Translate

Affichage des articles dont le libellé est toilettes. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est toilettes. Afficher tous les articles

jeudi 6 octobre 2016

Toilette des dames romaines.

Toilette des dames romaines.


Les costumes nationaux et les variations que le caprice leur a fait subir paraissent un bien frivole sujet d'observation; cependant ce sujet n'intéresse pas seulement les peintres et les artistes dramatiques; les moralistes s'en sont occupés, parce qu'ils ont remarqué que la corruption du goût est une des conséquence de la corruption des mœurs.
Les femmes de l'ancienne Rome, plus que celles d'aucun autre peuple, ont passé par tous les degrés qui séparent la pureté du goût de sa complète dépravation. Après avoir donné au monde l'exemple d'une noble simplicité, on les a vues quitter les vêtements agréables et commodes pour des parures bizarres, extravagantes, mais qui, par leur prix élevé devenaient les insignes de la richesse, et se portaient avec d'autant plus d'orgueil que pour se les procurer il fallait dépenser une forte somme d'argent.
Dans les premier temps, la toge, espèce de tunique ample, longue, ronde et ouverte jusqu'à la ceinture sur le devant, était le vêtement commun des deux sexes. Mais les statues anciennes font voir avec quelle grâce modeste les Romaines savaient envelopper ce vêtement, et en faire onduler les plis  pour les adapter à la taille plus ou moins riche dont la nature les avait dotées. Elles mettaient des manches à leurs toges; celles des hommes n'en avaient pas. Alors, et encore longtemps après, les femmes portaient un voile quand elles sortaient. Cet usage se perdit avec la simplicité des mœurs.
L'action courageuse des Sabines, qui, en se jetant entre les deux armées combattantes pour elles, les obligèrent à déposer les armes et à se réconcilier, parut à Romulus digne d'une récompense publique. Pour éterniser le souvenir de ce dévouement, il accorda aux femmes, entre autres privilèges, le droit de porter au bas de leurs robes la bande de pourpre, qui jusque là n'avait pu être placé qu'aux bords de la toge des sénateurs. Cet ornement fut presque le seul dont elles se contentèrent pendant plusieurs siècles.
Mais quand la corruption s'introduisit dans Rome, on vit les femmes pousser jusqu'au délire l'amour du luxe et des superfluités, et chercher à se surpasser l'une  l'autre, non-seulement par la richesse de leurs habits, mais encore par la manière de s'en revêtir et de les porter.
Les dames romaines passaient souvent du lit au bain, et du bain devant leur toilette. On ne trouve rien dans les anciens auteurs qui détermine précisément la forme et la nature de ce meuble. On sait seulement qu'il supportait des miroirs, dont les uns, venant de Sidon, étaient de verre, et les autres, qui se trouvaient en Italie, étaient de métal. Il est très-vraisemblable que la situation d'une Romaine occupée à se parer, était alors celle d'une dame de notre temps au milieu de ses caméristes. Lorsque Claudien nous représente Vénus à sa toilette,  il la place sur une chaise brillante, entourée de Grâces, et prenant souvent elle-même le soin d'arranger sa coiffure.
Au temps des Césars et de leurs successeurs, c'était un des objets du luxe des riches romaines qu'un grand nombre de femmes de chambre. Chacune de ces femmes avait un emploi particulier: les unes soignaient les cheveux de leur maîtresse, les tressaient et les bouclaient; d'autres y répandaient des parfums; celles-ci avaient la surveillance des peignes d'ivoire et de buis, des épingles d'or et d'argent et des poinçons; celles-là répondaient des bijoux, ainsi que des robes précieuses qui étaient renfermées dans des armoires, où on les tenait pressées sous des poids pour conserver leur lustre et leur éclat. Toutes ces femmes prenaient leur titre de leur emploi. Les poëtes les nommaient ornatrices, coiffeuse, parfumeuses, etc. Il y en avait quelques-unes qui restaient simples spectatrices du grand travail de la toilette, et dont l'unique emploi était de dire leur avis. Ces assistantes formaient une espèce de conseil, et l'affaire se traitait aussi sérieusement que s'il se fût agi de la réputation et même de la vie. Un auteur satirique ajoute que la toilette des vieilles coquettes, qui s'en prenait de leur laideur à leurs pauvres esclaves, n'était pas moins terrible que les séances du tribunal des tyrans de la Sicile.
