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lundi 11 avril 2016

Le carnet de Mme Elise.

Insufflons l'énergie à nos fils.


Je vous en prie, vous tous parents inquiets qui regardez l'avenir avec terreur, ne vous plaignez pas aussi amèrement de vos fils.
Ils se refusent à travailler, dites-vous, ils se montrent dédaigneux de toutes les situations qui leur sont offertes, ils soupirent à l'idée d'embrasser une carrière quelconque, en un mot ils se dérobent à l'effort.
Au lieu de les rendre entièrement responsables de cette veulerie, considérez donc les préjugés ambiants, les influences ataviques, les vanités voisines qui ont formé leur mentalité.
Qui donc a loué sincèrement devant eux la noblesse du travail?
Ont-ils jamais entendu dire que le travailleur vaut mieux que le riche oisif?
- Aux yeux du plus grand nombre de nos concitoyens contraints de vendre leur vie, pour avoir de quoi vivre, le travail passe pour un fardeau insupportable, dit le vicomte d'Avenel dans son étude sur les Etats-Unis; la majorité de ces condamnés au travail forcé souhaitent leur libération et pensent que l'idéal est de vivre sans rien faire, comme les lis des champs ou les rentiers... Le travail, dans l'opinion du vieux monde, n'est pas seulement chose pénible, c'est aussi chose humble et en tout cas inférieure à son contraire: le libre loisir.
C'est le vestige d'idées de l'Antiquité conservées par le moyen âge... Cent ans après 1789, il subsiste encore des dérogeances
Certes le temps n'est plus où "vivre noblement" et plus tard "vivre bourgeoisement" signifiait vivre sans rien faire; mais il demeure, en France, selon les milieux, une foule de métiers qui peuvent ne pas être "sots", mais qui ravalent plus que d'autres; tandis qu'un seul état semble avilissant dans cette Amérique où l'argent est si estimé: c'est celui de l'homme qui vit, sans profession, du fruit de son argent.
Nous ne pouvons que reconnaître la triste fidélité de ce tableau et convenir que nous ne trouvons aucun milieu où l'on donne le pas à l'effort sur la richesse paresseuse.
Nos fils ont respiré ces préjugés avec l'air; ils avaient déjà, avant de savoir le formuler, un dédain marqué pour certains métiers, pour certains négoces; ils regardaient avec des yeux railleurs le costume des ouvriers.
Et pourquoi donc si ce n'est parce que ces jugements étroits flottaient autour d'eux?
Je sais bien que les parents sont impuissants à modifier la société française, afin d'en faire une école d'énergie pour leurs fils; ils ne peuvent pas transformer la mentalité de leurs concitoyens de manière à faire de leurs actes et de leurs paroles des modèles de volonté pour écoliers. Mais alors, qu'ils restreignent le cercle de leurs relations, qu'ils procèdent à une sélection parmi les personnes qu'ils mettent en contact avec leurs enfants et surtout qu'ils veillent sévèrement aux enseignements quotidiens de la vie au foyer. 
Il est donc indispensable que nous présentions à nos fils l'obligation du travail comme noble, comme la garantie de notre valeur morale, comme la plus intense des satisfactions, comme le seul exercice rationnel de toutes nos activités.
Mais pour qu'ils soient vraiment convaincus, il ne suffirait pas que nous développions ces principe en un discours, il faut que notre vie entière en soit la perpétuelle application.

                                                                                                                 Mme Elise.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 22 mars 1908.

jeudi 2 avril 2015

Les fonctionnaires comiques.

Les fonctionnaires comiques.

Les agriculteurs, les commerçants, les ouvriers, tous ceux qui alimentent le budget tempêtent contre le fonctionnarisme, tempêtent... et payent. Pour leur consolation, nous empruntons à une revue anglaise de curieux types de serviteurs de l'Etat, au pays d'Edouard VII.
En 1854, on supprima un  petit dépôt d'approvisionnement, en donnant au magasinier privé de sa charge un traitement de quatre-vingt-cinq francs par mois environ. Depuis le Colonial Office entretient sans barguigner ce serviteur de l'Etat.
Parmi les heureux mortels rentés  à ne rien faire, il faut noter encore: un citoyen qui reçoit du ministère de l'Intérieur trois mille cents francs chaque année, sous prétexte qu'il fut jadis maître d'école dans une prison, et tel polyglotte fortuné auquel le département des Affaires étrangères donne, tous les douze mois, quatre cents francs, pour avoir traduit quatre documents arabes.
John Bull se montre tout aussi généreux pour les fonctionnaires de rien. Un ancien "boueux" perçoit religieusement, à chaque veille de Noël, un chèque de cent soixante-quinze francs, parce qu'il ramassait, autrefois, la boue devant le Parlement. Il n'y a plus d'ordures, en tas, devant les Chambres anglaises; mais les "députés" n'ont pas voulu que meure d'inanition un homme qui préserva des immondices le seuil du Palais des Lois! Bien réjouissante aussi, la manière dont on traite, à Londres, les anciennes blanchisseuses des avocats de la Cour de Justice. Depuis un fort long temps, ces dames ne donnent plus leurs soins au linge de la Cour. Mais elles en ont tant lavé et remis au propre que l'on semble craindre leurs indiscrétions. Et elles partagent entre elles une pension grassouillette de deux mille cinq cents francs.

Les gros pensionnés.

Quelles récriminations n'entendrions-nous pas en France,  si M. Rouvier s'avisait de verser une pension d'un demi million à un citoyen qui n'aurait d'autre mérite que celui de succéder à son père!...
C'est pourtant ce qui vaut en Angleterre au duc de Richmond une rente de cinq cent mille francs.
Le roi Georges III offrit jadis au duc de Richmond de lui verser tous les ans la somme précitée, en remplacement de l'impôt de vingt-cinq sous par trente-six boisseaux qu'il avait droit de prélever sur tout charbon exporté de la rivière Tyne et brûlé en Angleterre. Edouard VII fait honneur aux engagements de la couronne!
En échange de droits analogues, les ducs de Grafton reçoivent aujourd'hui, une pension de cent soixante-quinze mille francs. Et notez que ces gentilshommes n'avaient pu prélever ces impôts que par faveur spéciale et privilège du roi. La nation anglaise ne leur devait pas un penny.
On comprend mieux que l'Angleterre ait voulu, par un témoignage de reconnaissance, servir une rente à Nelson, le vainqueur de Trafalgar! Les patriotes avaient songé d'abord offrir un palais d'honneur au célèbre marin. Mais le héros britannique n'avait jamais eu le courage de prendre femme. Comment condamner à vivre dans un vaste et solennel édifice un homme ne possédant aucun intérieur? La somme de deux millions cinq cents mille francs, qui devait servir à la construction du monument, fut convertie en une rente annuelle de deux cent cinquante mille francs. A la mort de l'amiral, l'aubaine échut au pasteur Nelson, qui, lui-même, la transmit à ses enfants. Aujourd'hui, la pension Nelson est versée au petit-neveu et à la petite nièce du grand homme!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 15 janvier 1905.