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lundi 25 mai 2015

Le marchand d'habits.

Le marchand d'habits.


La physionomie de l'ancien Paris tend chaque jour à s'effacer davantage. Quand les Parisiens d'il y a trente ans reviennent dans leur ville, ils ne la reconnaissent plus; ses rues sont larges et spacieuses, il est vrai; on voit à chaque carrefour des squares et des places aérées; ses maisons s'élèvent alignées comme autant de palais; mais chaque coup de la pioche du démolisseur emporte quelque vieux et cher souvenir, et l'ancien habitant de Paris, qui revient visiter sa ville natale, passe le cœur serré quand, à la place où s'élevait la vieille maison où son père est mort, où lui-même est né, et à l'ombre de laquelle il venait évoquer de chers souvenirs, il retrouve une maison neuve haute de six étages: la cour, jadis verdoyante et gaie, aux arbres de laquelle des oiseaux chanteurs venaient au printemps suspendre leurs nids, a disparu sous cet amas de pierres, et les habitants de la maison nouvelle n'ont à la place qu'un puits d'air dont le vue seule étouffe. C'est qu'à présent, il n'y a plus guère de Parisiens; nous avons une ville cosmopolite où tous viennent échouer pendant quelque temps sans y prendre racine; ceux qui y demeurent aujourd'hui n'y étaient pas hier, n'y seront peut être plus demain; ils n'ont ici ni leurs souvenirs ni leurs espérances; ils vont de maison en maison sans s'attacher à aucune par les souvenirs qu'elle leur laisse: comme les oiseaux quand vient l'été, ils changent souvent l'arbre qui doit porter leur nid.
Les Parisiens d'autrefois aimaient leur vieille ville, avec ses rues étroites, ses monuments noircis par les siècles, ses églises où de génération en génération on venait prier le même Dieu; ils aimaient, en parcourant les rues, les places où l'histoire avait aussi ses souvenirs, à évoquer les époques où elles avaient été le théâtre d'événements glorieux ou douloureux pour la France.; ils songeaient, en revoyant le Louvre, à Catherine de Médicis et à Henri IV; en passant par les rues tumultueuses de la vieille Cité, aux luttes de la Ligue et de la Fronde; chaque quartier avait son langage, ses souvenirs, dont la truelle des maçons a emporté un à un tous les lambeaux. Paris a maintenant l'aspect de ces ville d'Amérique, qui sont grandes et belles, mais dont l'uniformité même a quelque chose de monotone qui redit que les siècles n'ont pas apporté chacun leur pierre à ces cités modernes, qui n'ont pour passé que le néant, et, au moment où nous écrivons, il serait impossible à Picard et à Mazère d'écrire leur comédie des Trois Quartiers.
Puis Paris avait, à chaque partie de la journée, des passants différents. Dès le point du jour, quand la ville s'éveillait, elle était sillonnée par une véritable armée de crieurs: il y avait les rétameurs, les raccommodeurs de fontaines, les marchands de cartons, les repasseurs de couteaux, les vitriers, les ramoneurs, les marchands des quatre saisons, les marchands d'habits-galons; ces derniers succédaient aux chiffonniers, qui parcourent la ville pendant la nuit, et c'était un étrange concert de cris de toute sorte qui retentissaient dans la ville à moitié assoupie et la faisait sortir de son silence nocturne.
Je me suis toujours demandé comme ces pauvres gens, dont l'industrie est si précaire, pouvaient vivre. On les voyait toujours chantant dans les rues, faisant la réclame pour leurs articles que personne ne demandait et recommençant chaque matin les mêmes courses, les mêmes cris, sans plus de résultat apparent. Maintenant leur race tend de plus en plus à disparaître; les petits ramoneurs, qui dès le matin parcouraient nos rues en grelottant de froid, leur marmotte sur le bras, et montrant leurs dents blanches en demandant un petit sou, diminuent chaque année; les gros commerçants, comme ces brochets qui, dans les étangs, dévorent les petits poissons, absorbent tout peu à peu et détruisent ces pauvres et maigres industries qui donnaient au moins un morceau de pain chaque soir à celui qui l'exerçait. Tous les marchands prennent maintenant le titre pompeux d'entrepreneurs, et dans les maisons nouvelles, ils entreprennent jusqu'au ramonage d'une simple cheminée, ils entreprennent le raccommodage des vitres cassées, que sais-je? Ils entreprennent tout.
Mais on n'a pas encore entrepris les vieux habits, et, à peu près seul de sa race, maintenant, le marchand d'habits-galons subsiste. Il parcourt chaque matin les quartiers les plus riches de la ville, quelques hardes passées à la main, car il n'est pas comme le marchand d'habit du Caire, que M. Gérôme nous a montré à la dernière exposition, portant délicatement sur son bras une pièce de satin rose d'une irréprochable fraîcheur et une carabine au fin manche manche de nacre de perle. Non, le marchand d'habits-galons n'est pas si élégant à Paris; tout ce qu'il traîne sur son épaule est fané, sans être déguenillé cependant; il va dans les grandes maisons, dont les domestiques le connaissent et lui réservent la défroque des maîtres du logis; il va dans la quartier des écoles, où il a une ample moisson à faire parmi les étudiants auxquels un paletot d'hiver, resté dans l'armoire quand vient l'été, paraît bien pesant lorsque la bourse devient légère; c'est là que le marchand d'habits fait des marchés d'or. La mise de fond n'est pas considérable, ses frais d'installation ne sont pas coûteux; aussi s'enrichit-il souvent quand la passion de la boisson ne l'atteint pas, et il l'a quelquefois; le gosier se sèche si vite lorsqu'il faut crier.