La manière de se coiffer varia à l'infini; les femmes retenaient leurs cheveux avec des poinçons enrichis de perles, elles les nouaient avec des chaînes et des anneaux d'or, avec des bandelettes blanches ou couleur de pourpre, garnies de pierreries; enfin, elles y plaçaient des fleurs; mais comme si la simplicité de ce gracieux ornement en eût détruit le mérite aux yeux de celles qui le portaient, il leur fallait des fleurs venant des pays étrangers, et des couronnes artificielles dont on allait chercher jusque dans l'Inde la matière et le parfum. On parvenait, en entassant les nattes, les tresses, les boucles, à élever sur la tête une sorte d'édifice auquel on donnait tantôt la forme d'un casque, tantôt celle d'un bouclier. L'esprit guerrier des Romains se manifestait jusque dans la parure de leurs femmes.
Le jour de leur mariage, les jeunes filles portaient les cheveux épars, et mêlés à des flocons de laines, comme les vestales. Ils étaient séparés et bouclés avec le fer d'une pique, et l'on en tressait l'extrémité en forme de dard. Ce genre d'ornement rappelait aux Romains qu'il leur avait fallu combattre pour obtenir leurs premières compagnes. On posait encore sur la tête de la mariée un voile couleur de feu, et une couronne de verveine qu'elle devait avoir cueillie elle-même. Son vêtement était une longue robe blanche; sa chaussure, de couleur jaune, avait la forme élevée du cothurne, ce qui faisait paraître la jeune femme plus grande qu'à l'ordinaire.
Dans un pays où la nature ne donne, à peu d'exceptions près, que des chevelures brunes aux personnes des deux sexes, des cheveux blonds étaient une distinction très-enviée et presque un titre de noblesse; aussi les hommes mêmes avaient-ils recours à certains procédés pour paraître blonds; et non content d'ajouter, par des cosmétiques, à l'éclat de cette couleur, ils le rehaussaient encore en couvrant leurs cheveux de poudre d'or. Cette mode venait d'Asie. Josèphe dit qu'elle était connue chez les juifs. Les empereurs Valérien et Gallien la suivirent, et la chevelure de Commode était ainsi devenue si blonde et si brillante qu'au soleil on l'aurait cru enflammée. Les Romains poussaient la folie au point de se raser la tête pour la couvrir de cheveux postiches achetés à prix d'or aux jeunes filles de la Gaule et de la Germanie.
La mitre était encore une coiffure dont les femmes faisaient usage; cette mitre avait aussi deux bandelettes qui retombaient sur le cou, mais elle était plus ouverte que celle de nos prélats. les femmes honnêtes ne portèrent pas longtemps cet ornement.
Le visage n'exigeait pas moins d'art et d'attention que la chevelure. On trouve dans Ovide une recette pour faire du rouge; les Romaines se servaient aussi de blanc, mais nulle part on ne trouve qu'elles eurent l'idée de mettre des mouches; c'est une création toute moderne, et que nous croyons sortie d'un cerveau français. L'impératrice Poppée avait inventé un cosmétique onctueux: on l'étendait sur la figure, où, après être resté quelque temps, il formait une croûte que l'on détachait ensuite en l'humectant avec du lait. Cette croûte devenait une espèce de masque, avec lequel les femmes allaient et venaient dans l'intérieur de leur maison; c'était pour ainsi dire le visage domestique. Poppée, qui avait donné son nom à ce cosmétique, se fit suivre dans son exil par une troupe d'ânesses; il fallait en traire cinq cents tous les jours pour fournir le bain qu'elle croyait propre à entretenir la fraîcheur et la beauté de son teint.
Les Romaines portaient des dents postiches et se peignaient les sourcils. Celles qui avaient les yeux renfoncés trouvaient même le moyen de les faire paraître à fleur de tête. Elles brûlaient une certaine poudre noire dont elles aspiraient la fumée, jusqu'à ce que cette fumée, agissant sur leurs yeux, parvint à les faire ressortir et paraître plus grands.
D'abord la robe des femmes était d'une telle longueur et entourait si exactement le col, qu'on ne voyait que la tête de celle qui la portait. Quand le luxe introduisit l'usage de l'or et des pierreries dans la parure, on commença à tailler en arc le haut du devant des tuniques pour laisser voir le collier. L'étoffe des manches, au lieu d'être cousue depuis l'épaule jusqu'au poignet, fut attachée, de place en place, par des agrafes d'or. Sur la toge, on mettait une ceinture pour fixer les plis.
