévôt, d'un lieutenant civil, d'un lieutenant général de police, d'un lieutenant criminel, de deux lieutenants particuliers, de cinquante-cinq conseillers et de dix conseillers honoraires, d'un procureur du roi avec huit substituts, de quatre avocats du roi, d'un juge auditeur, d'un payeur de gages, d'une soixantaine de greffiers, de cent treize notaires garde-notes et garde-scel, de quarante-huit commissaires enquêteurs, d'une nuée de procureurs, huissiers à cheval, huissiers à verge, commissaires priseurs, etc. Pour ne pas laisser trop incomplète cette énumération déjà si longue, il faudrait encore citer un grand nombres d'autres employés, des médecins et chirurgiens assermentés et spécialement attachés au Châtelet, et enfin les quatre compagnies du prévôt, du lieutenant criminel, du guet à pied et du guet à cheval.
Les officiers subalternes du Châtelet faisaient tous les ans, le lundi après le dimanche de la Trinité, une espèce de procession à cheval qui se rendait chez le chancelier et de là chez le premier président du Parlement, chez le procureur général et chez le prévôt. C'était une de ces démonstrations bruyantes, telles que les aimaient nos pères du moyen âge, et qui leur servaient en quelque sorte de spectacle et de réjouissance publique, sans que le caractère et la gravité des personnages qui y prenaient part eussent à en souffrir. Nous autres modernes, avec nos habitudes un peu compassées, nous avons peine à comprendre ces mœurs.
La cavalcade dont nous parlons se réunissait dans la cour du Châtelet, tandis que les Parisiens, toujours fort curieux de toutes sortes de spectacles, se pressaient dans les rues voisines. La marche s'ouvrait par une musique militaire. Puis venaient divers individus portant chacun quelque emblème ou attribut de la justice militaire: le casque, la cuirasse, le bâton de commandement, la main de justice, etc. Ils étaient suivis de quatre-vingt huissiers à cheval, derrière lesquels étaient placés des pelotons de trompettes et de timbales; puis venaient cent quatre-vingt huissiers à verge. Ils étaient tous vêtus d'habits courts de couleur diverses. Derrière eux marchaient une centaine d'huissiers priseurs et vingt huissiers audienciers en robe de palais, puis douze commissaires au Châtelet en robe de soie noire. Le lieutenant civil, accompagné d'un avocat du roi et d'un lieutenant particulier, tous trois en robe rouge, terminaient la cavalcade qui était fermée par quelques huissiers et greffiers.
Le Châtelet avait aussi sa Basoche; elle se composait de tous les clercs qui travaillaient chez les notaires, greffiers, procureurs et commissaires de la cour du prévôt. Elle avait pour patron saint Nicolas et se réunissait en un grand banquet le jour de sa fête. Comme la Basoche du Palais, celle du Châtelet jouait, aux quatorzième et quinzième siècles des mystères et des pastorales. Tout clerc qui débutait chez un officier du Châtelet devait payer sa bienvenue qui consistait en six sous parisis. En cas de refus, on lui imposait deux sous de plus et s'il refusait encore, on lui prenait son manteau et son chapeau et on les vendait. C'est ce qu'en style de Basoche on appelait "donner des lettres de béjaune".
Dans les profondeurs des vieilles tours du Châtelet, on avait construit des prisons, au nombre de neuf, qui portaient chacune le nom d'un des supplices inventés par la barbarie franque ou féodale: il y avait les chaînes, le puits, la boucherie, les oubliettes, la fosse, la prison de Fin d'aise, etc. On racontait que cette dernière était remplie d'ordures, de reptiles, d'insectes venimeux; on disait encore, que dans la fosse, les prisonniers avaient les pieds dans l'eau, qu'ils ne pouvaient se tenir ni debout, ni couchés, et que jamais les malheureux enfermés dans l'un de ces deux cachots n'avaient vécu plus de quinze jours. Quelque implacable qu'ait été la justice criminelle au moyen âge, il est à croire qu'il n'y avait dans la peinture de ces prisons une certaine exagération.
Au commencement du quinzième siècle, à l'époque de la lutte des Armagnacs et des Bourguignons, Paris appartint tour à tour aux deux partis; le Châtelet servit tour à tour aux uns et aux autres de forteresse et de prison et fut le théâtre d'horribles massacres. Ce fut la période la plus tragique et la plus accidentée de son histoire.
En 1792, lorsque fut créée notre nouvelle organisation judiciaire, la prévôté de Paris fut supprimée. Les sombres bâtiments du Grand-Châtelet subsistèrent encore quelques années et ne furent démolis qu'en 1802. Avec lui disparurent une foule de rues sombres, étroites, tortueuses: la rue  Saint-Leufroy avec une église du même nom, la rue de la Vallée-de-Misère, la rue de la Triperie, la rue Trop va qui dure, appelée aussi Qui m'y trouva si dur. Sur ce vaste emplacement, on fit la place du Châtelet, au milieu de laquelle fut élevée, en 1807,  la fontaine dite du Palmier ou du Châtelet, en souvenir des victoires d'Egypte.

                                                                                                                        Henri Lemaire.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

lundi 28 août 2017

Le linge.

Le linge.


