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dimanche 7 janvier 2018

Forges comtoises.

Forges comtoises.


A l'est de la France il est une zone de terre rude habitée par une population sévère et héroïque: la Franche-Comté, avec un coin de Champagne montagneuse et ce qui nous reste de Lorraine. Ce fut de tout temps un pays frontière, et, comme on disait autrefois, une marche entre France et Allemagne. Et pourtant nul pays plus français de coeur.
On naît soldat, pour ainsi dire, sur cette terre; et les femmes aussi, filles, épouses de soldats, sont sérieuses, réservées, vaillantes comme les hommes. En Champagne, ce sérieux s'aiguise d'une pointe de raillerie. Le Jura Comtois est une petite Suisse française, qui a ses chalets, de pierre plus souvent que de bois, à larges toits de planches,  bas, chargés de pierres afin que le vent ne les emporte pas. Les pâturages des montagnes, où les vaches errent en demi-liberté pendant la bonne saison, sous la garde des bergers, fournissent leur lait aux fruitiers, c'est à dire aux fabricants de fromage.
Les habitants de tout ce pays sont instruits, en général, laborieux, fort industrieux. Dans le Jura, l'industrie locale est surtout l'horlogerie; ce coin de terre fournit de montres et de pendules la France entière...
Le grand travail de cette région minière et houillère est encore le travail du fer. Il y a de vastes établissements, organisés à la manière moderne, avec d'immenses hauts fourneaux, de grandes machines à vapeur, un outillage effrayant et coûteux. Mais plus curieux encore sont les petits ateliers, les petites forges et aciéries, autrefois très nombreuses, et dont un certain nombre subsistent. Ce sont des usines modestes, très actives, d'un aspect très original.
"On les rencontre sises au fond de quelque gorge étroite, sur le bord d'une rivière torrentueuse. Les barrages, les canaux, les déversoirs, l'eau qui fuit divisée en plusieurs bras entourant des îlots de verdure donnent à l'usine un aspect rustique et pittoresque que ne dément pas un coup d’œil jeté à l'intérieur. Il y a telles de ces forges comtoises ou lorraines où vous pourriez voir, le soir, à deux pas du foyer ardent, le groupe des femmes des ouvriers tranquillement assises sur des blocs de fonte, tricotant ou cousant à la lueur des fournaises, comme on le fait à la veillée devant l'âtre patriarcal; les enfants jouent alentour. Le tout au milieu du bruit des marteaux, du ronflement des tuyères, des blocs ardents qu'on transporte, du grondement des roues qui tournoient."




Les Peuples de la terre, Ch. Delon, librairie Hachette, 1890.

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