Peu à peu il devint de mode de porter jusqu'à trois robes. La première était une simple chemise; la seconde une espèce de rochet, et la troisième, bien plus ornée et formant un bien plus grand nombre de plis, fut cet habit de femme appelé stola. L'étoffe dont on le faisait était nuancée de plusieurs couleurs. Une large broderie d'or ou de pourpre garnissait le bas de la stola, qui traînait comme nos robes à queue. La partie supérieure était ouverte jusqu'à la ceinture, pour laisser voir la seconde robe, que laquelle les jeunes personnes plaçaient, d'une manière apparente, les bandes qu'elles employaient pour se serrer la taille. L'art ne tarda pas à donner à ces bandes une forme particulière, et cet ajustement fit naître la première idée des corsets. De toutes les pièces de l'habillement des dames romaines, le corset devint la plus ornée. Il était enrichi d'or, de perles et de pierres précieuses. On portait encore un manteau extraordinairement long, attaché sur l'épaule gauche par une boucle, et laissant le bras droit en liberté.
La laine, la soie ou leur mélange, fournissaient la matière de toutes les étoffes; la couleur et la finesse la différence et en variaient le prix. Ce ne fut guère que sous les empereurs que les Romains commencèrent à faire usage du linge; et durant tout le temps de la république, ils ont ignoré celui de la soie.
La couleur ordinaire des vêtements était le blanc, et c'était aussi la plus honorable; mais les dames finirent par en porter d'autres. Ovide parle non-seulement de la pourpre, mais d'un bleu semblable à un ciel sans nuage, d'un vert marin, de la couleur dont les habits de l'aurore sont teints, de celle qui imite le myrte de Paphos, et de tant d'autres enfin qu'il en compare le nombre à celui des fleurs du printemps. 
Les dames se servaient d'espèces de pantoufles, ou de chaussons d'une étoffe si légère et si souple qu'elle faisait l'effet d'un bas bien tiré. Sur cette espèce de bas, on croisait de mille manières des bandes de pourpre, d'or, ou simplement des bandelettes blanches: c'était la couleur ordinaire des chaussures des femmes; mais sous les empereurs, elles en portèrent de couleur de pourpre. Aurélien leur en permit l'usage, et le retira en même temps aux hommes. cette ordonnance fut d'autant plus flatteuse pour elles qu'il réserva à lui et à ses successeurs le droit de porter la chaussure de pourpre, à l'exemple des anciens rois d'Italie. Les empereurs chargèrent leurs cothurnes de beaucoup d'ornements; ils y firent broder la figure d'un aigle, enrichie de perles et de diamants. Il y a lieu de croire que cette parure passa bientôt aux femmes, ou du moins aux impératrices. Du temps de l'empire, les pierreries étaient devenues si communes que, suivant le rapport de Pline, les femmes les plus simples et les plus modestes n'osaient pas plus se montrer sans diamants qu'un consul sans les marques de sa dignité. J'ai vu, dit cet auteur, Lollia-Paolina, femme de Caligula, même après qu'elle eut été répudiée, se couvrir de pierres précieuses, non pour paraître dans une cérémonie ou dans quelque fête, mais tout simplement pour rendre des visites. Les pierres dont elle était alors parée valaient quarante millions de sesterces (c'est à dire environ cinq millions de francs); elle ne provenait point de la générosité du prince, et n'étaient pas des bijoux sortis du trésor de l'empire: c'était ceux de sa maison; elle tenait ces bijoux de la succession de son oncle Marcus Lollius.
Il n'est pas nécessaire de dire que les pierreries étaient employées à former des colliers, des bracelets, des anneaux. Le nombre de ces anneaux s'accrut tellement qu'ils devinrent pour la main un véritable poids; on en portait jusqu'à six à chaque doigt, et ce fut peut-être la raison pour laquelle on en changea selon les saisons. On avait des anneaux d'été et des anneaux d'hiver. Un de ces anneaux servait de cachet: c'était le seul que les Romains portaient avant l'introduction du luxe et des vices dans la république.
Il faut avouer que les échantillons de ces bijoux, que l'on conserve dans les musées et les bibliothèques, donnent une idée fort médiocre du talent des joailliers romains. La valeur de leur travail ne devait pas augmenter beaucoup le prix des pierreries qu'ils montaient.
Les modifications que subit le costume des Romaines furent sans doute le résultat de la connaissance qu'elles prirent des modes étrangères, lorsque leurs époux et leurs fils portèrent la guerre chez des peuples où régnait le goût du luxe et de la parure. Il serait assez curieux de connaître qu'elle fut, sous ce rapport, la part qu'eurent ces nations à la corruption des femmes du peuple conquérant. Nous rechercherons s'il se trouve quelques traces de cette transmission dans les écrits des auteurs grecs.

