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mercredi 18 avril 2018

Sarah Bernhardt, marchande de bœufs.

Sarah Bernhardt, marchande de bœufs.


Dans ses tournées artistiques d'outre-Océan, Mme Sarah Bernhardt fut l'objet de nombreuses manifestations enthousiastes, dont plusieurs se traduisirent par des cadeaux de plus ou moins d'importance ou d'originalité.



Mais nous pensons que l'illustre comédienne n'éprouva surprise plus grande qu'à Buenos-Ayres, il y a de cela quelques années déjà. L'auteur de ces lignes se trouvait alors dans la capitale argentine, au moment où se passa le fait suivant qui intéressera, sans doute, les lecteurs de Mon Dimanche.

Une représentation dans la pampa.

Mme Sarah Bernhardt venait de donner, au Grand Théâtre, une série de représentations après chacune desquelles les Portenos (habitants de Buenos-Ayres) faisaient éclater leur admiration, lorsqu'elle reçut l'un des plus riches hacienderos (grand propriétaire) du pays une invitation à visiter une de ces grandes fermes d'élevage, où, par centaines de mille têtes, le bétail paît en liberté sous la garde des gauchos, ces cavaliers sans pareils, moitié bergers, moitié... sauvages.
Au jour convenu, le chemin de fer du Sud transporta Sarah Bernhardt et sa compagnie à la station le plus rapprochée de la résidence de l'haciendero qui, pour cette occasion, avait fait venir de Buenos-Ayres des voitures confortables.
La réception fut splendide; après le festin de gala, les gauchos montés sur leurs meilleurs chevaux, vêtus du costume pittoresque de la pampa, se livrèrent sous les yeux de l'illustre visiteuse à leurs exercices accoutumés; laçage d'animaux dans la prairie, domptage de chevaux en liberté, etc. 
Pour les remercier, la tragédienne voulut bien déclamer des vers de son répertoire classique, et, quoique n'y comprenant rien du tout, ces enfants du désert se montrèrent ravis.





L'hommage des gauchos.

Peu de temps après, à la veille de son départ pour l'Europe, la grande Sarah était à sa toilette, lorsqu'une camériste, entra dans sa chambre en pouffant de rire.
- Eh bien! qu'y a-t-il donc? demanda sa maîtresse
- Madame ne devinera jamais!... c'est un cadeau pour elle, mais si drôle... si drôle...
Et la femme de chambre riait de plus belle.
- Où est-il ce cadeau étrange?
- Mais... dans la rue; si Madame veut bien s'approcher de la fenêtre, elle en aura une surprise, pour sûr.
En effet, Sarah, ayant regardé au dehors, aperçut une centaine de bœufs, taureaux et vaches, accompagnés de quelques gauchos qui, l'ayant reconnue, l'acclamèrent en agitant les mouchoirs bariolés arrachés à leur chevelure.




L'un d'eux, étant arrivé jusqu'à elle, expliqua au maître d'hôtel accouru, que ce troupeau était un hommage des bergers de la pampa à la grande artiste, pour la remercier de sa visite.
- Mais! reprit la grande tragédienne, que vais-je faire de ces animaux? Je ne puis cependant les embarquer avec moi.
- Qu'à cela ne tienne, répond le maître d'hôtel, Madame n'a qu'à me donner l'ordre de faire conduire le troupeau à la "Bourse au Bétail" et, aujourd'hui même, le prix de la vente lui en sera compté en belles et bonnes piastres nationales.
Ainsi fut fait. La grande Sarah recueilli de la sorte la joli somme de 10.000 francs sur laquelle, certes! elle n'avait jamais compté.
Disons qu'à son tour, elle ne laissa pas repartir ses amis gauchos sans les gratifier chacun d'un souvenir qui leur parut moins précieux que l'accueil charmant dont ils furent l'objet.






                                                                                                                     Henri Renou.




Mon dimanche, revue populaire illustrée, 21 juin 1903.

* Nota de Célestin Mira:


Médaille commémorative de la tournée de Sarah Bernhardt à Buenos Aires en 1905.
Buste de Sarah Bernhardt portant un chapeau.
Gravée par Jorge Maria Lubary, sculpteur, graveur et député.