Avant les rubans, les chapeaux et les robes, ce qu'une femme aime et recherche tout d'abord, c'est le linge. Voyez-là s'arrêter devant un magasin de lingerie: d'un coup d’œil, elle embrasse l'ensemble de l'étalage, puis elle se penche vers l'un des objets exposés, s'en approche aussi près que possible, passe à un autre, revient au premier et résiste difficilement à la tentation d'entrer, d'essayer et d'acheter. A nous autres, femmes, il faut non-seulement du beau linge, mais encore beaucoup de linge. Nous avons pour lui le culte du collectionneur pour ses bibelots. C'est avec bonheur que nous le comptons pour l'empiler et le ranger ensuite dans l'armoire, tout orné de ses faveurs bleues et roses.
En province, c'est l'amour du linge qui engage les dames à surveiller elles-même leur lessive. Elles ne confient à personne le soin de ramasser sur la haie du jardin les serviettes et les draps; elles les étirent elles-mêmes, les plient soigneusement sur la grande table de la salle à manger, et les serrent avec un ordre méticuleux sur les rayons embaumées des hautes armoires de chêne. Le goût du linge est répandu jusqu'au fond des campagnes, où les ménagères sont si fières de leurs beaux draps aux teintes bisées, et de ces longues pièces de toile dont on ne se sert jamais, et qui ne voient le jour qu'au printemps, lorsque déroulées au soleil, on les étend, orgueilleusement sur la pelouse du verger, afin que les voisines n'en ignorent.
A Paris, le luxe du linge tend à devenir trop raffiné. C'est un écueil, et toute femme qui se respecte doit éviter ces raffinements de mauvais goût. Ce qu'on nomme le linge de maison doit toujours conserver sa classique simplicité. Les dentelles et les broderies ne lui conviennent pas; sa richesse doit consister uniquement dans la finesse du tissu; pour les draps, le seul luxe permis est un large ourlet à jours avec un écusson à l'un des coins. La taie d'oreiller cependant échappe à cette loi sévère. On la poétise en la garnissant soit d'un volant festonné, soit d'une guipure, soit encore d'une haute et légère broderie anglaise, qui encadre gracieusement la tête et permet à une jolie convalescente de recevoir avec une certaine satisfaction de coquetterie, les premières visites de ses amis.
Le linge de table damassé, en toile de Hollande, est le plus recherché, et se marque, suivant le goût, au coin ou au milieu. Dans quelques magasins, les chiffres des initiales sont tissés dans la trame même. C'est un raffinement encore, mais cette fois un raffinement très-légitime, très-heureux, qui nous donne une jouissance toute intime et bien féminine. Il semble que depuis l'heure où les écheveaux qui ont servi à tisser chaque pièce se sont enroulés autour du fuseau, la fileuse les a évidés expressément pour notre usage; que, pour nous seules, les bobines ont tourné, et que pour nous aussi personnellement, le tisserand a lancé la navette entre les fils de la chaîne.
Après le linge de maison, le linge de corps. La Française, la Parisienne surtout, apporte une exquise coquetterie dans la confection de son linge particulier. Il n'est plus, le temps où nos grands mères ne connaissaient et ne portaient que la chemise de toile, fermée par une solide coulisse à la paysanne! à présent, il faut des guipures, des valenciennes, des ruchés, etc. La femme la plus simple comprend difficilement qu'on puisse porter autre chose qu'une chemise festonnée, et il n'est pas rare de voir une modeste robe d'alpaga noir découvrir, en se relevant, un jupon blanc, plissé ou tuyauté. C'est un charme, mais là aussi il y a un luxe de mauvais goût à éviter. Une femme comme il faut se contentera d'une toile de batiste bien fine, bien blanche, avec une mignonne guirlande brodée, courant légèrement autour des épaules. Quant aux robes de nuit, les manchettes et les jabots revenus à la mode, sont dans ce genre ce qu'il y a de plus convenable, surtout avec l'accompagnement d'un large col à la Collin, laissant au cou toute sa grâce avec toute sa liberté.
Quant au jupon, un peu de coquetterie ne lui messied pas... Peu de dentelles cependant, et seulement à la valenciennes; mais des plissés hauts et petits, des plis mignons surmontés d'entre-deux légèrement fleuris, ou de très-haute broderies anglaises. La première beauté du jupon consiste dans son extrême blancheur, et c'est ce qui fait que, malgré de nombreux effets de la mode, le jupon de couleur le plus élégant ne parviendra jamais à détrôner le plus modeste jupon blanc.
Un détail qui ne doit pas être négligé, et qui est le complément de toute toilette féminine, c'est le mouchoir. Le mouchoir a sa physionomie particulière. Il en a même plusieurs: simple avec un large ourlet à petits jours; c'est le fidèle compagnon de la vie d'intérieur. Triste, aux jours de deuil, avec sa large raie noire, il devient coquet et sémillant lors qu'une légère bande ou une vignette de couleur l'accompagne et l'harmonise avec une fraîche toilette de printemps. Enfin, il se montre dans tout son éclat, lorsqu'il se compose d'un imperceptible carré de fin linon agrandi par une haute et riche dentelle.
Actuellement la dentelle joue un rôle très-important dans la confection de la lingerie féminine.
La règle des cols plats, des manches piquées, emprisonnant le poignet, est passé complètement; il a fait place aux dentelles, un moment abandonnées. Nous voyons revenir les larges parures à la Marie-Antoinette, qui ornent si avantageusement un corsage entr'ouvert; les fraises bouillonnées, les hautes collerette à la Gabrielle d'Estrées, les nœuds coquets, les amples manches à sabots, découvrant le bras et permettant aux belles dames de tirer, du fond de leur carton, toutes ces délicieuses choses, dont les noms même ont je ne sais quoi de caressant et d'attirant: valenciennes, guipures, point de Bruges, d'Alençon et de Venise, d'application, d'Angleterre, Chantilly et Malines.
La femme aime ses dentelles; elle les parfume, les soigne et éprouve un plaisir extrême à les dérouler, même sans motif, et à les contempler: mais ce n'est pas tout que d'avoir de belles dentelles, il faut savoir les assortir à l'air et au teint de son visage.
Bien que la dentelle ait le privilège de convenir à tous les âges et à toutes les figures, il y a là, comme pour les couleurs, une règle à suivre et un choix à faire.
Certaines vieilles guipures seront d'un grand effet, appliquées sur la robe de velours noir d'une femme âgée; elles paraîtront trop lourdes sur la robe d'une jeune femme blonde svelte et mignonne. Pour cette dernière, la vaporeuse dentelle qui porte son nom, la blonde, soyeuse et si tendre au teint, est de beaucoup plus seyante. Les blondes choisiront encore de préférence la douce malines, si délicate, qui fait tout de suite penser aux perles avec lesquelles elle se marie si bien, et qui s'accorde si harmonieusement avec une peau blanche et transparente.
Aux blondes aussi et surtout aux rousses, le riche point de Venise qui fait rêver à ces belles filles aux cheveux d'or que le Titien a si magnifiquement peintes, les épaules nues, les cheveux ruisselants, tenant d'une main un miroir et de l'autre entr'ouvrant un écrin d'où s'échappent des colliers de perles nacrées.
Les brunes garderont pour elles les volants au point d'Alençon, les fichus de point d'Angleterre, et les dentelles de Bruges si magnifiquement fleuries de marguerites et de roses; mais toutes les femmes brunes ou blondes aimeront la mignonne valenciennes aux dents ondulées et au ton légèrement jauni, la dentelle de Chantilly au réseau menu, vraie dentelle française dont les guirlandes entrelacées font merveille, soit qu'on les dispose en volants légers, en mantilles ou en fichus élégamment noués par derrière. rien de plus charmant que ces longues barbes de guipure de Chantilly qu'on peut en deux tours de main transformer en nœuds coquets , en coiffures piquantes.
Avec un bout de dentelle, une femme doit savoir s'embellir. La valenciennes surtout offre des ressources précieuses; on en peut garnir indistinctement la toile, le nansou, la mousseline; elle orne très-joliment les peignoirs blancs, et les robes de chambre d'été. Un peu de mousseline, quelques coquilles de valenciennes et un nœud bleu suffisent pour composer un de ces pimpants déshabillés du matin, qui rendent un intérieur séduisant, même pour les yeux du mari. Or, et ceci est un axiome du code conjugal qu'il faudrait graver en lettres d'azur sur les portes des boudoirs féminins, toute femme désireuse d'assurer le bonheur de son ménage ne doit pas seulement se parer pour les étrangers; son premier devoir est de se faire belle pour son mari et pour ses enfants.