                                                                                                                 Mme E. Survilly.

Journal des Demoiselles, février 1843.

lundi 15 juin 2015

La vie mondaine.

La vie mondaine.



                                                    Chapeau de la Maison Virot.



Bataille de fleurs.

Toilettes de Mme Leyvastre; chapeaux Virot; parfums Oriza.






Toilettes de Garden-Party de la Maison Leyvastre.
Chapeaux de la Maison Virot.


Revue Illustrée, juin 1890-Décembre 1890.

lundi 2 septembre 2013

Logements d'hier et d'aujourd'hui.

Logements d'hier et d'aujourd'hui.

Lorsque tant de gens se plaignent, avec quelques raisons peut être, de la cherté de l'existence, ce qui nécessite un travail acharné si l'on veut répondre à tous les besoins de la vie moderne; ils ne se rendent pas compte que du moins, en échange de cette cherté de la vie, nous jouissons d'avantages innombrables et d'un confortable dont les plus riches des temps passés (sans même remonter bien loin) étaient complètement privés. Récemment un auteur, qui s'est fait une spécialité d'étudier les siècles passés et leur mode d'existence, s'écriait en parlant de notre vie moderne: "C'est le siècle des salles de bains, des calorifères et des water-closets". Qu'on nous pardonne d'ailleurs le dernier mot contenu dans la citation; il se rapporte précisemment à une des plus heureuses modifications qui aient été apportées dans notre vie quotidienne, modification qui a étrangement amélioré l'hygiène et la propreté domestiques. Et c'est que justement, ces trois sortes d'installation auxquelles fait allusion M. d'Avenel, sont caractéristiques de la maison moderne, et manquaient complètement dans la maison de jadis, même dans les palais des souverains.
Si tout ce confort qui nous semble du nécessaire à l'heure actuelle faisait ainsi défaut à des époques même peu lointaines, c'est que, si le salaire des ouvriers que l'on employait à construire les maisons et à y faire les diverses installations considérées comme indispensables, était bien faible, par contre tous les matériaux que l'on employait revenaient fort cher. Cela tenait à ce que les procédés techniques, les appareils, les machines, étaient tout à fait élémentaires. Quelques détails vont nous faire comprendre la chose.
La pierre de taille de Saint-Cloud, par exemple, employée à Paris pour la porte Saint-Denis, vers la fin du dix-septième siècle, revenait à 170 francs tout au moins et souvent à plus de 200 francs le mètre cube. La pierre de Conflans, qui a servi à faire les façades de la place de la Concorde, figure au devis, en 1760, pour 113 francs le mètre cube. Aujourd'hui, la pierre de taille à Paris ne vaut même pas 100 francs le mètre cube. Si nous cherchions ce que valait la brique, nous trouverions des comparaisons encore plus édifiantes, par exemple, en nous reportant au moyen âge, où pourtant la vie des ouvriers était bien médiocre, et leur alimentation bien sommaire. La brique de bonne qualité valait alors quelque chose comme 80 à 100 francs le mille, alors qu'elle est tombée bien en dessous de 50 francs à l'heure actuelle. La chaux se payait le double de son prix d'aujourd'hui. Il est bien vrai que souvent, on ne construisait ni en briques ni en pierre. On édifiait des maisons à pans de bois, comme on en trouve si souvent encore en Normandie, pans de bois recouverts de plâtre. Or, le plâtre, pour son compte, coûtait plus de dix francs pour une mesure correspondant à notre hectolitre; alors que le prix est bien en dessous de 2 francs à notre époque. Pour les parquets, la construction du château de Fontainebleau, en 1531, nous donne un renseignement. Les planchements, comme on disait, faits sur les aires des salles, chambres et cabinets se payaient 18 francs le mètre carré: c'est beaucoup plus cher que l'on ne paye maintenant le mètre des parquets modernes à point de Hongrie soigné.