Si le marchand d'habits parisien fait quelquefois fortune, je crains que le pauvre petit espagnol que représente notre gravure n'ait pas le même bonheur; son commerce ne me paraît pas monté sur une bien grande échelle, puisqu'il n'a pas même de mauvais souliers pour y mettre ses pieds nus, pas une veste pour couvrir sa chemise déchirée. Il crie à tue-tête, le pauvre enfant; mais sa marchandise est si peu tentante et son aspect est si misérable, qu'aucun habitant de la ville n'oserait faire avec lui un commerce, si léger qu'il fut, et qu'on est plutôt tenté de lui mettre dans la main le petit sou si demandé jadis par les ramoneurs. Ce n'est point là qu'il faut étudier le marchand d'habits-galons pour surprendre quelque vestige de son ancienne splendeur et de son ancienne habileté; c'est dans les grandes villes, à Paris ou à Vienne. Ordinairement cette profession est exercée par des Juifs, et il ne font pas mentir la renommée industrielle de leur race. Rien n'est plus curieux que de voir un marchand d'habits-galons marchandant à un étudiant un paletot que celui-ci veut vendre; il le déprécie du haut jusqu'en bas, il trouve que les boutons sont râpés, les galons ternis, les boutonnières déchirées, le collet graisseux, la mode passée; il fait peser dans la balance le moindre grain de poussière pour abaisser le prix qu'il donne du vêtement. 
En revanche, si c'est l'étudiant qui achète, le paletot ou l'habit ont été à peine mis, on les a endossés pour un mariage, pour une fête, pour un banquet, pour un bal. Le marchand devrait les vendre pour neufs, et ce n'est qu'à cause de l'habitude qu'il a de faire des affaires avec son jeune client qu'il consent à les céder à un prix aussi réduit. Il fait une mauvaise affaire, il y perd; c'est un marché qu'il se reprochera, et si le jeune homme ne se hâte de conclure, le marchand va emporter la marchandise.

                                                                                                                        René.

La Semaine des familles, samedi 20 novembre 1869.

mardi 15 avril 2014

Trousseau d'un jeune homme qui désire aller dans le monde.

Trousseau d'un jeune homme qui désire aller dans le monde.

Lorsqu'une dame choisit une robe plus ou moins élégante, il est rare que sa toilette soit déplacée dans le milieu où elle se trouvera; il n'en est pas de même d'un homme et surtout d'un jeune homme, non encore initié aux usages mondains, qui, revêtu du cérémonial habit lors d'une visite officielle, le matin ou dans la journée, se trouverait fort embarrassé au milieu de messieurs tous vêtus de la classique redingote.
Pour éviter à nos jeunes lecteurs des "impairs"de ce genre, nous allons leur indiquer d'une manière générale quels sont les vêtements qui sont de mise dans les diverses circonstances de la vie du monde.
Nous supposerons, si vous le voulez bien, que nous devons composer le trousseau d'un jeune homme de vingt-deux à vingt-cinq ans. Après avoir terminé ses classes, il arrive à Paris ou dans une grande ville, soit pour s'occuper d'affaires, soit pour achever ses études, et, sans être un mondain dans toute l'acceptation du mot, notre jeune homme veut cependant être reçu dans la bonne société.

L'habit.

L'habit n'est point porté par les tout jeune gens; jusqu'à dix-huit ans et même vingt ans il est avantageusement remplacé par le smoking accompagné du chapeau melon en feutre.
Depuis le mariage de M. Deschanel qui, bien que président de la Chambre, s'est marié en redingote, on a essayé de détrôner l'habit au profit de la redingote, mais cela sans succès.
L'habit est le vêtement habillé par excellence, qui ne se met jamais dans la journée sauf pour un mariage. A partir de sept heures du soir il est admis dans toutes les cérémonies: bal, soirée, dîner d'apparat; on le met à l'Opéra et quelquefois à l'Opéra-Comique, dans les autres théâtres c'est la redingote qui est portée. L'habit doit être largement ouvert sur un gilet ordinairement en soie ou en piqué blanc qui laisse voir le plastron de la chemise unie ou à petits plis. Avec l'habit, la cravate blanche est de rigueur ainsi que les gants blancs.

La redingote.

