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vendredi 13 décembre 2013

Obsèques de Nguyen-hun-do.

Obsèques de Nguyen-hun-do.

On nous communique d'intéressants détails sur les funérailles du vice-roi du Tonkin, grand-officier de la Légion d'honneur, mort récemment à Hanoï, où il cumulait les fonctions de ministre de la guerre, de président du conseil secret, de grand ambassadeur permanent du Tonkin, etc...

Lorsqu'il rendit le dernier soupir, le vice-roi Nguyen-Hun-Do avait auprès de lui son fils, arrivé de Hué par le dernier courrier, tous les mandarins de Hanoï et divers hauts dignitaires du Tonkin. Quelques heures auparavant, il avait fait son testament et dicté plusieurs lettres adressées à l'empereur d'Annam, au gouverneur général, au général commandant en chef, au résident général et au résident supérieur, pour lequel il avait une grande affection.
La famille du défunt n'était pas encore à Hanoï, les funérailles, contrairement à l'usage, n'étaient ni prévues, ni préparées à l'avance. On dut déposer le corps dans un cercueil donné par une vieille femme, qui l'avait fabriquer pour elle, il y a vingt-neuf ans. C'était d'ailleurs un meuble de grande valeur, en bois dur et très lourd.
L'ensevelissement eut lieu selon les rites: le cadavre, lavé et parfumé avec soin, fut revêtu du costume d'apparat et enveloppé de bandelettes de soie, puis placé dans le cercueil sur un lit de plantes aromatiques. Dans la bouche avaient été glissés de l'or, de l'argent et quelques diamants; car la religion bouddhique veut que les défunts aient à passer nombre de barques avant d'arriver au ciel, et qu'ils paient à chaque passage, suivant leur importance et leur fortune, sous peine d'errer éternellement. Une nouvelle couche de plantes ayant été étendue sur le corps, le cercueil fut fermé, et les interstices furent soigneusement remplis de mastic, recouvert d'une couche de laque qui le rend complètement imperméable.
Après avoir été exposé dans la salle des Gardes pendant vingt-quatre heures, le cercueil fut transporté en grandes pompes à la pagode Sinh-tu, monument élevé il y a quelques années, en l'honneur de Nguyen-hun-do, par la reconnaissance des habitants du Tonkin; il y restera jusqu'au jour de la translation à Hué dans le tombeau des ancêtres du vice-roi.
La cérémonie fut très importante, quoique improvisée à la hâte. Dès onze heures du matin, une foule énorme assiégeait les abords du palais: de grands coups de tam-ram annoncent bientôt le départ du cortège.
Des porte-drapeaux ouvrent la marche, puis viennent successivement: un mandarin abrité de parasols, tenant le sabre du vice-roi; trois hommes portant des bandes de soie brochée; sur la première bande sont brodés des caractères en argent, et sur les deux autres de couleurs blanches des caractères noirs; le portait en grand costume du défunt, admirable de ressemblance, oeuvre d'un artiste annamite, entouré d'un splendide cadre en bois sculpté et porté sur une table de laque; le palanquin du vice-roi avec son ameublement habituel; un autel laqué et doré, sur lequel étaient exposées ses décorations: croix de commandeur de la Légion d'honneur, à côté de celle de chevalier qui lui avait été décernée alors qu'il n'était que Tong-dog d'Hanoï, la grande croix du Dragon d'Annam, etc.
Venaient ensuite: un détachement de la garde civile indigène, précédés de clairons et de tambours recouverts de crêpe; la voiture à deux chevaux du défunt, lanternes allumées, enfin les musiciens annamites précédant le corps.
Le cercueil, recouvert d'une draperie rouge, disparaissait presque complètement dans une sorte de châsse, élevée sur un brancard.
Cette châsse et les traverses au moyen desquelles vingt-quatre soldats la portaient sur leurs épaules étaient d'une simplicité extrême; des bandes de papier bleu les recouvraient entièrement; aucune dorure et aucune pierre précieuse ne les décoraient. Sur le cercueil des bougies parfumées jetaient leur lueur tremblotante sur les offrandes composées des mets favoris du défunt.
Un détachement de soldats français formait l'escorte d'honneur. Un vieux mandarin fermait la marche, en frappant sur un gong, à intervalles égaux.
Courbé sur le brancard, le visage à demi caché par ses cheveux épais, le fils du vice-roi marchait, pieds nus, à reculons.
Derrière le cercueil venaient: le premier résident, maire d'Hanoï; le représentant de l'administration civile; un officier délégué par le commandant en chef des troupes de l'Indo-Chine; les chefs des différents services et tous les mandarins de la province, revêtus de la robe blanche de deuil et marchant pieds nus.
Parvenu à la pagode, le cercueil est déposé dans la cour d'honneur; la compagnie de la garde civile fait la haie, pendant que la foule pénétrait dans le monument. Les tambours battent aux champs, les clairons sonnent, les soldats présentent les armes; puis le corps est transporté sur un catafalque, dressé au centre de la pagode, et entouré de drapeaux et de luminaires;
Le fils de Nguyen-hun-do vient alors saluer le premier résident et le prie de bien vouloir transmettre aux personnes présentes, ainsi qu'à toute la colonie européenne, ses remerciements pour la part qu'elles ont prise à son deuil.
Lorsqu'il s'est retiré, les mandarins se prosternent selon les rites et l'on dispose autour du catafalque, devant le portrait du défunt, les menus objets à son usage, tels que sa boite à bétel et sa bourse à tabac; on allume une cigarette prise dans son étui et on la place auprès de lui.

                                                                                                               Ouang.

Journal des voyages, dimanche 31 mars 1889.

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