                                                                                                                   Rose Line.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

Marie-Madeleine.

Marie-Madeleine.

Salon 1896.

Photographies de Neurdein frères.



La Madeleine moderne vient chercher le cadavre du nouveau Christ, du Christ des guerres civiles.




S'il est vrai que toute vérité d'amour et de paix s'expie par la mort de celui qui l'a apportée aux hommes, il n'est pas moins vrai qu'aucun des Apôtres d'une foi nouvelle et digne de vivre n'a eu sur ses mains du sang humain.
Le monde appartiendra aux pacifiques, non à ceux qui font de la fraternité un thème à déclamation, mais à ceux qui pratiquent la vraie charité, qui est d'aimer son prochain autrement qu'à coup de fusil.

Le Panorama, publication hebdomadaire. Le Nu. 1896. Librairie d'Art, Ludovic Baschet, Editeur, rue de l'abbaye, 12, Paris.

mercredi 23 août 2017

L'usine à déjeuners.

L'usine à déjeuners.


Au fond d'une cour, près des grands boulevards, un industriel a fait construire pour cent cinquante mille francs, un hall immense où vont absorber leur quotidienne nourriture deux mille cinq cents employés  et commis de magasins. C'est la parfaite usine à déjeuners. Elle transforme en petits plats, du matin au soir, deux veaux, quinze gigots, cent cinquante kilos de bœuf ou de mouton, cinq cents livres de pomme de terre, cent livres de haricots, cinquante kilos de poissons, sans compter les menues distractions de bouche.
Nul restaurant au monde ne saurait fournir, à bas prix, une nourriture aussi hygiénique que la mangeaille servie par la maison X... à ses clients.
De dix heures du matin à deux heures de l'après-midi, et, le soir, de six à neuf, l'usine fonctionne en un bruit formidable de mâchoires, de chocs de verres, de cliquetis de fourchettes et de tintement de sous soldant les additions. Mais il faut la visiter à midi, l'heure du "coup de feu" pour l'admirer dans toute son action.

Comme en Amérique.

La vaste salle s'étend, fort propre, sous un plafond vitré aux lames de verre dépoli, coquette même en ses lambris blancs ornés de glaces gigantesques. Peu ou pas de chaises. Des bancs cirés fixes, entourent de petites tables de marbre, offrant à chaque client à peu près soixante quinze centimètres de large pour le bon fonctionnement de ses coudes. Vingt huit garçons desservent chacun une rangée d'une de ces tables, destinées à recevoir davantage de visiteurs qu'un banquette de l'omnibus Madeleine-Bastille.
A midi toutes les places sont occupées. Vingt ou trente personnes errent sous le hall, à la recherche des clients arrivés au terme de leur repas. Elles se penchent sur les épaules des déjeuneurs, regardent familièrement ce que contiennent les assiettes. Hommes et femmes se postent debout, près du Parisien dont elle souhaite occuper le siège. Et l'on voit de jeunes femmes en corsage tendre monter la garde derrière de vieux et placides employés qui n'en finissent pas de rouler leur serviette.



