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mardi 17 février 2015

Les chemins de fer Tunisiens.

Les chemins de fer Tunisiens.

Parmi les lignes de chemin de fer projetées en Tunisie, deux tracés sont en présence, l'un passerait par Hammamet, l'autre par Zaghouan.
La colonisation s'est portée surtout dans trois régions:
1° Dans la vallée de la Medjerda.
2° Dans la presqu'île du cap Bon.
3° Dans la vallée du Mornay et dans celle du Zaghouan.
La vallée de la Medjerda est mise en communication avec Tunis par la ligne de Tunis à Bône, en exploitation depuis environ six ans.
La presqu'île du cap Bon, pays très riche, renferme en dehors de la colonie française des centres arabes importants, tels que les villes de Nabeul et d'Hammamet, autour desquelles on compte une vingtaine de mille habitants. C'est une région industrieuse; on y fabrique des tissus de laine, des poteries, des parfums, etc. Une ligne d'Hammamet à Tunis paraît devoir faire très rapidement ses frais d'exploitation. D'autre part cette ligne est demandée par l'état-major.
La vallée du Mornay et les environs de Zaghouan sont peuplés de colons qui ont créé des domaines d'une grande importance, qui ont planté des centaines d'hectares de vignes. De plus, Zaghouan est un point important, ayant une garnison: c'est là que se trouvent les sources qui alimentent Tunis; enfin, Zaghouan touche à la riche plaine de Faz, où cinq mille arabes cultivent les céréales. La ligne de Zaghouan à Tunis amènerait dans cette ville tous les produits de la colonie et tous les produits très considérable de l'agriculture arabe.
L'intérêt général exigerait donc que l'on construisit simultanément ces deux lignes d'Hammamet et de Zaghouan. Néanmoins, quelques colons ont proposé, vu les ressources limitées dont on dispose, de ne faire qu'une seule ligne en la prolongeant jusqu'à Sousse. 
Quel intérêt il y a-t-il à rattacher Tunis à Sousse?
Pourquoi établir une voie ferrée entre deux ports de mer?
Il est bien certain que les négociants et les agriculteurs des environs de Sousse n'enverront jamais à Tunis leurs produits par voie de terre, lorsqu'ils peuvent les embarquer, à beaucoup moins de frais, soit pour Tunis, soit pour l'Europe.
Prenons une carte de la Tunisie. Examinons le pays entre Hammamet et Sousse. Nous ne voyons aucun village: c'est un désert. Il y a cinquante kilomètres sans trafic possible, autre que celui de l'Enfidah.
D'autre part, entre Zaghouan et Sousse, il n'y a encore rien, si ce n'est l'Enfidah.
Qu'est-ce donc que l'Enfidah?
L'Enfidah est un domaine de cent vingt à cent trente mille hectares, et les terres que comprend ce domaine sont les moins colonisables de toutes les terres de la Tunisie. Les pluies y sont extrêmement rares, et quand il ne pleut pas, ce qui arrive environ trois ans sur quatre, il n'y a pas de récolte. Les propriétaires actuels y ont planté un vignoble de plus de trois cents hectares, qui entre dans sa production normale. L'an dernier, les propriétaires avouent n'avoir eu  que quinze cents hectolitres de vin, et bien des personnes croient ce chiffre exagéré! On a vu des plants de vigne de cinq ans mourir par la sécheresse. C'est le seul point de la Tunisie, colonisée, qui soit aussi ingrat.
Il n'existe aucun intérêt général à diriger la colonisation du côté de l'Enfidah, tant qu'il y aura des terres à acheter dans des régions plus fertiles.
Jadis, du temps des Romains, les plaines de l'Enfidah paraissaient avoir été riches, puisqu'on y trouve les ruines de quatorze villes romaines. Mais alors les Romains avaient fait des travaux considérables, notamment d'immenses barrages qui retenaient des milliers de mètres cubes d'eau de pluie, avec lesquels on arrosait pendant les sécheresses.

Journal des Voyages, dimanche 2 juin 1889.

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