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jeudi 14 novembre 2013

L'ex-roi d'Annam.

L'ex-roi d'Annam, Ham-Nghi.


L'ex-roi d'Annam, Ham-Nghi, fait prisonnier par les soldats du capitaine Boulangier, est interné depuis deux mois à Alger qu'il a choisit pour résidence. On sait que Ham-Nghi, après avoir tenté en juillet 1885 un coup de main contre les soldats du général de Courcy à la citadelle de Hué, s'était enfui dans les montagnes de l'Annam. Il avait réussi à dépister toutes les recherches jusqu'au jour récent où les envoyés du capitaine Boulangier le découvrirent dans un petit village du Haut-Giaï.
Embarqué sur le Bien-Hoa, Ham-Nghi est arrivé à Alger n'ayant pour toute suite qu'un secrétaire intendant et un cuisinier. Il a été conduit en calèche jusqu'à l'hôtel de la Régence où M. Tirman, gouverneur de l'Algérie, lui avait fait préparer des appartements provisoires en attendant qu'une résidence définitive lui fût fixée. Ham-Nghi a vingt-cinq ans environ. Il est le frère de Dong-Khan, le roi qui vient de mourir. De petite taille, il a le teint olivâtre particulier à sa race. Les dents sont émaillées de petites taches noires provenant de l'usage du bétel. Les cheveux, du plus beau noir, sont enroulés en un chignon qu'il enveloppe d'un foulard de soir bleue. D'habitude, il est vêtu d'une longue robe de soie noire. Depuis qu'il a été capturé, il pleure souvent. Pour un Annamite et surtout un Annamite de ce rang, l'exil est pire que la mort; il ne serait même pas surprenant que, si on ne le surveille pas très étroitement, le jeune prince, fidèle à certaines traditions en usage parmi les hauts mandarins, se dérobât lui-même par la mort à l'exil. Afin de le distraire, son intendant, qui est un ancien tirailleur annamite, essaye de le faire jouer à une sorte de jeu d'échecs. Mais la seule chose qui paraisse avoir une influence sur la mélancolie du jeune roi, c'est un instrument de musique, assez semblable à une cithare, et dont il tire d'agréables mélodies.
Sa nourriture est fort simple: œufs battus dans du riz, viande de porc, et, pour changer, porc et riz aux œufs. Deux minces baguettes de bambous lui tiennent lieu de fourchette. Au dessert, Ham-Nghi fume une pipe d'opium ou une longue cigarette de tabac dégageant une odeur de paille brûlée.
Il ne parle pas un seul mot de français. Souvent il exprime à l'interprète qui l'accompagne la crainte d'être empoisonné ou assassiné. Il a signifié que son cuisinier seul, en qui il parait avoir une grande confiance, toucherait aux aliments qui lui sont destinés.
Au moment où il fut capturé, Nam-Nghi était accompagné de Thiep, fils de l'ancien régent Tuyet. En voyant son souverain prisonnier, Thiep se jeta sur lui pour le tuer et lui épargner la honte d'être emmené en captivité, mais Thiep lui-même fut tué d'un coup de feu sur le champ par un soldat, et sa tête fut exposée au bout d'un bambou sur le marché de Dang-Ka.
Ham-Nghi est venu de Thuan-Bai à Thua-Nan, accompagné par une escorte assez forte et sous la garde personnelle d'un officier de gendarmerie. Sur sa route, on lui devait rendre les honneurs mais on ne tarda pas à s'apercevoir que ces honneurs n'étaient pas reçus comme ils devaient l'être par celui à qui ils s'adressaient. Le prince se voilait la face avec son mouchoir et détournait les yeux, non sans affectation. On se borna donc vis-à-vis de lui à une courtoisie correcte.
Le résident général, M. Rheinart, descendit de Hué à Thua-Nan pour le voir à son passage. L'entrevue fut courte. Le prince était très fatigué par le voyage et semblait s'enfermer dans une sorte d'indifférence qui forcément dut abréger l'entretien. On lui demanda s'il avait quelque chose à faire dire au roi, son frère, ou à quelque membre de la famille royale. Il répondit qu'il ne connaissait personne à Hué. Quelques heures après, il reprenait sa route pour Thuo-Leo, où la canonnière la Comète l'attendait pour le conduire à Saïgon.
Ham-Nghi est encore aujourd'hui beaucoup plus vigoureux qu'on ne l'imaginait. Il a supporté, sans en paraître trop souffrir, la dure vie de la montagne et de la brousse.
La capture d'Ham-Nghi a été le signal de beaucoup d'autres soumissions importantes. Son principal lieutenant Than-That-Dam, le second fils de l'ex-régent Thuyet, a envoyé, paraît-il, au poste le plus voisin, cette fière parole: "Si les Français veulent savoir où je suis, qu'ils cherchent ma tombe dans la forêt." On a procédé à l'exhumation sur l'indication de quelques rebelles prisonniers, et son identité a été parfaitement reconnue. C'était bien Than-That-Dam, un des soldats les plus énergiques de la rébellion, un des apôtres les plus dévoués de la royauté déchue, qui reposait là, et avait choisi pour tombeau la solitude de la forêt.
Ham-Nghi semble, comme nous l'avons dit, fort affecté de sa situation, et, soit tristesse, soit méfiance, c'est après beaucoup d'hésitations qu'il a consenti à se laisser photographier, remettant toujours au lendemain, demandant toujours de nouveaux délais. Ce n'est donc pas sans peine que nous avons pu nous procurer le portrait que nous donnons aujourd'hui.