Eux ne se hâtent point, insoucieux de galanterie. C'est très américain, très moderne, très... chacun pour soi.
Autour du comptoir où six demoiselles disposent les desserts sur de minuscules assiettes, les garçons bourdonnent comme des mouches autour d'un morceau de sucre. Quatre ou cinq plats, posés en équilibre sur la longueur de leur bras gauche, ils vont, à travers les gens qui posent, qui sortent, qui entrent, avec des tours de hanches adroits dignes d'un équilibriste. A peine laissent-ils tomber sur les jupes de leurs clientes dix gouttes de sauce par journée. A récolter un sou ou deux par couvert, ces serviteurs acrobates gagnent quinze francs par jour.

Ici, on ne fume pas.

Ne fréquente là que des gens désireux de manger pour vivre. On ne digère pas à table dans ce restaurant express. Cela nuirait au service! Le patron a trouvé, d'ailleurs, un expédient ingénieux pour rappeler à sa clientèle qu'elle doit faire vite. De petits écriteaux fixés, de loin en loin, sur les parois, expriment cet avis:
On est prié de ne pas fumer de 11 heures à 1 heure et de 6 heures à 10 heures.
En proscrivant cigares et cigarettes, le restaurateur pousse gentiment à la rue les hommes dont l'estomac est satisfait. Et les femmes s'attardent le moins longtemps possible dans cette immense salle où personne n'a le loisir de rendre hommage à leur grâces! C'est très Chicago, vraiment!
En guise d'expérience, j'ai mangé là des choses fort saines, cuites je ne sais comment. La viande ne recèle aucun parfum, aucun fumet. Les énormes ventilateurs électriques, qui renouvellent sans cesse l'atmosphère du hall, semble aspirer tout ce que les plats contiennent d’arôme. Mais les clients de la maison X... se contentent d'absorber les éléments chimiques nécessaires à l'entretien de leur individu.

L'idée de l'ancien boucher.

Me faisant vis-à-vis, un joli commis, vingt ans, faux-col très haut, cravate pincée selon les dernières exigences de la mode, exhibait à sa boutonnière, une rose-thé qui valait bien dix sous. J'ai transcrit l'addition que paya cet élégant. Là voici:

Serviette............0,05
Pain...................0,10
Maquereau........0,50
Carafon de vin...0,20

            Total.......0,85

Pour dix sept sous, mon voisin absorbe assez de nourriture pour continuer à promener sa jolie figure dans le monde. 




Grâce à M.X..., restaurateur moderne, il mange du poisson frais en compagnie supportable, et saura, à la fin du mois, contenter son tailleur. dépenser peu et paraître très chic ou très riche, n'est-ce pas là une nécessité de la vie moderne.
Les prix de M. X... sont assurément les plus modiques que l'on puisse souhaiter. Aussi frappe-t-il d'une taxe de deux sous tous les clients trop hydraphiles. Tant pis pour les Parisiens qui ne veulent pas tâter de son vin à 10 francs l'hecto.
J'ai rendu visite au directeur de l'usine à déjeuner. Au milieu de ses douze cuisiniers voués à un blanc immaculé, ce gargotier américain a bien voulu me livrer le secret qui constitue la fortune de son établissement.
- J'ai de l'argent, m'a-t-il dit. - c'est ma force! Ancien boucher, je puis acquérir de la viande saine qui ne me coûte pas trop cher. Et j'occupe deux garçons à parer, tailler, tout le jour durant, mes morceaux de bœuf et de mouton. Les bêtes accrochées aux crocs de ma "dépense" me livrent tous leurs morceaux. Rien ne se perd.
"Je consens, d'ailleurs, pour maintenir ma clientèle, à donner sur mon menu deux ou trois plats coûteux, des plats de luxe.
Je ne gagne rien sur quinze cents repas. Si j'en sers deux mille cinq cents, je perçois quelques centaines de francs de bénéfice. Faire grand, tout est là."
Il me quitta brusquement pour recevoir de ses fournisseurs de marée six douzaines de langoustes.
Seigneur, gardez-moi (je suis un égoïste, hélas!) gardez-moi la vieille soupière des familles qui fume et qui fleure bon pour quatre ou cinq personnes seulement.

                                                                                                                        Léon Roux.

Mon dimanche, revue populaire illustrée, 2 avril 1905.


Metz.

Metz.