Sarah Bernhardt, photographiée par Nadar vers 1865.




La "Divine Indomptable", Sarah Bernhardt, nue.

samedi 3 mai 2014

Émigrants anglais à Buenos-Aires.

Émigrants anglais à Buenos-Aires.


Il y a quelques semaines, un certain nombre d'émigrants anglais, qui avaient quitté Southampton pour Buenos-Aires sur le steamer allemand Dresden, sont rentrés dans une condition des plus misérables en donnant des détails navrants sur leur voyage.
En arrivant à Buenos-Aires, ces malheureux trouvèrent les logements qui leur étaient soi-disant destinés pour un laps de trois jours à la charge de l'Etat, occupés par environ 2.000 émigrants.
Ils ne tardèrent pas à s'apercevoir que les promesses de travail et de salaire faits par les agences d'émigration étaient absolument fallacieuses.
Les émigrants, en rentrant en Angleterre, ont appris avec regret que deux cents hommes, femmes et enfants étaient encore partis, il y a quelque jours, pour Buenos-Aires; s'ils étaient arrivés à temps, il n'eussent pas manqué  de déconseiller à leurs compatriotes un voyage dont leur propre expérience leur a appris au moins à connaître l'inutilité.
Vivement émue de ce fait, la légation de la République Argentine à Paris leur a opposé un démenti formel, auquel nous sommes loin de contredire. Nous ne croyons pas un seul instant qu'il y ait dans tout ceci imprévoyance, malveillance ou incurie de la part du gouvernement argentin. Les échos que nous venons de citer nous semblent l'expression encolérée de la déception qui attend presque toujours l'émigrant dans le pays où il émigre. A Buenos-Aires plus que partout peut-être cette déception devient énorme, non à cause du gouvernement, très accueillant au contraire, mais à cause des difficultés de la vie, difficultés fort bien représentée d'ailleurs dans la lettre suivante qui vient de nous être communiquée:
"J'ai eu maintes fois, dit-elle, l'occasion de me rendre compte de ce qu'avait d'absolument trompeur le miroitement des appointements fabuleux qu'on pouvait se procurer facilement dans ce pays d'avenir.
"Les chiffres cités par le ministre plénipotentiaire sont parfaitement exacts: il est certain qu'on donne 120 ou 130 francs à une domestique et 500 francs par mois à un cuisinier; c'est aussi ce qu'on offre à un jeune homme fraîchement débarqué, pourvu qu'il ait quelque instruction et puisse faire un commis. Ce qu'il y a de certain aussi, c'est qu'avec des appointements de 6.000 francs par an, ce commis pourra à peine subvenir à son existence et ne pourra jamais économiser l'argent de son retour. Il y a, en effet, un facteur que l'on oublie toujours de faire figurer dans ces comptes fantastiques, c'est qu'il faut diviser par 10 ces chiffres pour avoir le rapport de leur valeur en France.
"Le commis en question devra dépenser 250 francs par mois pour avoir une chambre unique en fait de logement, et Dieu sait dans quels quartiers! Il devra donner 3 francs pour se faire raser ou couper les cheveux, 3 francs pour le blanchissage d'une chemise, 5 francs pour un savon qu'on payerait 30 centimes à Paris, etc.
"Les vivres sont pour rien! il est certain qu'on peut avoir une vache pour le prix de la peau, mais que faire d'une vache entière? On va donc chez le boucher, qui vend sa viande 50 centimes la livre, c'est pour rien, mais il n'en donne pas moins de 6 livres: encore 3 francs pour un simple bifteck! Mais on ne vit pas que de viande, et un œuf coûte 1 franc; les légumes sont inabordables. Le gaz coûte 2,50 fr. le mètre. Il est vrai qu'il ne vaut rien et n'éclaire pas.
" Le contremaître de M. D... , qui paye 700 francs de loyer par mois, a donc l'équivalent d'un petit logement de 5 à 600 francs à Paris. C'est gentil; mais il a un état, ce qui explique tout. Car, et c'est ce qu'il faudrait corner aux oreilles de tous ceux qui veulent émigrer, il faut produire dans ce pays pour avoir chance de réussir. Les ouvriers de métiers sérieux, surtout les selliers, les bouchers, les maçons, les ébénistes, pour peu qu'ils aient de l'intelligence et de la conduite y vivent très à leur aise; mais la masse des ouvriers bons à tout faire, c'est à dire propres à rien, des employés sans instruction scientifique, seraient à peu près sûrs d'y mourir de faim, si on ne les rapatriait pas, après pour tout ouvrage trouvé à cirer les bottes et faire des commissions.
"Recevez, etc."
C'est donc à eux-mêmes et aux difficultés de la vie que les émigrants doivent s'en prendre et non aux agences d'émigrations qu'elles soient ou qu'elles ne soient pas patentées ou couvertes par le gouvernement argentin.