                                                                                                                            Z.



Journal des Voyages, dimanche 24 mars 1889.

mardi 15 octobre 2013

DONG-KHAN, roi d'Annam.

Dong-Khan, roi d'Annam.


S. M. Dong-Khan, dont un télégramme de notre résident général à Hué, a annoncé la mort le 30 janvier dernier, était âgé de 25 ans seulement. C'était un fils adoptif de Tu-Duc et le frère aîné utérin de Kien-Phuoc; il succéda à ce dernier sur le trône d'Annam, en août 1885. On sait à la suite de quelles dramatiques circonstances.




Avant son couronnement, Dong-Khan habitait une résidence isolée appelée Mong-Decong; il y vivait assez retiré, se livrant avec passion à l'étude de la littérature, de la poésie chinoise et de la philosophie de Confucius. Il quitta à regret ses travaux littéraires, mais n'hésita pas à sacrifier ses tendances personnelles au bonheur de son peuple.
A l'époque où le général de Courcy le traitait trop ouvertement en vassal, son attitude était plutôt réservée, mais elle se modifia totalement vis à vis du général Warnet, de Paul Bert, à qui il avait voué une affection filiale, et de ses successeurs. Il déclara maintes fois à M. le capitaine d'infanterie de marine Halais, qui fut son confident pendant quelques mois, qu'il n'oublierait jamais la dette contractée vis à vis de la France.
Dong-Khan, chez lequel l'amabilité et l'enjouement n'excluaient pas l'énergie, , recevait, contrairement aux usages de la cour, les français à sa table; ses réparties étaient fines et il étudiait avec soin le caractère de chacun de ses convives. A plusieurs reprises, il fit ressortir la versatilité de notre politique coloniale; aussi bien, a-t-il dû perdre, dans les derniers temps, beaucoup de ses illusions à notre égard.
L'anecdote suivante donne la mesure du tact dont le roi savait, à l'occasion, faire preuve. Dans le courant de 1886, un jeune sous-lieutenant, fraîchement débarqué, se croyant en pays conquis, força la porte qui donnait accès sur le jardin du palais réservé aux femmes. Le roi, qui se trouvait là, n'ayant pu décider l'intrus à se retirer, l'escorta dans sa promenade à travers l'enceinte réservée; il expliqua plus tard à ses intimes qu'il avait agi de la sorte pour laisser croire aux témoins de cette scène regrettable que le sous-lieutenant avait été invité par lui pour visiter les jardins du palais.
Sans vouloir approfondir ici le mystère de cette fin inattendue, nous ne pouvons nous empêcher de la rapprocher de la mort récente de son beau-père, Nguyen-Hu-Do, président du Comat, le fonctionnaire indigène le plus dévoué à la cause française. Nous rappellerons également que Dong-Khan exprima souvent la crainte de finir comme ses prédécesseurs, c'est à dire par le poison. En effet, l'entourage était resté le même, et les serviteurs qui approchent le souverain sont presque tous les espions et les instruments du parti des lettrés.
Dong-Khan avait auprès de lui un frère qu'il chérissait et qui partageait ses vues; ce frère, qui doit être âgé de 18 ans aujourd'hui, étudiait notre langue et comptait venir terminer son éducation à Paris. Beaucoup de personnes, parmi celles qui suivent les choses de l'Indochine, s'attendaient à le voir succéder à Dong-Khan; mais le conseil secret et les mandarins réunis viennent d'élire un prince de 10 ans, Bun-Lan, fils de Tu-Duc, qui régnera sous le nom de Than-Thaï.
Notre dessin, reproduit d'après une photographie de la collection du Dr Hocquart, chirurgien militaire, représente Dong-Khan sur le trône royal.