La ville de Metz a joué dans notre histoire un rôle considérable, et souvent glorieux. Il n'est peut être pas inutile, aujourd'hui que les tristesses du présent nous étreignent, de regarder en arrière et de se consoler avec les grands souvenirs du passé.
Au temps des Romains, Metz était déjà un place importante des Gaules. On ne la connaissait pas encore sous le nom qu'elle porte aujourd'hui: c'était alors Divodurum, la capitale des Médiomatrices.
La situation de la ville était des plus florissantes, lorsque le roi des Huns fit sa terrible invasion. Le fléau de Dieu s'abattit sur elle, et ses guerriers sauvages la pillèrent et l'incendièrent complètement en 451.
Des cendres de Divodurum naquit une cité nouvelle qui reçut le nom de Métis, d'où est venu Metz. L'emplacement choisi, au confluent de la Seille et de la Moselle, était favorable au développement d'une ville, aussi vit-on bientôt Metz devenir la capitale de l'Australie d'abord, puis de la Lorraine, sous Charlemagne.
La ville comptait alors près de 60.000 habitants, on y voyait dix-neuf églises. C'était un centre assez considérable pour qu'on y ait tenu cinq conciles, de l'année 590 à l'année 888.
En 985, Metz fut reconnue ville libre impériale. Elle s'organisa alors en petite république. Un maître échevin, un conseil des treize et un grand conseil des prud'hommes composaient le gouvernement avec six des principales familles.
Peu de temps après, l'évêque Thierry II posa les fondations de la cathédrale gothique que l'on admire encore aujourd'hui. Ce gigantesque travail dura plus de cinq siècles. Commencée en 1014, il ne fut achevé qu'en 1456. On n'allait pas vite, mais on faisait beau. Il est difficile d'imaginer quelque chose de plus imposant que cette masse de pierre ouvragée. une tour de quatre-vingt-cinq mètres domine l'édifice tout entier. C'est de là que se fait entendre la Mutte, cloche qui ne pèse pas moins de 13.000 kilogrammes. Parmi les détails remarquables de cette basilique, nous citerons les clochetons des travées extérieures qui sont surmontées d'aigles qui sont surmontées d'aigles aux ailes déployées. C'est l'emblème de la liberté dont la ville jouissait alors.




En butte aux attaques des ducs de Lorraine, de ses évêques et des rois de France, Metz ne put conserver son indépendance. Après avoir payé une rançon de 200.000 écus d'or à Charles VII, à la suite du siège de 1444, la ville se livra à Henri II.
Quelques années après, Metz fut le théâtre d'une lutte de géants. Charles-Quint, l'empereur tout puissant, vint l'investir avec une armée de cent mille hommes. La plus nombreuse qu'il eut jamais conduite.
Il faut lire dans la relation du sieur de Salignac, les péripéties héroïques du siège de 1552. On verra comment François de Lorraine, duc de Guise, avec une faible organisation de dix mille hommes, tint tête aux troupes de l'empereur, comment il organisa la défense et comment il ménagea ses approvisionnements. La ville, quand il y entra, n'avait que ses défenses naturelles, c'est à dire le cours de deux rivières. Le duc, en général expérimenté, fit construire des retranchements sous le feu même de l'ennemi. Des sorties continuelles tinrent tout le temps les impériaux en éveil et leur fit perdre beaucoup de monde. Enfin, après soixante cinq jours d'investissement et quarante cinq jours de bombardement, l'empereur Charles-Quint dût se retirer. Il battit en retraite le jour de Noël, après avoir perdu trente cinq mille hommes.
Une médaille commémorative fut gravée à cette occasion. On frappa aussi, en souvenir de cette belle défense, des médailles satiriques contre Charles-Quint. La plus ingénieuse fut celle où l'on employa la devise de l'empereur, qui représentait les colonnes d'Hercule avec ce mot latin: ultra. Au delà. Le graveur français ajouta à l'emblème un aigle enchaîné et attaché aux colonnes avec ces mots: non ultra metas. Cette devise jouait sur le mot Metas, qui veut dire à la fois Metz et colonnes, et elle marquait, à la grande joie des français, que Charles-Quint ne dépasserait ni l'une, ni les autres.
Le traité de Munster, 1648, ne fit que confirmer un fait accompli, en attribuant définitivement Metz à la France.
Au siècle dernier, Metz fut le théâtre d'une scène curieuse. Le roi Louis XV, qui, soit dit en passant, a déparé la cathédrale en ajoutant un portail dorique à l'ancien édifice gothique, était arrivé dans cette ville avec toute sa suite joyeuse. Tout à coup, il tombe malade. Un moment on craint même qu'il ne soit près de la mort. Alors, cédant aux instances de Fitz-James, évêque de Soissons, son premier aumônier, le roi chasse de sa cour sa maîtresse, madame de Chateauroux et sa sœur madame de Lauragnais.
La place de Metz a été successivement fortifiée par le duc de Guise, le maréchal de Vieilleville, Vauban, Belle-Isle et Carmontaigne. Elle était admirablement disposée pour une défense, lorsque la guerre de 1870-71 éclata. Nous n'avons pas besoin de rappeler à nos lecteurs ce qui s'est passé pendant ce fatal hiver.
Metz est aujourd'hui une ville régulièrement bâtie. Parmi les bâtiments publics remarquables, nous citerons l'hôpital militaire, le marché couvert, le théâtre, le Palais-de-Justice et l'arsenal. Ce sont des constructions qui remontent pour la plupart au siècle dernier.
A part les églises, il reste malheureusement peu de traces de la vieille ville impériale. Ceux qui sont curieux de voir des spectacles pittoresques pourront cependant encore visiter la rue des Tanneurs. C'est une des rares de Metz qui n'ont pas perdu leur cachet d'ancienneté.





                                                                                                            Ed. Morel.

Le Musée universel, revue populaire hebdomadaire, premier semestre 1874.

lundi 21 août 2017

L'aquarium de Brighton.

L'aquarium de Brighton.


