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dimanche 3 février 2019

Jalousie.

Jalousie.

On mande d'Aubenas (Ardèche)

La nommée B... et la belle sœur d'un sieur R... habitant à Joyeuse, étaient deux rivales qui se disputaient le cœur d'un jeune homme du pays. Le sieur R... manifesta bientôt ses préférences d'une manière non équivoque. La fille B... fut délaissée. Elle eut le dépit de voir son amant  cesser ses visites, tandis que la fille N..., plus heureuse, était devenue l'objet de ses assiduités. Dès ce moment le désir de vengeance entra dans son cœur.
Lundi dernier, elle attire auprès d'elle la fille N... sous un prétexte assez futile. Celle-ci arrive sans défiance au rendez-vous. Mais elle n'est pas plus tôt entrée qu'elle voit la porte se fermer à la clé. La fille B... commence par l'apostropher rudement et lui appliquer un soufflet. au même instant arrive la mère de la fille B... accompagnée d'une ouvrière.
Ces deux femmes viennent prêter main forte, et malgré ses cris "Au secours" la fille N... se voit attacher les bras et flageller impitoyablement avec un paquet d'orties. On pousse la barbarie jusqu'à lui couper les cheveux et à l'épiler sur les autres parties du corps, et à lui introduire des orties dans la bouche.
La malheureuse, épuisée par ses cris et les souffrances qu'elle endure, tombe évanouie sur le plancher. Alors ces trois forcenées, la fille B..., sa mère et l'ouvrière qui les assistait, ouvrent la porte et vont prévenir les parens de leur victime de venir la chercher, disant ironiquement qu'elle s'était évanouie de malice. La fille N... a été trouvée dans un état déplorable par les médecins qui ont été appelés à lui donner des secours.
La justice a fait immédiatement arrêter les trois femmes, auteurs ou complices du guet-apens.

Le Salon littéraire, jeudi 1er juin 1843.

dimanche 16 avril 2017

Amant jaloux et brutal.

Amant jaloux et brutal.

Le duc de Lauzun, amoureux de madame de Monaco, sœur du comte de Guiche, intime amie de Madame et dans toutes ses intrigues, était fort jaloux et n'était pas content d'elle. 
Une après-dînée d'été qu'il était allé à Saint-Cloud, il trouva madame et sa sœur assises à terre, sur le parquet, pour se rafraîchir, et madame de Monaco à demi couchée, une main renversée par terre. Lauzun se met en galanterie avec les dames, et tourne si bien, qu'il appuie son talon dans le creux de la main de madame de Monaco, y fait la pirouette et s'en va. Madame de Monaco eut la force de ne point crier et de s'en taire.
Peu après, il fit bien pis. Il écuma que le roi avait des passades avec elle, et, à l'heure où Boutems la conduisait, enveloppée d'une cape, par un degré dérobé, sur le palier duquel était une porte de derrière des cabinets du roi et vis-à-vis, sur le même palier, un privé, Lauzun prévient l'heure et s'embusque dans le privé, le ferme en dedans d'un crochet, voit par le trou de la serrure le roi qui ouvre sa porte et met la clef en dehors et la referme. Lauzun attend un peu, écoute à la porte, la ferme à double tour avec la clef, la tire et la jette dans le privé, où il s'enferme de nouveau.
Quelques temps après, arrivent Bontems et la dame, qui sont bien étonnés de ne point trouver la clef à la porte du cabinet. Bontems frappe doucement plusieurs fois inutilement, enfin si fort, que le roi arrive. Bontems lui dit qu'elle est là et d'ouvrir, parce que la clef n'y est pas. Le roi répond qu'il l'y a mise; Bontems la cherche à terre pendant que le roi veut ouvrir avec le pêne, et il trouve la porte fermée à double tour.
Les voilà tous trois bien étonnés et bien empêchés; la conversation se fait à travers la porte, comment ce contre-temps peut être arrivé; le roi s'épuise à vouloir forcer le pêne et ouvrir malgré le double tour. A la fin, il fallut se donner le bonsoir à travers la porte, et Lauzun, qui les entendait, à n'en pas perdre un mot, et qui les voyait, de son privé, par le trou de la serrure, bien enfermé au crochet, comme quelqu'un qui serait sur le privé, riait bas de tout son cœur, et se moquait avec délices.

                                                                                                         Saint-Simon, Mémoires.

Dictionnaire encyclopédique d'anecdotes, Edmond Guérard, librairie Firmin-Didot, 1876.

dimanche 15 mars 2015

Chronique du Journal du Dimanche.

Chronique.


