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dimanche 11 avril 2021

Evénements de 1880.


Deux événements compromettaient singulièrement les confiseurs et les marchands de jouets cette année: la neige et la crise. Aujourd'hui, nous tenons le dégel et un ministère.
Le dégel est triste, noir, boueux; mais il fallait bien sortir de la gelée. 
Voici les noms de nos nouveaux maîtres:

DE FREYCINET, président: Affaires étrangères
LEPERE: Intérieur et Cultes
GAZOT: Justice;
MAGNIN: Finances;
FARRE: Guerre;
JAUREGUIBERRY: Marine;
FERRY: Instruction publique;
VARROY: Travaux publics;
TIRARD: Commerce
COCHERY: Postes et Télégraphes.

En somme, l'ombre de M. Gambetta préside et informe le nouveau ministère. M. Ferry subsiste et l'art. 7* aussi. C'est un peu plus rouge, les deux ministres conservateurs Waddington et Say étant dehors.
Le président du cabinet, Frescynet, comme l'ancien président Waddington est protestant.
Dans l'intervalle qui a séparé les deux ministères, la guerre a été déclarée ouvertement à la charité privée, et à Charleville, Amiens, Douai, la prétention a été émise que toute charité appartient à l'Etat qui s'en réserve le monopole.
Cette doctrine, qui va à toutes les confiscations, est grave si elle fait son chemin.

Le Pèlerin, 3 janvier 1880.

* Nota de Célestin Mira:

* art. 7: L'article 7 de la loi du 18 mars 1880 relative à la liberté de l'enseignement supérieur cherchait à empêcher les membres des congrégations non autorisées à participer à l'enseignement, qu'il soit public ou libre, primaire, secondaire ou supérieur. Cette disposition fut rejetée par le Sénat, puis par la Chambre des députés.

mardi 9 août 2016

Le ministre en herbe.

Le ministre en herbe.

Le ministre en herbe est un bipède, qui n'était rien hier et qui n'est pas grand chose aujourd'hui. Un beau matin, son nom est cité dans les journaux, pour être compris dans une des plus prochaines combinaisons ministérielles.
Aussitôt le ministre en herbe se fait une tête ad hoc. Il porte une redingote croisée, se colle un portefeuille, généralement vide, sous le bras droit et se montre dans les "cercles politiques". On le voit, à deux heures, dans la salle des Pas-Perdus; le soir, à l'Elysée, où il vient faire sa cour; et le matin dans l'antichambre de celui que le Président de la République a chargé de composer le futur Cabinet.




Il ne sait pas encore dans quel ministère on l'enverra. Il est apte à tout. A deux heures il est plein de zèle pour l'intérieur. Il a tout un système de réorganisation administratives. C'est son affaire. Il expose des idées nouvelles sur la nomination des préfets, sur la centralisation et sur le régime douanier. A cinq heures, tout est changé. On lui a offert l'instruction publique. Qu'à cela ne tienne! Il devient littérateur, professeur et artiste. Il imagine, séance tenante, des modifications dans les écoles et les lycées. Il parle belles-lettres et beaux-arts. A huit heures, on le désigne comme ministre du commerce. Incontinent, il change de peau, apprend par cœur le code commercial, opère des réformes dans le corps consulaire et médite une loi sur les faillites. Le lendemain, on lui donne les travaux publics. C'était son rêve. Le voilà ingénieur. Il connaît la question des chemins de fer et il émet, sur la voirie, des idées qui jusque là étaient demeurées inconnues et inédites.
Folâtre la veille, indifférent, grincheux, récalcitrant, il est maintenant homme de gouvernement. Hier, il votait contre le Tonkin, contre l'Eglise, contre la mairie centrale de Paris; aujourd'hui, il se ravise: "Il faudra voir, dit-il, on ne peut lâcher du jour au lendemain une conquête comme l'Indo-Chine. Il est nécessaire de rester en bons termes avec le Pape, et il faut se garder de donner trop de puissance au pouvoir municipal.
Mais la combinaison échoue, son nom, prononcé un instant, est déjà méconnu, oublié. 



L'ex-apprenti ministre lâche la redingote, se remet en veston et prépare dans l'ombre l'ombre d'horribles interpellations contre les ministres de l'avenir, qu'il ne connaît pas encore.

Physiologies parisiennes, Albert Millaud, 1887, à la Librairie illustrée, illustrations de Caran d'Ache, Frick et Job.