L'aquarium est d'invention relativement récente. Autrefois, on n'avait pas, comme aujourd'hui, la curiosité de tout savoir et de tout connaître. Le Jardin des Plantes suffisait aux amateurs d'histoire naturelle. Quand on avait salué les lions, les tigres et les panthères dans la galerie des fauves, quand on avait vu les ours dans leurs fosses, les singes dans leur rotonde et les biches dans leur parc, on n'en demandait pas davantage. On ignorait les mille secrets de la mer; on ne connaissait les poissons que pour les avoir vu paraître sur les tables dans leur cadre de persil vert.
Les travaux de pisciculture commencés au quatorzième siècle par Dom Pinchon, moine de l'abbaye de Réome, abandonnés pendant de longues années, repris enfin dans le courant du dix-huitième siècle par Jacobi, de Golstein, et continués par J. Shaw, Boccius, Remy Gehin, Coste, Berthot, Detzem et Auguste Jourdier, dans ces derniers temps, ont montré qu'il était possible non-seulement d'élever des poissons dans de grands établissement comme celui d'Huningue, mais encore de pouvoir les conserver vivants dans des cages en verre.
L'aquarium était trouvé; et par ce moyen on put rapidement étudier la vie, les mœurs et les transformations des mille espèces de poissons que renferment la mer et les rivières; a travers la vitre, on épia tous leurs mouvements; on appris leurs habitudes. On les vit agir, comme s'ils étaient en liberté au fond des eaux. L'épinoche, en présence des savants qui l'examinaient, construisit son nid délicat; la pieuvre difforme étendit ses tentacules armés de ventouses, et jeta, pour échapper aux regards des curieux, cette liqueur noire qui l'enveloppe comme un nuage lorsqu'elle veut fuir un ennemi. Le Bernard l'ermite découvrit son amour pour la propriété d'autrui en s'installant dans les coquilles des autres après avoir préalablement dévoré leurs propriétaires naturels.
Toutes les personnes qui ont visité l'Exposition de 1867 ont admiré le bel aquarium qui fut construit dans le jardin. C'est le plus beau de tous ceux qui ont été faits jusqu'ici. Il est bien regrettable qu'il ait été détruit comme toutes les merveilles éphémères qui embellissaient le Champ de Mars. L'aquarium du Jardin d'Acclimatation, le seul qui existe en ce moment à Paris, est loin de présenter autant d'intérêt. Il est plutôt conçu dans un but pratique que dans un but scientifique pur.
L'Angleterre est plus riche que la France sous ce rapport. On cite l'aquarium de Liverpool qui est spécialement consacré à l'étude des batraciens. Toutes les espèces de grenouilles s'y trouvent représentées, depuis la grenouille verte jusqu'à la grenouille d'Amérique.
L'aquarium de Brighton contient des espèces variées de poissons, de mollusques et de coquillages. On peut regretter cependant que la galerie soit construite dans le style gothique, ce qui jure un peu avec la destination affectée à ce bâtiment. 



La disposition des cases affectées aux différentes variétés est heureuse et rappelle celle de l'aquarium de 1867. En outre, au milieu de la galerie, on a placé, sur des socles, une série d'aquariums visibles de tous les côtés.




L'aquarium a maintenant été mis à la portée de tout le monde. Le premier type de l'aquarium, c'est le bocal barométrique où l'on met des grenouilles qui montent sur une échelle de bois quand le temps devient beau. Maintenant on en fait qui sont très-élégants, avec des rocailles; on peut y mettre soit des goujons, soit des hippocampes, qui se conservent fort bien. Le poisson rouge tend à détrôner le serin traditionnel.
On a poussé ces derniers temps, la réduction de l'aquarium aux dernières limites de l'exiguïté. Une petite boule de verre, grosse comme une pomme ordinaire, suffit à contenir tout un monde de poissons nains. C'est plaisir à les voir s'agiter dans leur océan microscopique. Gracieux et légers, ils parcourent en tout sens leur étroite prison; ils font miroiter leurs armures de nacre, aussi simples qu'étincelantes. Leur donne-t-on quelque-uns de ces petits vers roses, mince comme des fils, aussitôt tous se précipitent sur la proie qui leur est offerte. C'est à qui sera le plus fort ou le plus adroit. Les grandes passions qui gouvernent tous les êtres de l'univers n'ont pas abdiqué leur empire sur la goutte d'eau, où végètent les infiniment petits.
Quelques-uns de ces petits poissons sont envoyés de fort loin. Il est assez difficile de trouver un moyen de transport commode pour eux. S'ils ont besoin d'être dans l'eau pendant la route, il faut aussi qu'ils aient de l'air frais, de l'air qui se renouvelle souvent. Des tentatives de toutes sortes ont été faites dans le but de résoudre ce problème. Presque toujours, si on laisse une ouverture pour l'introduction de l'air, l'eau s'échappe; si l'on ferme le récipient, l'air manque, et dans ces deux cas, le résultat est le même. Un des moyens les plus curieux consiste dans l'envoi par la poste. Les petits poissons sont placés dans de la mousse humide, et enfermés dans une enveloppe de toile. Il paraît que ce procédé réussit quelque fois, ou quand le timbre des employés de la poste ne s'abat pas sur les petits voyageurs.

                                                                                                                            R. D?

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

dimanche 20 août 2017

Le bien-être chez soi: le cotillon.

Le bien-être chez soi: le cotillon.

Le carnaval agite ses grelots. On danse partout un peu. Le cotillon est le joyeux final de tout bal. Il se compose d'une série sans limite de petits jeux qui se terminent chaque fois par un ou quelques tours de valses ou de polka. Chères lectrices qui donnez des soirées dansantes, faites danser le cotillon!

Les deux cotillons.