On répète sans cesse que Paris est désert, que tout le monde reste à la campagne jusqu'au milieu de l'hiver; mais il est une classe nombreuse, vivant bien, faisant de fréquentes visites dans les magasins, qui n'abandonne jamais la capitale: c'est celle des voleurs. Les annales de cette semaine sont pleines de leurs hauts faits. Nous parlerons seulement de ceux de ces industriels contre lesquels il est bon de tenir le public en garde.
Ainsi, que les employés des magasins se méfient d'une belle jeune dame de vingt-cinq ans, brune, aux beaux yeux noirs italiens, le voile de dentelle noir à demi-baissé sur les yeux, et tenant un élégant livre d'Heures à la main, comme si elle sortait de l'église. Elle fait de fortes emplettes de dentelle et de broderies; mais cela est si délicat qu'elle veut y mettre elle-même la main lorsqu'on fait un paquet pour les envoyer à son hôtel; après quoi, elle se retire. Il est inutile de dire qu'elle a donné une fausse adresse et qu'on ne trouve personne du nom demandé à l'hôtel qu'elle a indiqué. Le paquet est donc rapporté, et, vérification faite, il y manque divers objets portés sur la facture, dont elle a su adroitement s'emparer.
Comme pendant à cette dame, il existe un chevalier d'industrie qui exploite les artistes dramatiques. Les cheveux mi-longs sur les épaules, la redingote étroitement boutonnée, cet intéressant jeune homme, se disant comédien lui-même, présente une liste de souscription au bénéfice d'un camarade dont il peint la détresse sous les traits les plus attendrissants, et il sort en emportant les offrandes, qui ne vont pas plus loin que son gousset. Cependant ce monsieur ne ment pas tout à fait; car les voleurs, avec leurs fausses apparences et les mille costumes qu'ils savent emprunter, sont les meilleurs comédiens du monde.

*****

Il est une demeure d'humanité que l'auteur des Guêpes a souvent conseillée, et dont chaque jour vient montrer l'utilité. Il s'agirait de pratiquer à la petite prison dite le violon une ouverture par laquelle on pût voir ceux qui y sont enfermés.
Le nommé S... , employé d'un chemin de fer, ne s'étant pas méfié du vin nouveau, qui se présente sur les lèvres avec tant de douceur, en avait absorbé dans un cabaret de la Villette, au point de perdre complètement la tête. En cet état, il fit grand tapage, et fut conduit au poste pour y passer la nuit.
Mais là, il s'est si bien dégrisé et désespéré, que ce matin on l'a trouvé pendu, avec l'aide de sa cravate, à l'un des barreaux du violon.
Ces barreaux sont un véritable lieu d'exécution; le nombre des malheureux qui y périssent est effrayant; et, par le simple moyen d'un ouverture sur laquelle la sentinelle aurait les yeux, on sauverait toutes ces victimes.

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François Jestu, ouvrier à Belleville, nourrissait une passion coupable pour la femme de son frère, Joseph Jestu. Sa jalousie était arrivée au dernier degré de la fureur. Dernièrement, François entre chez son frère à neuf heures du soir; une petite lampe éclairait seule l'intérieur de l'ouvrier; Joseph écrivait, penché sur une table; une jeune femme était occupée à tordre du linge dans un baquet, et tournait le dos à la porte d'entrée. François se précipite vers cette femme, la frappe de trois coups de poignard; puis, comme Joseph accourt vers la victime, son frère tourne l'arme contre lui, et le perce de six coups violemment portés.
Le fratricide croit alors avoir accompli son oeuvre. Mais la jeune femme de Joseph s'était enfuie à sa vue, et celle qu'il a frappée est la demoiselle de Marigny, pauvre jeune ouvrière de seize ans, qui travaillait dans la maison.
Les deux victimes ont été transportées à l'hôpital Saint-Louis. Joseph Jestu est mourant; on espère sauver la jeune fille.
Le monstre de cruauté et de jalousie est arrêté.

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Parlons d'un criminel plus amusant.
En Hongrie, un chef de brigands, âgé de soixante-dix ans, et célèbre par ses hauts faits, attend en ce moment, en prison, l'heure prochaine qui doit le conduire à la potence. Mais, par un jeu de la nature, l'infernal bandit est pourvu de la barbe blanche la plus vénérable.
Un Anglais entend parler de lui et va lui faire visite
- Goddem! dit le gentleman au brigand, tenait-vous beaucoup à votre barbe?
- C'est ma barbe qui tient beaucoup à moi, répond celui-ci.
- C'est juste; mais il suffirait pour la détacher d'une bonne paire de ciseaux... aiguisée par vingt florins que je vous donne si vous consentez à me la vendre.
- Je ne demande pas mieux, si mon geôlier y consent; car toute ma personne lui appartient.
- Je me charge d'obtenir son consentement
- Alors donnez-moi les vingt florins et prenez ma barbe.
Le marché conclu, l'Anglais s'éloigne comme un nouveau Jason, emportant cette fois une toison d'argent, et il reste possesseur de cette respectable barbe, qui a commis tant de brigandages.