La redingote est indispensable; moins toilette que l'habit, elle témoigne cependant d'une tenue relevée et habillée. Elle se met pour les visites, les réceptions dans l'intimité, les dîners intimes, dans toutes les circonstances où l'habit n'est pas indispensable, on tient à être cependant très correct.
Avec une cravate blanche, la redingote en drap lisse se met pour un mariage civil, dans ce cas le pantalon est aussi en drap noir.
Pour les visites, le pantalon est de fantaisie à petits dessins effacés.
De fantaisie aussi le gilet si l'on veut suivre la mode. On le choisit à son goût; si l'on veut un gilet de tapisserie en laine et soie, ou en chenille, ce sera le summum du chic. Certains tissus imitent assez bien le travail à la main: les semis de pois ou de fleurs sont fort gentils et de bon goût, égayant de leur teinte vive un fond sombre. Les gilets sont de toutes couleurs, en velours, en soie, en étoffes façonnées, rouges, verts, bleus, etc.

La jaquette.

En suivant le mouvement descendant nous arrivons à la jaquette qui est le vêtement d'usage courant avec lequel un jeune homme peut être habillé quand il n'a aucun devoir mondain à remplir. Pour un dîner avec des amis, il pourra conserver la jaquette.
On porte également le complet jaquette; et pantalons et gilets disparates, à la condition qu'ils soient l'un et l'autre de fantaisie, un gilet uni non semblable à la jaquette serait un ensemble peu correct.

Le veston.

Le complet veston constitue la tenue toute simple, on le met pour le travail, pour les occupations journalières ou le matin; il a toujours un aspect négligé; le gilet doit être semblable au veston.

Le pardessus.

Si l'on veut être économe et n'avoir qu'un pardessus d'hiver, il vaut mieux le choisir en drap gris très foncé avec col de velours noir, il se mettra également avec la tenue simple et la tenue habillée. Autrement il faudrait avoir un pardessus en drap noir élégant et un autre pour l'usage courant; ce dernier serait du genre grisaille genre Raglan.

Les chapeaux.

Le chapeau melon est celui qui répond le mieux aux besoins d'un jeune homme, il ne met le haut de forme que lorsqu'il veut être en toilette. En été, le canotier en paille blanche avec ruban noir ou bleu marine remplace le feutre. Les chapeaux mous sont réservés à la tenue habituelle ou pour les voyages.

Les cravates.

La mode, qui dédaigne bien un peu les questions masculines, régit cependant le côté cravate. Les cravates sont de préférence nouées à la main, avec la redingote, on porte la forme plastron, avec la jaquette, le nœud marin ou la régate un peu large, avec le veston, c'est encore la régate ou le nœud papillon. Les cravates au crochet en soie ou en simili-soie sont les véritables favorites; on en fait en toutes teintes, unies, chinées, rayées, c'est une vraie fureur, dont profitent les jeunes femmes qui aiment à travailler pour leur entourage.

Ce que coûte le trousseau d'un jeune homme.

Voici maintenant un devis approximatif du trousseau nécessaire à un jeune homme de condition modeste; nous avons pris des prix et des qualités dans la moyenne.

                               1 pardessus d'hiver................................................................  70 fr.
                               1 pardessus d'été...................................................................   60 -
                               1 habit.....................................................................................  120 -
                               1 complet redingote..............................................................    90 -
                               1 complet jaquette................................................................     75 -
                               1 complet veston...................................................................    60 -
                               2 pantalons fantaisie à 20 francs........................................     30 -
                               2 gilets fantaisie....................................................................     25 -
                               1 chapeau haut de forme.....................................................     16 -
                               1 chapeau feutre...................................................................       6 -
                               1 chapeau paille....................................................................       4 -
                               2 paires de bottines...............................................................   30 -
                               1 paire de souliers vernis ou escarpins..............................    15 -
                               12 cravates à 2 fr en moyenne...........................................     24 -
                               6 paires de gants à 2,50 fr..................................................     15 -
                                                                                                                               ______
                                                                               Soit environ                             600 fr.

Ceci comprend à peu près ce qui sera à acheter la première année; l'habit, par exemple, se conservera plusieurs saisons.

Comment conserver ses vêtements.

Mais il ne suffit pas de posséder les vêtements indispensables pour faire bonne figure dans le monde, il faut encore savoir les conserver et les faire durer. La première précaution à prendre est de brosser tout vêtement aussitôt qu'on l'a quitté. C'est une habitude très répandue chez les jeunes gens de ne brosser les habits que lorsqu'ils sont sur le point de les rendosser. C'est là une très grande faute que le manque de temps n'excuse pas. La poussière les pénètre, et lorsque le coup de brosse survient, il ne suffit pas pour la retirer toute; l'étoffe prend rapidement cette apparence usée, cette teinte grisâtre d'un si vilain effet.
On veillera soigneusement à ce que les vestons et jaquettes, après quelque usage, ne fassent pas ce vilain pli, près de la nuque, qui les rend si disgracieux. Depuis quelque temps, l'usage se répand, d'Angleterre, de fixer intérieurement, au col des vestons, une étroite et légère lamelle métallique qui les maintient et les empêchent de "bâiller".

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 29 mars 1903.