Il y a deux sortes de cotillons ou, plus exactement, deux sortes de figures: celles qui exigent des accessoires et celles qui s'en passent. Ces dernières peuvent s'improviser et se multiplier à l'infini selon l'esprit fantaisiste du conducteur et n'occasionnent aucun frais aux maîtres de la maison. Les autres sont plus décoratives, donnent à la salle un aspect brillant et sont un charme pour les yeux autant qu'un amusement d'imagination.

Le rôle du conducteur.

Il est capital dans cette partie de la soirée: c'est celui d'un général d'armée qui commande au bataillon de soldats inconnus et souvent inexpérimentés. Il faut donc qu'il ait dressé d'avance et inscrit par ordre sur le tambourin qui lui sert d'insigne les évolutions qu'il veut commander. Rien n'est plus difficile  que de bien conduire un cotillon. Cet emploi nécessite un ensemble des dons du corps, de l'esprit, et une sorte d'inspiration, qu'il est rare de trouver réunis chez un seul individu. Il faut avoir une imagination fertile pour varier, combiner l'effet des accessoires et des mouvements; un tact infini pour rendre à chaque vanité ce qui lui est dû sans blesser celle du voisin; une bouche toujours souriante et libérale en compliments pour accompagner les bibelots qu'on doit offrir aux danseuses; une mémoire prompte et fidèle qui saisisse et retienne le nom, l'importance et le tour de danser de chaque cotillonneur; un désintéressement absolu et qui touche à la grandeur d'âme, avec l'éternelle appréhension de laisser, malgré tous ses efforts, des danseurs ennuyés ou mécontents.

Figures à accessoires.

Ces figures ont pour principe de distribuer au hasard des bibelots assortis par paires: chaque danseur n'a plus qu'à retrouver la danseuse ayant reçu un objet semblable au sien. Plus on distribue de cocardes, de bouquets, de colliers, d'écharpes, d'éventails, de têtes d'animaux, d'oiseaux, etc., plus le bal est gai et brillant. Il y a des cotillons dont les accessoires, véritables bijoux ou œuvres d'art, coûtent plus de vingt ou trente mille francs. Ce sont des fantaisies que peu de gens ont la fortune de se permettre et la tendance actuelle est plutôt de réagir contre le luxe excessif de ces dernières années.
Plusieurs de ces figures sont très simples et les accessoires peuvent en être confectionnés à peu de frais par les filles de la maison.

Les cocardes.

C'est une figure qui se danse dans les premières. On fait autant de couples de cocardes différentes qu'il y a de couples de danseurs. Le conducteur les pique sur un coussin et les offre à la file à chaque personne. Chaque danseur se met à la recherche de la danseuse qui a la même cocarde que la sienne et danse avec elle. Toutes sortes de variations peuvent être apportées à cette figure: bonnets de papiers assortis, etc.

Les têtes d'animaux.

Le conducteur distribue à chaque dame une tête grotesque en papier, tête d'ours, d'âne, de singe, de loup, bonnet de nourrice, etc. Elle en coiffe le cavalier de son choix et danse avec lui. Cette figure est de celles qui égayent le mieux l'aspect d'un bal.

Les tickets.

On fabrique deux par deux des billets de chemin de fer ou de tramway qui portent des noms de stations et on les distribue: chaque danseur cherche la danseuse qui porte sur sa carte la même destination et danse avec elle.

Les Ailes.

Un cavalier et une dame dansent ensemble. Aux épaules de la dame sont adaptées des ailes de gaze très légère. Deux cavaliers porteurs de grands ciseaux essaient de les couper en tournant autour du couple. Celui qui réussit danse avec la dame.

Les écharpes.

Une écharpe de gaze est distribuée à chaque cavalier. Le conducteur se place vis-à-vis de sa dame au milieu du salon, lui tend un bout de l'écharpe, tient l'autre, tous deux les bras levés. Un deuxième couple passe sous le dais ainsi formé, en valsant, et vient se ranger à côté du premier en imitant son attitude, puis un troisième, un quatrième, etc. Les écharpes forment ainsi une voûte multicolore, le conducteur, passe dessous en valsant avec sa dame et s'arrête à la sortie du tunnel.

Voyons maintenant les amusantes figures que l'on peut faire sans accessoires:

Les dos-à-dos.

Le cavalier conducteur place cinq messieurs en ligne au milieu du salon. La conductrice amène autant de danseuses derrière eux, dos à dos. Au signal donné, chacun se retourne et danse avec son vis-à-vis. Danse générale.

Les impairs.

Même figure que les "dos-à-dos", mais avec un cavalier de plus: c'est à qui ne restera pas sans dame.

Le coussin.

Une dame est assise au milieu de la salle, un coussin à ses pieds. On lui amène un danseur qui essaye de s'agenouiller sur le coussin; s'il ne lui plait pas, elle retire du pied le coussin et le danseur est contraint de s'agenouiller à terre. S'il lui plait, elle le laisse, au contraire, poser un genou dessus et danse avec lui. On peut ainsi refuser cinq, six cavaliers de suite, mais il est de bon ton de ne pas trop faire attendre son choix.

Le miroir.

La dame tient un miroir. Des cavaliers viennent un à un y refléter leur figure qu'elle efface à coup de mouchoir jusqu'à l'arrivée de celui qui lui plaît.

L'éventail.

Deux messieurs viennent s'asseoir à côté de la dame. Elle tend l'éventail à celui qu'elle aime le moins et danse avec l'autre, tandis que le premier suit en les éventant. (Cette figure se répète avec variantes: verre de champagne que boit le cavalier dédaigné, etc.)

Le rond interrompu.