                                                                                              Charles Wehrung.

Journal des voyages, dimanche 10 mars 1889. 


jeudi 12 septembre 2013

Nouvelles de nos colonies.

Mort du roi d'annam.

Le ministère de la marine vient de recevoir une dépêche annonçant que le roi d'Annam, Gong-Khan, vient de mourir à Hué, le 27 janvier, après une très courte maladie.
Le jeune roi Dong-Khan avait été installé par nous sur le trône d'Annam, le 19 septembre 1885, à la suite de l'échauffourée de la citadelle de Hué, réprimée par le général de Courcy, et de la fuite du petit roi Nam-Nghi, le même qui vient d'être interné à Alger.
Dong-Khan avait accepté sans réserve notre protectorat, et il se prêtait avec beaucoup de loyauté aux obligations que lui imposait le nouveau régime. C'est grâce à la bonne entente du roi de l'Annam avec nos représentants à Hué que la pacification a fait de grands progrès dans ce pays si troublé naguère, où maintenant la sécurité est beaucoup plus complète qu'au Tonkin.
Dong-Khan prenait un vif intéret à la civilisation occidentale, et il avait manifesté l'intention de se rendre cette année à Paris pour l'Exposition universelle.

Journal des voyages, dimanche 17 février 1889. 

jeudi 5 septembre 2013

Nouvelles de nos colonies.

Le roi d'Annam et l'industrie lyonnaise.

L'industrie française est en train de remporter de grands succès auprès du roi d'Annam. Ce dernier vient de faire, il y a quelques temps, par l'entremise d'un négociant français de Hué, une commande de soieries à Lyon, se montant à plus de 20.000 francs. D'autres commandes vont suivre.
Ces soies sont, en grande partie, destinées à habiller les femmes du harem, et il y a toutes les nuances; le roi les a beaucoup admirées; il s'est étonné aussi de la facilité avec laquelle nos ouvriers lyonnais imitaient les couleurs de soie de Chine, et a même ajouté, avec sa courtoisie habituelle: " je sais bien que rien n'est difficile pour les ouvriers français."
Mais il est un détail pratique, auquel il a aussi prêté quelque attention, et, qui a son effet, son importance. D'après son propre aveu, ces soieries françaises lui reviennent quatre fois moins cher que les soieries similaires de Chine. Sans doute, le fait que les achats royaux s'adressant directement à des maisons françaises n'ont pas à subir la plus-value qui résulte des commissions à donner aux mandarins, est pour beaucoup dans cette disproportion de prix; mais la chose n'en a pas moins frappé l'esprit du roi et a singulièrement grandi à ses yeux le prestige de notre industrie.
Dong-Khang va faire en France, outre de nouvelles commandes de soieries, des commandes de velours légers, destinés à confectionner des costumes pour les gens de sa maison.


Journal des Voyages, Dimanche 27 janvier 1889.