A la vérité parfois les demeures construites avec des matériaux relativement si coûteux pouvaient être faites plus artistiques que les nôtres; tout simplement parce que les artistes peintres et sculpteurs qui décoraient les hôtels et les châteaux touchaient des salaires que des manoeuvres de notre époque ne trouveraient pas très élevés. On pouvait donc embellir sa demeure à peu de frais. C'est ainsi que la frise de festons composés "de fruitages avec petits enfants et oiseaux entremélés" qui orne le second étage  de la cour intérieure du Louvre, a été payée 1300 francs en tout et pour tout à Pierre l'Heureux et à trois de ses frères. Pour 3100 francs, deux autres artistes s'étaient chargé des sculptures de la façade du Louvre du côté de la rivière.
Et en tout cas, ce que nous appelons le confortable moderne était on peut dire inexistant à tous égards. Si nous avions pénétré dans ce qu'on appelait le logis des Herbert, famille puissante de la bourgeoisie provinciale de Poitiers, après avoir vu cet hôtel (qui a été démoli en 1887) orné extérieurement de morceaux exquis d'architecture, nous aurions constaté dans quelle simplicité vivaient ces familles de riches de l'époque. Au rez-de-chaussée il y avait, en tout, une salle unique de 7 m, 20 sur 11 m, 50, éclairée par deux croisées à meneaux faisant vis-à-vis à une cheminée monumentale. En prenant l'escalier, disposé dans une tourelle polygonale en saillie, et desservant les deux étages à l'aide d'un couloir extérieur en bois, nous voyons, au premier comme au second, seulement deux pièces de 5 m,65 sur 7 m,20. Dans les embrasures se trouvaient des bancs de pierre, et les parquets étaient constitués tout simplement d'un carrelage en terre cuite. Cela semblerait réellement misérable au plus modeste des tous petits bourgeois modernes.
Il y avait bien des peintures, des dorures, des marbres, des sculptures; mais très souvent les gens riches dinaient dans leur cuisine ou dans leur anti-chambre au dix-huitième siècle. Les cheminées fumaient et ne chauffaient point, tout était mal éclairé. Il n'existait point de sonnettes; et, à la fin du dix-septième siècle, on mentionnait sur des affiches, comme chose remarquable, offres d'appartements à louer où il y avait des sonnettes toutes posées. Il y avait bien, dans les parcs, dans les jardins, des machines hydrauliques, des fontaines, des cascades. Mais à Versailles, alors que le château était dans toute sa splendeur, il n'y avait qu'une seule baignoire qui ne servit jamais, et qui a été ultérieurement installée comme bassin au milieu d'une pelouse du château. On fut stupéfait quand on vit Choiseul installer à Chanteloup un pavillon de bains. Et quant "aux petits appartements discrets de nécessité" auxquels M. d'Avenel faisait allusion tout à l'heure, dans la phrase que nous avons citée, il était très rare qu'on en disposât d'un dans la cour même des maisons bourgeoises. Et les petits "retraits particuliers" dans les appartements du Roi, de la Reine, de Diane de Poitiers et des personnages de distinction, étaient des réduits qui empoisonnaient toute la construction. Quand, à la fin du dix-huitième siècle, on commença à introduire des "dispositifs à l'anglaise" , ce fut une curiosité et une stupéfaction générales. On citait tout particulièrement ceux de Mlle Deschamps, une beauté célèbre et danseuse dans les choeurs de l'Opéra.
Aujourd'hui, nous mettons de l'eau partout; on commence enfin à se laver réellement; les habitudes de propreté s'introduisent peu à peu dans les milieux les plus humbles, au grand avantage de l'hygiène et de la santé.

                                                                                                                 Daniel Bellet.


Le Journal de la Jeunesse, premier semestre 1913.