Une dame, au milieu, tient un bonnet. Tous les cavaliers tournent en rond autour d'elle, de dos. Elle coiffe au deviné, celui qu'elle préfère, et danse avec lui au milieu du rond. Même figure, un cavalier au centre, les dames autour.

Les fleurs.

Le conducteur demande à plusieurs cavaliers des noms de fleurs. Puis il les dit à autant de dame et chacune danse avec celui dont elle a choisi la fleur dans le savoir. (Se répète avec des noms d'animaux, de pierres précieuses, de fruits, etc.)

La prison.

Les cavaliers se retirent dans une pièce dont la porte ou la draperie est entre-bâillée. Les dames passent leur main par l'ouverture et, la porte ouverte, chacune danse avec celui qui tient sa main.

Le mauvais numéro.

On met cinq numéros (de 1 à 5) dans un sac pour les dames et six (1 à 6) dans un autre sac pour les messieurs. Le conducteur fait tirer au hasard cinq dames, la conductrice, six messieurs.
On fait l'appel, chacun s'apparente suivant son numéro et le porteur du n° 6 reste seul au milieu du salon à regarder danser les cinq couples.

Le colin maillard.

Tous les couples forment un rond au centre duquel on place un cavalier les yeux bandés. Le rond tourne sur la gauche et l'aveugle cherche à saisir une dame du rond. S'il se trompe deux fois de suite, il reste seul au centre du salon, tandis que tous les couples font un tour de valse. Mais s'il réussit, il danse avec la dame attrapée et c'est le tour d'un autre cavalier d'avoir les yeux bandés au centre du rond.

Mon dimanche, revue populaire illustrée, 18 mars 1905.

En ballon de Londres à Paris.

En ballon de Londres à Paris.

Deux aéronautes français, MM. Jacques Faure et Henri Latham, viennent d'accomplir une performance sensationnelle. Partis de Londres samedi soir, à six heures quarante cinq, ils ont atterri le lendemain, à une heure quinze du matin, à Saint-Denis. L'aérostat était muni d'un stabilisateur à hélices mues par un moteur de sept chevaux, adhérent à la nacelle. A six heures et demi du soir, le ballon était prêt à partir de Londres.

Lâchez-tout!

"Devant une foule innombrable, quelle cohue!, nous procédons aux dernières opérations, et à six heures quarante cinq, dans la nuit, je prononce un joyeux "Lâchez-tout" auquel répondent de formidables "hourras!". Nous montons, montons; nous voici bientôt à 2.600 mètres. Londres flamboie derrière nous, comme derrière un voile de brouillard; il gronde dans une clarté opaline qui s'atténue, s'éteint. et nous voguons dans la nuit très claire, par une lune admirable. Et tout à coup apparaît la mer. Je me tourne vers mon compagnon dont c'était la première ascension, et lui montrant la mer:
- Tu es décidé, dis-je?
- Comme toi!
- Allons!
Nous n'étions plus qu'à 800 mètres d'altitude; nous avons quitté la terre d'Angleterre exactement une heure vingt cinq minutes après avoir quitté Londres; il était donc huit heures dix.

En mer.

Aussitôt en mer, je résolus d'expérimenter le stabilisateur Hervé. L'essai que je fis fut remarquable; il est pour moi concluant; je ne saurais vraiment trop rendre hommage à celui qui l'inventa. Je descendis en trombe. Mais à peine le stabilisateur touche-t-il la vague que le ballon s'équilibre d'une façon incomparable, et alors commence pour nous le plus captivant des voyages, dans le calme impressionnant de la nuit, dans la tristesse des clartés lunaires, tandis que derrière nous suit le sillage follement argenté du stabilisateur glissant sur l'eau. Le vent était violent: nous devions marcher à cent kilomètres à l'heure; je crus prudent de m'élever au-dessus de la mer par crainte d'une rafale, et je remontais dans les airs.
Oh! ce merveilleux spectacle! j'ai encore dans les yeux le charme infini du panorama majestueux de calme, de silence et de grandeur; de ces deux barques blanches qui erraient sur le flot; de ces deux paquebots haletants dont nous hélâmes les équipages! Deux heures après avoir perdu de vue la terre d'Angleterre, nous passions au-dessus de Dieppe. Il était dix heures dix du soir. J'avais atteint mon but: traverser la Manche. Je pouvais donc atterrir, mais j'était riche en lest, mon Aéro-Club avait dix-huit heures de navigation dans le ventre; autant continuer. Nous continuâmes, certains d'être en France ou du moins aussi certains qu'on peut l'être en ballon. Nous naviguions depuis trois heures environ, lorsque l'horizon s'éclaircit.
- Voilà le jour! fit mon cousin.
- Oui! répondis-je. Et pourtant ce n'est pas possible. Je consultais ma montre; à cette époque l'aurore est paresseuse; il était une heure: c'était donc la lueur d'une grande ville. Nous approchons. La clarté est intense, très blanche, sans brouillard; je reconnais, en vieil habitué, la lumière de Paris. "C'est Paris!" m'écriai-je.

La descente.

Il fut donc décidé que nous atterririons aussi près que possible des fortifications, ayant renoncé à descendre dans Paris même, où je redoutais d'incendier mon ballon à la flamme de quelque réverbère. La plaine d'Aubervilliers se présenta propice; comme le vent soufflait violemment à terre, je dus déchirer l'étoffe et, après un traînage de deux cents mètres, l'Aéro-Club s'immobilisa à une heure quarante cinq du matin. Nous avions fait le trajet Londres-Paris en six heures."

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 5 mars 1905.