Journal des Voyages, Dimanche 5 mai 1889.

jeudi 16 janvier 2014

Les chevaux des pampas de la République argentine.


Les chevaux des pampas de la République argentine.

Un de nos lecteurs de Buenos-Ayres nous envoie les intéressants renseignements qui suivent sur les chevaux des pampas: 
" La République argentine compte dans ses prairies (pampas) trois millions de chevaux, d'origine arabe, puisqu'ils ont été importées d'Andalousie; leurs conditions spéciales de beauté, de force et de résistance, sont bien connues; dans l'armée française on commence à les utiliser, et dans nos grandes fermes (estancias) leurs services sont incomparables.
On cite nombre de prouesses réalisées avec ces chevaux par nos campagnards (gauchos) : on cite souvent des trajets de 200 kilomètres exécutés en un jour (24 heures) par de bons cavaliers. Pour apprécier la résistance des chevaux, on a eu l'idée d'établir un concours qui, sous le nom de course de résistance, a eu lieu à Ayacucho. Les chevaux devaient marcher pendant 10 heures, les cavaliers pouvaient, à volonté, s'arrêter, descendre, aller au pas, au trot et au galop. Le nombre des concurrents s'est élevé à dix, la course a été gagnée par le Recluta appartenant à M. Baudrix. Ce cheval a fait 28 lieues espagnoles de 5, 129 km, c'est à dire 143 km 1/2 dans l'espace de temps compris entre 7 heures du matin et 5 heures du soir, c'est à dire en 10 heures."

La Petite Revue, premier semestre 1889.

mardi 3 septembre 2013

Chronique de l'émigration.

Impressions d'un émigrant à Buenos-Ayres.

La Société de Géographie commerciale nous communique le passage suivant d'un de ses correspondant:
Buenos-Ayres est le pays des vaines promesses. Si encore, après avoir travaillé pendant quelque temps à un prix déterminé, l'on était payé ! Malheureusement il n'en est pas ainsi: en général, vous ne touchez que des acomptes, ou la totalité réduite de 40 ou 50 pour 100. L'ouvrier des deux sexes ne gagne, proportionnellement aux dépenses, pas plus qu'en Europe. Si le travail lui manque un instant, il se trouve de suite arrièré pour longtemps, étant donné la cherté de l'existence dans ce pays, les loyers sont très onéreux, la moindre des chambres non meublées se loue 100 francs par mois; le blanchissage, les vêtements sont à l'avenant, seule la nourriture, si l'on ne boit que de l'eau, n'est pas très chère.
Les Italiens et les Français, qui jusqu'à présent ont formé le principal contingent de l'immigration dans la République Argentine, font la fortune du pays par les produits qu'ils consomment et la plus-value importante qu'ils donnent au terrain; mais il en est fort peu qui s'enrichissent. L'anglais, au contraire, industriel audacieux, a mis des capitaux dans toutes les grandes entreprises du pays: chemins de fer, télégraphes, ports, terrains, banques lui appartiennent en grande partie et, sur ce terrain, les Français devraient lutter avec eux.
Les Italiens, qui dans leur pays vivent de peu, viennent ici, comme en Europe, travailler dans des conditions relativement modiques. Ils vivent plusieurs familles ensemble, et trouvent le moyen de faire des économies qu'ils envoient dans leur pays; quant aux Français, peu habitués à ce genre d'existence, ils ne deviennent pas riches, à part quelques exceptions.

Journal des Voyages, dimanche 3 février 1889.