*****

Voulez-vous connaître une autre merveille? C'est un poisson qui a une figure humaine.
Il a été pêché au Havre, dans la barque Saint-Louis, patron Lambert.
Son corps est couvert d'écailles très-luisantes; il se meut au moyen de deux nageoires, dont l'une est sur le dos et l'autre sous le ventre. Sa tête est unie au corps par un cou bien formé; son nez est des mieux dessinés; sa bouche, de grandeur moyenne est très-agréable; son angle facial, un peu aigu, n'est pas moins régulier.
On amène en ce moment ce poisson à Paris, et on dit que beaucoup de Parisiens seraient charmés de ne pas ressembler plus que lui à une bête.

                                                                                                                Paul de Couder.

Journal du Dimanche, 22 novembre 1857.

samedi 22 mars 2014

Le carnet de Madame Elise.


Le chat effrayé.

Avez-vous déjà, amis lecteurs, étudié l'attitude d'un chat, lorsque vous courez dans la rue; il vous entend de loin et dresse l'oreille au bruit de vos pas; vous vous rapprochez, il bombe le dos; vous approchez encore, ses poils se hérissent; il est ramassé sur lui-même, toute sa puissance d'observation tendue vers l'ennemi qui s'avance au galop; il est prêt à bondir, il vous regarde fixement, et si, parfois, sa prunelle phosphorescente se détourne de vous, c'est pour mesurer d'un œil rapide toutes les chances d'issues qui s'offrent à droite et à gauche; s'il ne s'écarte pas plus vite du chemin que vous suivez, c'est qu'il se défie des brusques changements de votre tactique; il demeure là, les jarrets pliés; et, quand vous serez sur lui, d'une rapide contraction de ses muscles d'acier, il sortira de votre trajectoire et... vous échappera.
Vous couriez sous l'empire de préoccupations fort étrangères, et vous n'avez rien vu de cette tragédie à un personnage, si par hasard vous l'auriez entrevu, vous n'auriez pas manqué d'en sourire.
Pourquoi sourire de pitié parce qu'il se croit l'objet de toutes les manifestations qui se produisent dans la rue? La faiblesse excuse cette naïve conviction.
N'avons-nous pas, nous autres humains, la même vanité puérile, sans avoir la même excuse? Tous les événements qui se produisent dans notre rayon nous paraissent être sans rapport direct avec nous. Tantôt nous nous considérons comme la cause, tantôt comme le but, mais nous ne pouvons admettre que nous y soyons étrangers.
- Mme X... a invité telle personne à son bal pour me narguer.
- Mme Y... n'aurait pas arboré des plumes oranges, si mon exemple ne l'avait pas enhardie.
- Mme Z... a fait cesser le dessin à son fils parce que les succès du mien le rendaient trop jaloux.
- La famille B... est revenue de la campagne, elle nous évite pour ne pas avoir à nous saluer.
- Geneviève pose maintenant pour apprécier Bourget; si je ne lui avait pas fait connaître, elle l'ignorerait encore aujourd'hui.
Contre toute vraisemblance et contre toute équité, nous nous faisons le centre du petit cercle dans lequel nous vivons; nous considérons les choses et les êtres non dans leur valeur propre, mais dans leur valeur relative à nous.
Sous cet angle visuel absolument déformant, nous voyons mal; nos jugements sont faux, quelle que puisse être notre bonne foi. C'est là l'origine de colères inutiles, d'indignations injustes, de rancunes malhonnêtes et de déceptions gratuites.
L'erreur de notre pensée se traduit dans notre conduite, nous sommes de véritables hochets agités en tous sens par des impulsions chimériques, alors que nous croyons vraiment être des gens raisonnables qui utilisent des auxiliaires ou déjouent des complots ennemis.
Notre vanité ne peut s'accommoder aisément de la mesquinerie de notre rôle; elle ne peut admettre que la vie adjacente ne pivote pas autour d'elle; elle va même jusqu'à préférer la souffrance qui lui procure la haine des autres au calme donné par leur indifférence.
Le sage sait seul accepter la place étroite qui lui est départie; il n'envie ni la responsabilité des chefs ni l'éclat des fortunés; il se rend compte que chaque être doit être indépendant, au moins en partie, et qu'il n'est pas normal qu'un seul d'entre eux tienne les fils qui font mouvoir plusieurs de ses semblables. Convaincu de son obscurité, il juge sainement et se tient à l'écart des ambitions injustes et des désillusions vaines.

                                                                                                                        Mme Elise.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 7 janvier 1906.